Tag transphobe à la Maison des femmes : « toutes les attaques qu’on subit, c’est de la perte de temps »
Dans la nuit du 9 au 10 juin, la Maison des Femmes Thérèse Clerc de Montreuil a été vandalisée avec des collages transphobes. Une dégradation qui est le résultat de plusieurs jours de vives tensions entre militantes féministes. Komitid vous raconte.
Tout avait pourtant bien commencé. Cette année, pour la première fois, la Maison des Femmes Thérèse Clerc de Montreuil organisait le Festival des courts féministes afin de « mettre en avant et en lumière des réalisateur.ices femmes ou se percevant comme telles ». Une initiative culturelle qui réunissait un jury de huit femmes, toutes des professionnels du cinéma (comédiennes, réalisatrices, journalistes…).
Deux semaines avant le jour de la remise des prix, 17 films avaient été présélectionnés par les adhérent·e·s de la Maison des Femmes pour être en compétition. Parmi eux, Betty, au nom de la liberté, un court-métrage de trois minutes sur Ibtissame Betty Lachgar, une féministe marocaine, cofondatrice du Mouvement Alternatif pour les Libertés Individuelles (MALI).
Mais à quelques jours de l’évènement, plusieurs militantes ont alerté les organisatrices sur les positions transphobes de la féministe marocaine. Parmi elle, Lexie, créatrice du compte @agressively_trans aux 80 000 abonnées.
Itbissame Betty Lachgar est notamment mis en cause pour avoir signé une tribune intitulée « Suffit-il de s’autoproclamer femme pour pouvoir exiger d’être considéré comme tel » et publiée dans l’hebdomadaire Marianne en février 2020.
Le texte, également signée par des féministes radicales aux positions transphobes comme l’ex-femen et fondatrice des collages contre les féminicides, Marguerite Stern et la chercheuse et universitaire, Christine Delphy, considère « que les personnes trans ne devraient pas être incluses dans les espaces reservés aux femmes, ni être au centre de l’agenda féministe ».
Des positions qui ont poussé les organisatrices du festival de cinéma à retirer le film de la sélection. « On n’était pas ok avec le fait de la visibiliser », explique à Komitid Yasmine, une bénévole de la Maison des Femmes de Montreuil. Elle estime que la militante n’est pas en adéquation avec les valeurs défendues par l’évènement.
Ainsi, les organisatrices décident de notifier la réalisatrice du court-métrage de cette exclusion qui prévient elle-même Ibtissame Betty Lachgar. Le vendredi 10 juin, jour du festival, des bénévoles de la Maison des Femmes découvrent des collages transphobes lors de l’ouverture de la permanence de la Maison des Femmes, située 24 rue de l’Église à Montreuil.
Un collage « Maison des Hommes » recouvre l’écriture « Maison des Femmes » tandis qu’un tag « raciste » est écrit sur le sol.
Dans un post Instagram diffusé le même jour, Les Amazones Paris, un collectif de “radfem” (abréviation de féministes radicales, elles ne reconnaissent pas les femmes trans comme des femmes), dénonce une décision « raciste et misogyne » de la part des organisatrices du festival, motivée par des motifs « calomnieux et diffamatoires » et rappelle que Ibtissame Betty Lachgar risque la prison dans son pays.
« Elle risque actuellement la prison au Maroc, où elle est par ailleurs régulièrement menacée et harcelée par des islamistes. C’est pourtant en France, à Montreuil qu’elle est pour la première fois exclue d’un évènement, où pourtant un film à son honneur était programmé », est-il écrit.
Des accusations de racisme et de misogynie réfutées par les bénévoles du Maison des femmes. « En tant que femme marocaine, je suis antiraciste depuis toujours », explique Yasmine qui a également fondé un groupe en non-mixité racisée au sein de l’association.
Pour une autre bénévole, la Maison des Femmes a justement pour mission de lutter contre la misogynie et les violences faites aux femmes.
Bien que l’association ait bénéficié d’une vague de soutiens après cet acte de vandalisme, celui-ci laissera des marques pour les militantes. D’abord, parce qu’un « rapport de force auquel [elles] n’étai[en]t pas habituées » s’est installé, ensuite, en raison de la violence de l’acte.
« J’ai une adhérente qui est venue me voir pour me dire que c’était la première fois de sa vie qu’elle a eu peur d’être victime de violences de la part de femmes », confie à Komitid une bénévole de l’association.
Pour ces militantes, une chose est sûre, ces attaques desservent la lutte féministe. « Toutes les attaques qu’on subit, c’est de la perte de temps », s’agacent-elles.
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