Pour la fierté, on n’en fait jamais trop !
Le succès de la pride radicale, dimanche 19 juin, après celui de la Pride des banlieues le 4 juin, marque un tournant dans les mobilisations LGBTQI+. Et malgré les controverses, c'est tant mieux !
Dimanche 19 juin, dans les rues de Paris, de la place de la Nation à la place de la République, une foule compacte (difficile de dire combien de manifestant·es étaient là) a défilé.
Comparé au cortège de l’année précédente, il n’y a pas photo. Il y avait beaucoup plus de monde à la deuxième édition de la Pride radicale. Peu de banderoles d’associations LGBT, mais beaucoup de bruit, de musique, de slogans, de pancartes DIY inventives et parfois provocatrices.
Succès
Le succès de la pride radicale après celui de la pride des banlieues marque un tournant. Il faudra s’habituer à voir plusieurs cortèges dans les rues de la capitale. Ce regain de mobilisation n’est pas seulement limité à l’Ile-de-France. On n’a jamais vu autant de Pride, Gaypride, Lesbian & Gaypride et autre Marches des Fiertés organisées en France. Le site gaypride.fr a recensé pas moins de 77 manifestations de la fierté partout en France en 2022 (de Tignes le 17 mars à Pau le 1er octobre).
Le plus souvent, les revendications sont communes (sur la PMA, les droits des personnes intersexes et ceux des personnes trans). La Pride radicale est un peu différente car elle met aussi en lumière des demandes plus intersectionnelles (lutte contre le racisme, les discriminations liées aux origines, le classisme). Nombreux et nombreuses étaient celles venues hier revendiquer tout autant leur fierté mais aussi leur appartenance à des groupes minorées, en particulier les personnes LGBTI + afro-descendantes.
Il est pourtant assez stérile d’opposer, comme se sont plu à le faire certains médias conservateurs (pour ne pas dire plus), la Pride radicale et la Marche des fiertés (qui défile le 25 juin prochain). De nombreuses revendications sont communes. Certes, on a pu être frappé par la jeunesse de la majorité des participant·es de la Pride radicale. Mais l’an dernier déjà, sur le parcours de la Marche des fiertés, les cortèges radicaux et jeunes étaient bien présents. Et c’est tant mieux, et cela n’efface pas les combats des aîné·es.
A ce stade, je suis obligé de parler de la controverse qui a dominé les discussions sur les réseaux sociaux samedi, à la veille de la Pride radicale. Les conseils prodigués par l’équipe organisatrice aux journalistes a pu interpeller et certains journalistes n’ont pas manqué de le faire sur les réseaux sociaux. Lorsqu’elle veut protéger le droit à l’image, la Pride radicale et tout à fait dans son rôle. Mais donner des conseils comme : « Photographier la rue une fois désertée », avait quelque chose de lunaire. Des tweets de journalistes ont provoqué des réactions grossières, des attaques violentes, des propos discriminatoires (exemples : « Non vraiment les vieux cis gay blancs […] on peut plus vous voir vraiment il est temps de disparaître. » ; « Bande de sacs à purin, on va vous dégager de fessa de nos luttes, ça a vous faire tout drôle » ). On peut ne pas être d’accord, on peut discuter sur les idées des uns et des autres et s’opposer politiquement, sur des idées. Mais ce n’est pas acceptable, d’invectiver, de dégrader, d’insulter dans une communauté qui réclame la bienveillance, le respect, l’inclusivité. Et lorsque je dis cela, je fais aussi la critique du fonctionnement des réseaux sociaux qui privilégie le clash et amplifie les propos insultants*.
Mais heureusement, dans la rue hier, l’ambiance semblait être à la fête, à la fierté, à la revendication politique.
« Too much is never enough » (trop n’est jamais assez). Je ne sais plus si c’est dans une Pride new yorkaise que j’avais entendu ou lu ce slogan, mais il convient assez bien à la situation politique actuelle de la mobilisation LGBTQI+. Oui on peut ne pas être d’accord sur tout. Certaines des revendications des cortèges de la pride radicale ne vous « parlent » pas ? Mais les avancées en matière de droits ne se sont pas obtenues dans la tiédeur. Rester radical, c’est aussi rester debout et faire de la place à toutes et tous. Pour la fierté, on n’en fait jamais trop !
*L’Association des journalistes lesbiennes, gays, bi·e·s, trans et intersexes a elle aussi réagi.
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