L'équipe de Cyril Hanouna attaque violemment un inoffensif spectacle pour enfants avec la drag queen La Maryposa
L'animateur de C8 Cyril Hanouna laisse éclater une nouvelle polémique sur le plateau de "Touche pas à mon poste" à propos d'un spectacle pour enfants dans lequel la drag queen La Maryposa a participé.
C’est le 11 décembre dernier qu’a eu lieu à Bordeaux le chouette cabaret pour très jeunes enfants de La Maryposa, drag queen locale. Une journée sous le signe du spectacle, des paillettes et de la musique, qui n’a malheureusement pas connu le destin souhaité. Alors que l’organisation annonce fièrement la présence de l’artiste drag, une vague de commentaires discriminants et de menaces s’abat : monstres, malades mentaux, dangereux pour les enfants … les accusations se multiplient sous l’annonce de l’évènement.
La polémique aurait pu s’arrêter là, mais le 6 décembre, Cyril Hanouna et son équipe prennent les devants et décident de s’en emparer pour en faire un sujet à débat dans l’émission Touche pas à mon poste. Dès lors, comme à leur habitude, les chroniqueurs du talk se sont lâchés en remarques déplacées, vides de sens et violentes : “De 0 à 3 ans, on n’a pas à leur faire des stages sur le mariage pour tous, l’inclusivité et les LGBT”, déclare Géraldine Maillet la première, suivie d’une Danielle Moreau qui demande à ce qu’on laisse “nos enfants tranquilles”. “Tous les jours on a un nouveau cas de militantisme, pour les enfants de 0 à 3 ans maintenant. Rien ne va dans ce truc là”, ajoute-elle.
Quand Mathieu Delormeau, chroniqueur gay, défend l’initiative, Kelly Vedovelli le traite de “taré” et de “débile” : “Tu me déçois énormément, c’est très grave ce que tu es en train de dire”, dit-elle avant de critiquer les tenues de La Maryposa qu’elle juge indécentes, la qualifiant même de “femme chien” (“un collier de chien, mais t’as vu ça où ? Ça fait peur c’est hyper négatif”).
Benjamin Castaldi précise que, selon lui, “un enfant de 0 à 3 ans qui voit des gens différents, il risque d’avoir simplement peur”, avant que Kelly Vedovelli, visiblement très inspirée par le débat, conclue ce florilège indigent : “Emmener ses enfants voir ce genre de spectacles, ça va en faire des enfants perturbés, il faut être irresponsable”. Le tout en se plaignant à maintes reprises d’être traités de “réactionnaires” et “d’homophobes“, précisant avoir du “courage” d’exprimer toutes ces idées.
Le débat est ainsi un exemple de désinformation et d’ignorance du sujet, où règnent l’inconsistance, les amalgames et le mépris. Quand il prend fin, les spectateurs de l’émission tranchent via un sondage fait en direct : 85 % d’entre eux considèrent qu’il n’est pas acceptable que de telles initiatives aient lieu.
Dès lors, et parce que ni la chaîne ni l’émission ne s’est posée de questions sur le potentiel danger que pouvait représenter le partage des réseaux sociaux de La Maryposa dans un tel climat, l’artiste est victime de centaines de messages menaçants et insultants. L’évènement est maintenu, un personnel de police est tout de même demandé pour faire attention à d’éventuels problèmes, mais à part quelques opposants bien peu nombreux, rien n’arrive.
Maryposa répond
Si l’évènement a pu avoir lieu sans trop de heurts, c’est sûrement parce que ses opposants sont plus à l’aise à insulter une personne sur les réseaux sociaux qu’à la confronter en personne. Car des menaces, La Maryposa en a vu passés. Dès le 9 décembre, sur son compte Instagram, la drag queen partage un long texte dans lequel elle souhaite rappeler que le drag “est un art du spectacle, un art pluridisciplinaire mettant en scène, entre autres, le spectre du genre”.
