Rosa Bonheur, l'exposition événement sur une artiste engagée
Depuis le 15 octobre, une exposition des œuvres de la peintre Rosa Bonheur (1822-1899) a élu domicile au Musée d'Orsay, à Paris. Place des femmes dans la culture et droits des animaux : ses œuvres résonnent encore avec les sujets contemporains.
Visible jusqu’à la mi-janvier au Musée d’Orsay, une exposition donne à voir un panel du corpus d’œuvres créées par Rosa Bonheur. L’occasion de (re)découvrir le travail d’une artiste qui a dédié sa vie à rompre avec les codes sociaux.
Née en 1822 dans une famille d’artistes, Rosalie Bonheur (dite Rosa Bonheur) est une peintre française qui ne s’est jamais conformée aux attentes de la société. Rapidement, elle refuse de se marier, ce qu’elle considère comme une aliénation l’empêchant de se dévouer à son art. Ses cheveux courts assumés et son profil fumeur entre cigarettes et havanes lui collent rapidement une étiquette de “garçon manqué”. Elle y contribuera à son tour en demandant une “permission de travestissement” afin de pouvoir porter des pantalons.
Ses amis les animaux
L’ensemble des œuvres de Rosa Bonheur ont un point commun : la place déterminante donnée à l’environnement naturel. Au cours de ses différents voyages en Auvergne, dans le Nivernais, dans les Pyrénées et en Écosse, elle se passionne pour la biodiversité locale qu’elle va par la suite exploiter dans ses tableaux. Spécialisée dans la représentation animalière, elle travaillera sur de majestueux portraits de lions, de cerfs et de chiens. Le musée d’Orsay met en lumière sa capacité à “restituer à la fois l’anatomie et la psychologie animales“.
La vie personnelle de l’artiste est aussi marquée par sa passion pour les êtres vivants : au château de By (Thomery, France), elle était accompagnée par plusieurs dizaines d’espèces différentes, c’était une “formidable ménagerie […] où se côtoyaient notamment chiens, cerfs et fauves“, rapporte le musée d’Orsay.
Lesbienne ou pas ?
Sa vie personnelle est aussi un aspect capital de sa renommée. Elle a vécu plusieurs décennies aux côtés de Nathalie Micas, une artiste française rencontrée en 1836. Dans son journal, cité par Anna Klumpke dans Rosa Bonheur, sa vie, son œuvre (1908), elle évoque leur relation : “Si j’avais été un homme, je l’aurais épousée, et l’on n’eût pas inventé toutes ses sottes histoires…”
L’américaine Anna Klumpke est d’ailleurs la seconde femme à avoir occupé la vie de Rosa Bonheur. Artiste-peintre, elle rencontre son homologue française pour en faire son portrait. Une relation se noue, elles partageront ensemble la dernière année de vie de Rosa Bonheur.
Pourtant, les avis ne sont pas unanimes sur le lesbianisme supposée de Rosa Bonheur. Marie Borin, autrice du livre Rosa Bonheur, une artiste à l’aube du féminisme (Pygmalion, 2011), est catégorique : « l’hypothèse de l’homosexualité de Rosa Bonheur […] était, à ses yeux, le résultat d’une fausse interprétation de sa vie et une incompréhension totale ».
Pour d’autres, comme Suzette Robichon, autrice de Rosa Bonheur, Ceci est mon testament (iXe, 2012), il n’y a aucun doute que la peintre était lesbienne : “Je ne me suis même pas posé la question de si je mettais “lesbienne” [sur le livre] parce que c’était évident“, confie-t-elle dans un documentaire diffusé sur le web, Le Cas de Rosa Bonheur.
Des luttes toujours d’actualité
Alors que cette année marque le bicentenaire de la naissance de l’artiste, le travail de Rosa Bonheur n’en est pas pour autant tombé en désuétude. Pour ses œuvres à l’effigie des animaux, elle est dépeinte en “pionnière de la défense du vivant dans l’art” selon Geo. Le même article souligne que son utilisation de la peinture serait un “plaidoyer contre la maltraitance animale” notamment pour le tableau Le Marché aux Chevaux. Une cause encore d’actualité en 2022 avec les abandons d’animaux domestiques et la corrida, la chasse et la pêche qui continuent à sévir.
Rosa Bonheur est aussi vue comme une figure féministe, en faveur du port du pantalon à son époque et de l’auto-détermination face au mariage. L’équivalent aux revendications actuelles pour un salaire sans différenciation de genre et/ou de sexe ou encore contre les violences sexistes et sexuelles, pour le droit à l’avortement.
Une artiste-peintre qui s’est aussi engagée pour le sort du peuple amérindien et comme une précurseure de la lutte anti-raciale et décoloniale. Elle “était choquée que l’on fasse disparaître ces civilisations […] son opinion était dissonante par rapport à ce que l’on avait l’habitude d’entendre à l’époque”, détaille Katherine Brault, propriétaire actuelle du château de By… celui de Rosa Bonheur.
« Rosa Bonheur (1822-1899) », au Musée d’Orsay, 1, rue de la Légion d’Honneur, 75007 Paris. Jusqu’au 15 janvier 2023.
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