Paul Vecchiali : mort d'un cinéaste magnifiquement marginal
Mort à 92 ans de Paul Vecchiali, un grand cinéaste qui a toujours farouchement défendu son indépendance en proposant des films inclassables.
Paul Vecchiali n’aurait pas aimé que je lui attribue le qualificatif de cinéaste gay. « Je n’aime pas le mot gay ou le mot homosexuel », m’avait-il dit en 2016, alors qu’il venait de réaliser un de ses plus beaux films, C’est l’amour.
Né en 1930 à Ajaccio, Paul Vecchiali ne cessera jamais de tourner à partir des années 60. Immense admirateur de Danielle Darrieux, il la fera tourner dans le très émouvant En haut des marches en 1983, hommage à sa mère. Cette fascination pour la plus grande actrice française, il la partage avec Jacques Demy, avec qui il était très ami. Il m’avait d’ailleurs raconté plusieurs anecdotes croustillantes sur leur complicité.
Il est aussi un grand admirateur de Jean Genet, et C’est l’amour fait de nombreuses références à l’œuvre de l’écrivain.
Dès Once More, réalisé en 1988, Paul Vecchiali fera de l’homosexualité un thème central de son œuvre. C’est aussi avec ce film qu’il aborde la question du sida, chose rare à l’époque. Dans Bareback, en 2016 (inédit en salles), Paul Vecchiali tourne une longue scène d’amour. Il raconte : « L’idée était d’avoir une scène d’amour très longue, qui dure 33 minutes. Tout ce qui est caresses, tendresse, fait oublier le péril du sida et donc ils ne mettent pas de capote. Et le lendemain, l’un dit : ” Je suis séropositif. ” »
Comme nous l’expliquait en 2015 le spécialiste de l’œuvre de Vecchiali Matthieu Orléan, le cinéaste vouait une admiration sans borne au cinéma des années 30 et à des auteurs comme Jean Grémillon et Henri Decoin. En 2010, il avait d’ailleurs publié L’Encinéclopédie, près de 1000 pages consacrées à la filmographie complète de cinéastes ayant tourné dans les années 1930 en France.
A travers sa société de production, Vecchiali a occupé aussi une place à part car il a soutenu de très nombreux réalisateurs (Jean-Claude Biette, Jean-Claude Guiguet, Serge Bozon, Laurent Achard).
Il partage aussi avec Jacques Demy un autre aspect : la difficulté de trouver des financements. Ce fut le cas pour Demy à partir des années 70 pour des projets jugés trop décalés par rapport aux attentes de l’avance sur recettes.
Paul Vecchiali et Pascal Cervo sur le tournage de « C’est l’amour » (photo : Wladimir Zaleski)
Comme bon nombre de cinéastes gays (on peut citer en France André Téchiné et François Ozon), Paul Vecchiali aimait faire tourner des femmes d’une génération au-dessus de lui. Pour Matthieu Orléan, « Vecchiali va travailler avec les actrices pour les amener sur un nouveau territoire, les bouleverser, les transformer en les faisant rentrer dans son univers tout en lui pénétrant dans le leur, c’est quelqu’un qui aime être dans l’imprégnation avec les autres. »
Il pouvait aussi se montrer très malicieux. Comme dans cette scène de C’est l’amour, où le personnage interprété par Pascal Cervo joue dans La Coqueluche de la plage et va d’ailleurs obtenir un César. C’est un clin d’œil mais aussi une critique du film d’Alain Guiraudie, L’Inconnu du lac, que Vecchiali n’avait pas aimé. Il s’en était expliqué dans son interview sur Yagg. : « Alain sait très bien que je déteste son film. Ce vieux rêve qui bouge est un des plus grands films français de l’époque. Mais [dans L’Inconnu du lac] voila un cinéaste qui aime les hommes et qui ne sait pas filmer les étreintes entre hommes. Et puis, qu’est-ce que c’est que ce gros plan de cette bite qui éjacule ? C’est n’importe quoi. »
Toujours lors de cet entretien en 2016, il m’avait confié : « Il faut travailler pour communiquer un rêve. Un film, ce n’est rien d’autre que cela, la concrétisation d’un rêve que l’on partage avec les spectateurs, qu’ils le partagent ou pas. »
Cinéaste des émotions intenses, d’une certaine forme de mélodrame, Paul Vecchiali laisse une œuvre à part dans le paysage cinématographique. Dans Paul Vecchiali, La maison cinéma, passionnant ouvrage de Matthieu Orléan, on peut lire cette phrase de Vecchiali sur son cinéma : « Je ne cesse de poursuivre un personnage qui va à la recherche du bonheur et qui s’imagine que le bonheur passe par la lucidité. Et qui ensuite s’avère trop vulnérable pour cette démarche. »
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