“Cet évènement est constitué de jeux d’éveil, d’échanges avec des sage-femmes et des puéricultrices, le tout ponctué par un spectacle adapté comprenant des danseurs, des mascottes et une drag queen. La direction artistique est évidemment adaptée aux enfants, le choix des costumes également (aucune nudité)”, rassure t-elle avant de dénoncer l’émission et sa “haine anti-lgbtqia+ face à une large audience”. “L’émission m’expose moi et la communauté à une déferlante de haine via messages, appels et présences lors de nos évènements.”
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Dans une interview pour le média Révolution Permanente, La Maryposa répond à ceux qui accusent les drag queens de vouloir montrer des spectacles à caractère sexuel à des enfants : « Les adultes projettent quelque chose de sexuel avec les enfants, ce qui est un peu bizarre pour nous, puisqu’on est juste dans l’amusement. [Les enfants] nous voient comme une princesse Disney, comme une mascotte, comme une fantaisie, comme quelqu’un de costumé, transformé, déguisé… Et c’est ce qui les émerveille. »
« Il va falloir peut-être ressortir dans les rues et reconsidérer la Pride, non pas comme un moment où on est fier·es de nos libertés… Mais finalement peut-être redescendre dans la rue avec moins de couleurs, mais avec plus de rage », conclut-elle.
Une polémique qui est loin d’être la première
Déjà en 2019, le même cas de figure avait lieu dans une librairie parisienne du 20ème arrondissement : des drag queens avaient fait la lecture de contes sur le genre à des enfants, avant d’être les cibles de menaces terrifiantes. Un des membres de la librairie avait ainsi déclaré sur les réseaux sociaux : “J’en ai parlé ces derniers jours, mais la bibliothèque Louise Michel, où je bosse, vit en ce moment une vague de harcèlement sans précédent. Notre crime : Un atelier de lecture de conte non-genrés par des Drag-Queens pendant la Queer Week. (Oui, des hommes déguisés = horreur) », avant d’inviter à signaler « les apprentis nazis locaux, les trolls de bas étages et autres guerrier d’une France qui ne semble exister que dans leurs têtes ».
L’Association des Bibliothécaires de France, dans un communiqué, avait apporté son soutien à la bibliothèque Louise Michel : « Nous tenons à réaffirmer que c’est le rôle même des bibliothèques et des bibliothécaires que de proposer au public des services, des animations et des collections pour tou·te·s, et sur tous les sujets pour favoriser les débats, lutter contre les prescriptions idéologiques et donner aux enfants comme aux adultes les clés pour comprendre le monde dans lequel ils et elles vivent.
Aux États-Unis aussi, ces affaires sont devenus monnaies courantes. Le groupuscule Proud Boys, qui s’est fait connaitre en 2021 en organisant des contre-manifestations anti Black Lives Matter, a en effet choisit sa nouvelle cible : les représentations de drag. C’est en juin dernier, lors d’une lecture de contes pour enfants par des artistes drag, que les membres de ce groupe masculiniste d’extrême droite s’en est pris à la communauté LGBTQI+.
La bibliothèque de San Lorenzo accueillait Drag Queen Story Hour, inititative crée en 2015, lorsqu’un groupe de cinq hommes a interrompu l’événement et a commencé à lancer des insultes homophobes et transphobes aux participants. “Les hommes ont été décrits comme extrêmement agressifs avec un comportement violent menaçant faisant craindre aux gens pour leur sécurité”, avait déclaré le lieutenant Ray Kelly, porte-parole du bureau du shérif du comté d’Alameda dans un communiqué.
Plus récemment, samedi 3 décembre, c’est en tenue militaire et armés de fusils d’assauts que 50 à 70 militants d’extrême-droites se sont rendus dans une école primaire censée accueillir une séance de lecture par des artistes drag. L’évènement est évidemment annulé par l’école, intimidée par le danger que représentait le groupe. Un mouvement de haine qui se libère et arrive doucement mais sûrement en France donc, à coup de fake news, de stigmatisation et de désinformation, en accusant les artistes de sexualiser les enfants et d’avoir des désirs pédophiles pour eux.
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