Droit à l'avortement : avec sa proposition de loi excluant les hommes trans, Aurore Bergé provoque un tollé
La député Renaissance Aurore Bergé a déposé la semaine dernière un amendement visant à reformuler un alinéa de l'article 66-2 sur l'avortement afin d'exclure les hommes trans. Une décision qui ne manque pas de faire réagir le monde militant et associatif.
Plusieurs propositions de loi ont été déposées afin d’inscrire le droit à l’avortement dans la constitution. Il y a celle de la France insoumise, discuté le 16 novembre, mais aussi un texte de Renaissance, le groupe parlementaire soutien du président de la République et présidé par Aurore Bergé. Cette dernière a le 7 novembre, fait une modification importante à cet amendement.
Selon sa proposition, le “Nul ne peut être privé du droit à l’interruption volontaire de grossesse” d’origine doit être modifié pour être écrit ainsi : “Nulle femme ne peut être privée”. Une variation qui peut paraître anodine aux premiers abords, mais qui porte en elle bien plus qu’on ne le croit.
Car d’après cette rédaction, ce sont tous les hommes trans qui seraient exclus de la constitutionnalisation du droit à l’IVG. D’après l’exposé sommaire des motifs de l’amendement, une audition du Conseil national des barreaux (CNB) aurait mis “en évidence la nécessité de préciser que seules les femmes directement concernées peuvent faire valoir le droit à l’IVG et en aucun cas des tiers qui souhaiteraient le leur imposer”.
Le monde militant se mobilise
Plusieurs personnalités du monde militant, politique et associatif se sont insurgées contre l’adoption d’un tel amendement. Jean-Luc Romero-Michel, adjoint à la Mairie de Paris et militant contre le sida, parle d’une décision “incompréhensible et inacceptable”, tandis que Sébastien Tüller, responsable LGBTQI+ à Amnesty France, voit ce geste comme une “honte”.
Sous le tweet de ce dernier, Aurore Bergé se défend de vouloir exclure les personnes trans de la loi, en précisant que le but de l’amendement est de “garantir que des tiers ne puissent en aucune manière interférer dans le choix libre d’une IVG”.
Une réponse qualifiée tantôt de “lunaire” par Sébastien Tuller, qui rappelle qu’il n’est jamais question dans l’amendement d’empêcher un avortement, tantôt “d’hasardeuse” par le Groupe d’Information et d’Action sur les questions Procréatives et Sexuelles (GIAPS) dans une tribune qui devrait bientôt être rendue publique et que nous avons pu consulter.
Contactée par la rédaction de Komitid, Anaïs Perrin-Prevelle, co-présidente de l’association Outrans, critique une décision discriminante, et met en avant le non-sens de cette reformulation : “C’est une décision très cis-hétéro-normée, une autre formulation correcte aurait été “nul ne peut être privé de l’interruption de SA grossesse””.
Aurore Bergé s’était déjà faite remarquer par les associations LGBTQI+ et féministes après être apparue publiquement à plusieurs reprises aux côtés de militantes anti-trans comme Dora Moutot et Marguerite Stern, alors qu’elle a toujours semblé refuser de s’entretenir avec les associations concernées.
Anaïs Perrin-Prevelle parle d’un engagement clair “contre les personnes trans”, qui suivrait les biais de pensée que certaines féministes, dont Stern et Mouton, s’acharnent depuis des années à instaurer dans le débat public. Selon Anaïs Perrin-Prevelle, “l’idée est de faire croire que les associations LGBTQI+ s’opposent au droit des femmes“.
La militante trans estime que la demande des associations queer de revoir l’article pourrait être instrumentalisée comme étant une atteinte directe à la constitutionnalisation du droit des femmes. Pourtant des critiques similaires émanent aussi du propre camp de la députée. En effet, le député du groupe Renaissance Raphaël Gérard a tenu à faire savoir que selon lui, “la meilleure prise en compte des droits des personnes trans ne menace EN RIEN les droits des femmes”.
Enfin, Anaïs Perrin-Prevelle souligne le recul que représente une telle prise de position pour la cause féministe : “Depuis près de 100 ans, le droit français se dégenre. C’était justement le but des combats féministes depuis des années, pour que les femmes aient, indépendemment de leur genre, les même droits que les hommes, par exemple pour ouvrir un compte bancaire, ou même pour le mariage pour tous·tes”.
En effet, cet amendement est à ce jour le deuxième à être regenrer, peu après celui sur la PMA qui mettait déjà de côté les hommes trans. Selon la militante, ce retour en arrière va “à l’encontre du principe féministe”.
L’amendement du groupe Renaissance a été adopté le 9 novembre suivant en commission des lois, et devrait être examiné le 28 novembre prochain à l’Assemblée Nationale.
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