Transpire, le sport communautaire pour les personnes trans
Lou est un homme trans, co-créateur et actuel président de l'association Transpire. Il répond aux questions de Komitid.
Jeudi 3 novembre, une quinzaine de personnes se sont retrouvées au stade Louis Lumière (Paris 20ème) pour un entraînement de football. Cette soirée est organisée par Transpire, une association créée en avril 2022 et qui organise des évènements sportifs pour les personnes trans.
Lou est un homme trans, co-créateur et actuel président de l’association. A 23 ans, il suit un Master 1 de Santé publique à l’université de Paris et prépare un mémoire sur l’accès à la santé sportive pour les personnes trans. Il répond aux questions de Komitid.
Komitid : A quel constat, quels besoins répond l’association Transpire et comment a-t-elle vu le jour ?
Lou : On a créé, avec deux amis Yaël et Nathan, l’association il y a six mois. Suite à notre rencontre en janvier, on s’est rapidement dit qu’on voulait faire du sport ensemble. Je me suis renseigné, je me disais : “il doit bien y exister des clubs où on doit se sentir bien“. Je ne me voyais pas aller dans un club avec que des mecs cis – je pense que je n’aurai pas été accepté dans tous les cas – mais je ne me voyais pas non plus m’entraîner avec des meufs cis, parce que je ne me sentais pas à ma place. C’est parti d’un besoin personnel, avec mes potes : on a envie de faire du sport, on ne peut pas, alors on fait quoi ?
Je n’avais pas conscience, quand on a créé l’association, qu’il y avait un besoin général de la communauté. J’étais un peu en dehors de la cause trans, je n’étais pas du tout dans le militantisme, je vivais seulement ma transition de mon côté avec mes amis. Le contexte de l’association m’a éveillé, je me suis rendu compte de la nécessité pour les autres personnes trans. A notre création, on a reçu de nombreux messages : “merci, c’est ça qu’il nous manquait.”
Ayant été secrétaire-général de l’asso de ma filière à la Sorbonne, semblable à un BDE, je connaissais le monde associatif, ça n’avait pas de secret pour moi, je n’avais pas peur. Le lancement du compte Instagram a fait carton plein avec plus de 800 likes. Les amis avec qui j’ai co-créé Transpire ont pris peur parce qu’ils ne connaissaient absolument pas le monde associatif et se sont dit : “merde, comment on va gérer ça ?“. La création s’est faite à trois mais j’ai mené le reste seul, ce n’était plus possible pour eux, en sus de leurs problématiques personnelles, de continuer [de participer à] Transpire. Cependant ma copine a eu de nombreuses expériences associatives donc elle savait très bien comment gérer tout ça et m’a beaucoup aidé.
« Dès la création de l’association j’ai reçu de nombreuses propositions d’organisations, de clubs qui souhaitaient organiser un évènement avec Transpire »
Pour l’instant vous agissez en région parisienne, quelles sont vos actions actuelles et futures ?
Mon rêve est qu’un jour il y ait des antennes Transpire un peu partout, mais pour l’instant c’est en région parisienne car j’y suis. Dès la création de l’association j’ai reçu de nombreuses propositions d’organisations, de clubs qui souhaitaient organiser un évènement avec Transpire. Je n’ai pas eu besoin de démarcher qui que ce soit, iels sont venu.e.s à moi. Tout a donc été plus simple, c’est le cas pour l’entraînement de boxe de septembre dernier.
On a organisé un premier évènement en mai, c’était un pique-nique : je me suis dit qu’avant de faire du sport ensemble il fallait que les personnes se rencontrent, se découvrent, qu’iels voient si ça leur plaît d’être ensemble. Il y a eu presque 30 personnes, le feeling a pris et ça a surtout aidé de nombreuses personnes, certain.e.s sont venu.e.s me voir : “merci pour aujourd’hui, je ne suis pas sorti depuis le confinement.” Le dernier évènement en date était jeudi 3 novembre, un entraînement de football avec le FC Paris Arc-en-ciel qui est une organisation LGBT+ de foot. Les participant.e.s ont fait une heure et demi de transport aller, une heure et demi retour et je me rends bien compte que si iels ont fait autant de chemin c’est qu’il y a un énorme besoin d’avoir ces espaces sportifs safe.
L’adhésion n’est pas encore en place, on ne va pas faire adhérer des gens alors qu’iels ne savent pas si ce qu’on va leur proposer après va leur plaire. Il va y en avoir par la suite, à prix libre, ne serait-ce que pour qu’il y ait de l’argent dans le fonds de l’association pour financer des évènements comme le pique-nique où mes amis et moi avons tout payé, comme la séance d’escalade qu’on voulait faire qui coûte très cher. Je ne fléchirai pas sur un de mes engagements : que les évènements de Transpire restent gratuits. Je ne veux jamais faire payer les gens venus faire du sport.
Aux prémices de l’association, j’ai pris le lead sur un sujet : je refuse qu’on interdise nos actions à certaines personnes. Je suis plus pour un évènement LGBT que juste T. Transpire ne doit pas fermer ses portes aux personnes cis, c’est ouvert à tout le monde. Que ce soit pour accompagner des proches trans ou pour les personnes en questionnement, nos entraînements sont ouverts. C’est la meilleure solution que j’ai à proposer : la mixité.
A l’avenir, sûrement début 2023, je souhaite organiser une course contre la transphobie, sur le même modèle que la course contre la faim. L’idée est de lier militantisme et sport, ce qui est indissociable. D’autre part, en collaboration avec Queen and Queer, on envisage un évènement en deux temps : l’après-midi serait consacrée à des ateliers sportifs tandis que la soirée serait festive avec un concert, des performances etc. L’idée est de créer une bulle sociale de bienveillance festive dans laquelle on leur montre que tout est fait pour elleux. En rapport avec mon parcours universitaire cette fois – j’ai fait une année de pharmacie–, j’ai le projet d’une vie qui serait de militer pour que chaque étudiant.e en parcours de santé soit formé.e aux transidentités. On ne peut plus agir sur les professionnel.le.s actuellement en poste donc faut s’attaquer à la future génération.
Les personnes trans dans le sport, en professionnel et en amateur, sont exclues des entraînements et des compétitions. Comment se positionne Transpire à ce propos ?
C’est un sujet complexe, je pense que je n’ai pas assez poussé ma réflexion pour me positionner fermement mais ce qui est sûr c’est qu’actuellement ça ne va pas. Je ne saurai pas pour autant comment faire pour que la pratique sans catégorie de genre soit équitable d’un point de vue physique et biologique. Pour l’instant, la question trans est encore tellement tabou qu’il s’agirait déjà de se faire accepter tout court avant de s’attaquer au sport.
Certain.e.s souhaitent l’apparition d’une troisième catégorie de genre : les hommes, les femmes et “le reste”. Je ne suis pas partisan de l’idée parce que selon moi on n’est pas une catégorie à part. Je respecte que certain.e.s puissent le penser et le revendiquer mais cela n’est pas vraiment la solution pour inclure les personnes trans dans le sport. A l’instar de Lia Thomas, femme trans et nageuse, qui est accusé d’avoir trop de testostérone dans son corps, plus musclée car encore “homme” biologiquement alors qu’à terme une femme trans a autant de testostérone dans son corps qu’une femme cis. Je ne sais pas si il faut accepter, qu’à partir d’un certain moment dans la transition, une personne puisse conquérir avec la catégorie de genre dans laquelle elle se reconnaît. L’idée repose tout de même sur un principe que je ne comprends pas : la division par catégorie homme-femme.
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