L'artiste brésilienne Renata Carvalho présente « Manifesto Transpofágico », son seule-en-scène coup de poing, au Théâtre du Nord à Lille
Renata Carvalho veut marquer les esprits avec son nouveau spectacle, « Manifesto Transpofágico », qu'elle présente du 5 au 8 octobre au Théâtre du Nord, à Lille. Interview.
Au Théâtre du Nord, à Lille, l’artiste brésilienne Renata Carvalho présente Manifesto Transpofágico, un spectacle seule-en-scène dans lequel elle pointe l’exclusion historique, l’hyper-sexualisation et la folklorisation du corps des personnes trans. Une pièce dans laquelle elle raconte et revendique l’histoire de son corps comme (auto)construction, mais parle aussi de l’histoire de la violence contre les travestis (dont la définition n’est pas la même au Brésil, elle s’en explique) et les personnes trans au Brésil.
Elle répond aux questions de Komitid.
Komiti : Qu’avez-vous envie de dire à travers ce spectacle où vous êtes seule en scène ?
Renata Carvalho : Je veux que les gens puissent mesurer à quel point nous sommes transphobes. Où en sommes-nous dans cette société structurellement transphobe en 2022. Je veux exposer les constructions sociale, criminelle, pathologique, carnavalesque, sexualisante, religieuse et morale qui imprègnent l’imagerie collective européenne sur l’identité travesti (en brésilien dans le texte).
« Travesti, c’est une identité de genre qui échappe à la binarité systématique »
Que signifie pour vous le mot travesti qui est présent en néon durant tout le spectacle ?
Premièrement, le mot travesti n’a pas de traduction en français. Travesti c’est une identité féminine répandue en Amérique latine. Travesti n’est pas un état que l’on ressentirait certains jours et d’autres pas. Travesti c’est être, c’est une identité de genre qui échappe à la binarité systématique. L’Europe doit déconstruire cette image de travesti. Je suis une travesti biologique et j’en suis très fière.
Votre spectacle s’appuie sur votre expérience en tant que bénévole auprès de femmes trans travailleuses du sexe. Pouvez-vous nous parler de cette influence sur votre travail ?
Mon travail de bénévole auprès des travestis et des prostituées m’a aidé à me reconnaître et à connaître ma communauté. Avec ce travail, je deviens une militante engagée travesti/trans et j’entame une recherche sur les corps travestis/trans en 2007. Manifesto Transpofágico est ma troisième expérimentation théâtrale sur mon corps de travesti. Je développe cette recherche en tant que « transpologue » depuis plus de 15 ans, et 26 ans pour le théâtre, le spectacle est le résultat de ce long processus.
« Mon travail de bénévole auprès des travestis et des prostituées m’a aidé à me reconnaître et à connaître ma communauté. »
Vous vous définissez justement comme « transpologue ». Qu’est-ce que cela signifie et englobe ?
Je me suis autoproclamée transpologue, car il n’y avait pas de mot en portugais ni dans d’autres langues qui pouvait me définir. Comme le disait Roland Barthes dans sa Leçon inaugurale au Collège de France, « la langue est fasciste », il faut la tromper. Une transpologue est une travesti ou une personne trans qui fait des recherches, qui étudie l’historicité, la transcestralité, la mémoire, la corporéité, l’identité et les expériences des travestis/trans. Et dans mon cas, je me concentre sur les arts.
La situation des personnes trans est très difficile au Brésil. Craignez-vous une réélection du candidat d’extrême droite ?
Pour la toute première fois dans l’Histoire du Brésil, nous venons d’élire comme députées fédérales des travestis et des femmes indigènes. Nous avons élu de nombreuses personnes LGBTQIA+, des femmes noires et des personnes de la périphérie. Le renouvellement au congrès national brésilien a été de près de 50 %. Les partis de gauche ont élargi leurs sièges. Lula est arrivée en tête au premier tour avec un score encore jamais atteint pour un premier tour au Brésil. Nous ne voulons pas continuer dans la régression et encore moins avec un président aussi détestable comme celui-ci. Ce combat est aussi un combat pédagogique. Nous devons lutter pour empêcher que cela se reproduise.
« Manifesto Transpofágico », de Renata Carvalho, du 5 au 8 octobre, au Théâtre du Nord, à Lille. Plus d’infos ici.
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