« Fille ou Garçon ? » : un spectacle pour enfants ciblé par l'extrême-droite, la metteuse en scène s'exprime sur Komitid

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La metteuse en scène de « Fille ou Garçon ? » Marion Rouxin se confie à Komitid sur les attaques dont elle est victime par des groupuscules d'extrême droite.

Affiche du spectacle « Fille ou Garçon ? » mis en scène par Marion Rouxin
Affiche du spectacle « Fille ou Garçon ? » mis en scène par Marion Rouxin

Alors que l’extrême droite, aux États-Unis comme en France, a récemment pointé son viseur sur les lectures pour enfants par des drag queens, un spectacle est aujourd’hui visé par de violentes attaques.

Créé à l’automne 2022, le spectacle Fille ou Garçon ?, mis en scène par Marion Rouxin, s’est trouvé être la nouvelle cible de groupuscules traditionnalistes. « On y traite notamment de l’égalité fille-garçon et des questions de genre, en chansons, avec une musique qui parle d’homoparentalité, une autre d’une enfant qui ne se sent pas bien dans le corps dans lequel elle est née… », confie la metteuse en scène à Komitid, à propos du spectacle qu’elle veut « tout public à partir de cinq ans ».

Un show rempli de bonnes intentions qui a déjà fait le tour de l’Hexagone dans des centres culturels, des écoles, des théâtres et autres associations. Malheureusement, la carrière du spectacle a rencontré ses premières turbulences en début d’année, avant une présentation dans les environs de Rouen le 15 janvier.

Marion Rouxin explique : « Ça a commencé lors d’une représentation au Trianon Transatlantique de Sotteville-lès-Rouen, où un groupuscule d’étudiants d’extrême droite de la Cocarde a commencé à s’énerver un peu, sur les réseaux sociaux, quant à notre venue. Très vite ça a été repris par des gens de Reconquête. Ils ont fait une demande préfectorale de rassemblement devant les lieux du spectacle ».

Une tentative de censure ratée face au bon sens de la commune de Sotteville, qui s’est montrée largement en faveur du spectacle : « On a eu le chance d’avoir une mobilisation citoyenne qui s’est faite d’elle-même, avec une soixantaine de personnes présentes pour défendre la représentation et accueillir les enfants et leurs familles pour qu’ils puissent rentrer tranquillement dans la salle. Les manifestants ont rapidement fait demi-tour », explique t-elle.

Pour autant, l’affaire n’en est pas restée là. Les attaques en ligne ont rapidement pris la forme d’actions plus concrètes, les membres du collectif d’extrême droite allant même jusqu’à solliciter les familles au sortir des écoles. : « Ils ont aussi fait des tractages près des écoles à Rennes, avec des tracts qui, je cite, «  alertent sur le danger de ce spectacle et le psychisme de leurs enfants ». Ils placardent des affiches dans les rues, on reçoit des insultes sur les réseaux sociaux, deux institutrices ont reçu des menaces de morts… C’est hallucinant, complètement fou », s’étonne Marion Rouxin, toujours choquée des proportions prises par cette affaire en si peu de temps.

L’extrême droite s’énerve

La Cocarde Étudiante, qui a donc été la première à s’en prendre au spectacle, est une association d’extrême-droite connue notamment pour ses débordements et positions largement homophobes et racistes.

Récemment, elle faisait parler d’elle pour la dégradation d’une statue de Victor Hugo pas encore achevée dont des membres de la Cocarde ont repeint le visage en blanc, le jugeant trop sombre. Sur son site Internet, la Cocarde revendique alors le délit avec des photos d’une pancarte prônant le «  White Power » et la description suivante : « À l’initiative des nationalistes locaux, la statue de Victor Hugo (…) a été restaurée et arbore désormais une belle couleur blanche, bien française, bien bisontine, bien XIXe siècle ».

Toujours sur son site, La Cocarde Étudiante se moque de la non-binarité, qualifie la PMA de « progrès du consumérisme et de l’individualisme » et appuie la théorie de “grand remplacement”.

Sur les réseaux sociaux, La Cocarde accuse le spectacle Fille ou garçon de faire « la promotion de la théorie du genre et du transgenrisme auprès d’enfants à partir de cinq ans », le qualifiant de «  pièce de propagande gauchiste à peine déguisée ».

L’association catholique-intégriste Civitas s’est elle aussi mêlé à l’affaire à coups de tractages, de diffusion de fake news et de récupérations politiques. En 2012, cette association militait contre la loi sur la mariage pour tous aux côtés de la Manif pour Tous, son président expliquant qu’« un nouveau mariage déboucherait sur la légitimation future du mariage polygame et incestueux ».

Sur les affiches que La Cocarde placarde sur les murs et rediffusées sur les réseaux sociaux, que nous avons pu consulter, on peut voir une petite fille déguisée en princesse disant « les garçons ne s’habillent pas en princesse » ou encore un petit garçon habillé en cow-boy qui demande à ce qu’on le laisse jouer avec son pistolet. Les tracts distribués, eux, parlent de l’idéologie de genre qui serait du « totalitarisme qui vise à détruire la morale, priver l’humain d’identité et le réduire à un état de marchandise transformable selon ses caprices » au profit de prétendus « lobbys ».

Des propos alarmants qui, selon la metteuse en scène, ont réussi à effrayer plusieurs parents qui n’ont pas emmené leurs enfants voir le spectacle. Même si Marion Rouxin précise n’avoir « jamais eu peur », les représentations sont dorénavant protégées par un service d’ordre plus important que d’habitude, voire par la police municipale dans certaines villes.

Le spectacle soutenu

Heureusement, ces menaces et ces offensives ne suffisent pas à convaincre les villes de déprogrammer le spectacle : « Partout où on a joué et où on a été confronté à ce genre de problématiques, les lieux et mairies se sont positionnés avec nous. Celle de Nantes, où on joue en avril, a même publié un communiqué de presse de soutien, alors que c’est là-bas que [les opposants] on été le plus virulents et organisés, en faisant des tractages dans toutes les écoles de la ville. Les écoles, instituteurs, institutrices, et directions nous disent que maintenir le spectacle est une évidence et qu’il n’y a pas de débat. Que ce soit des enfants ou des adultes qui les accompagnent, institutrices comme parents et grands-parents, les retour sont tous positifs. C’est surtout un spectacle sur la tolérance, et tout le monde s’y retrouve, on a de très bons échos », continue Marion Rouxin.

Le communiqué de presse de la ville de Nantes explique que « cette tentative d’instrumentalisation politique par un groupuscule intégriste est grave et dangereuse »  : « Nous réaffirmons notre attachement le plus profond à la liberté de création ». Les deux institutrices victimes de menaces de mort par mail ont quant à elles porté plainte.

« On parle juste de sujets de société qui s’adressent également aux enfants, et j’aimerais qu’on me laisse tranquille. La liberté de création et d’expression existe encore en France », conclut Marion Rouxin, estomaquée de la violence des attaques qu’elle et ses soutiens affrontent.

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