Quel est l'impact de l'invisibilité des femmes lesbiennes et bies en entreprise ?
L'autre cercle a présenté hier les résultats passionnants de l'enquête VOILAT, première photographie précise de la vie au travail des femmes lesbiennes et bies. Il en ressort que la non visibilité a un impact fort sur leur santé au travail et dans leur vie quotidienne. Des réponses qui doivent inciter à l'action.
L’infatigable Catherine Tripon, porte-parole de l’association l’autre cercle, l’a affirmé d’emblée, lors de la présentation de l’enquête VOILAT sur la visibilité des femmes lesbiennes et bies (en couple homo) dans l’entreprise. « Grâce aux chiffres, on peut apprendre beaucoup de choses », affirme-t-elle. Elle souligne aussi que cette enquête est une première en Europe avec des données qui sont représentatives de l’ensemble des femmes lesbiennes et bies. Lors de la présentation des résultats, François Kraus et Flora Baumlin, de l’Ifop, ont insisté sur le fait que c’est en effet la première fois qu’une telle étude, représentative, a lieu en France. Sur les 2400 personnes interrogées par l’Ifop, les résultats portent sur 1400 femmes lesbiennes et bies actives professionnellement.
Premier enseignement : seule une minorité de femmes lesbiennes ou bies (en couple homo) ont leur orientation sexuelle connue de tou·tes leurs collègues ou supérieur·es. Le nombre de lesbiennes qui ne sont absolument pas visibles de leur supérieur·es est similaire à ce que l’on observe chez les gays.
Cette invisibilité a des conséquences néfastes pour ces femmes, à la fois dans l’entreprise et dans leur vie tout court. Cette non visibilité engendre de renoncements ou des contre-vérités. De nombreuses femmes qui ont répondu à cette enquête ont renoncé à participer à un événement où les conjoint·es des salarié·es étaient invité·es (41 %), ont renoncé à prendre un congé pour pacs ou mariage (34 %) ou à prendre des congés pour un accouchement par exemple. Cette non-visibilité a aussi poussé de nombreuses femmes à omettre de partager leurs goûts culturels « connotés LGBT » (41 %). Quatre sur dix disent avoir « inventé » une vie hétérosexuelle pour les conversations entre collègues, en changeant par exemple le prénom de leur compagne par un prénom masculin. Selon François Kraus, de l’Ifop, ces renoncements et ces contre-vérités ont un poids considérable sur leur travail et leur santé.
Sur le terrain des discriminations, la lesbophobie est encore plus présente dans certains secteurs d’activité ou catégories professionnelles. Si 53 % des femmes lesbiennes ou bisexuelles ont déjà subi une discrimination ou agression au travail, ce pourcentage augmente en effet drastiquement pour celles travaillant dans des secteurs masculinisés, à l’instar de l’industrie (57 %) et des transports (58 %) ou exerçant une activité isolée, à l’image des artisanes/commerçantes (60 %) ou des dirigeantes d’entreprises (68 %). A cela s’ajoute des facteurs sociaux. Selon cette enquête, les femmes issues des catégories populaires sont plus confrontées aux discriminations et agressions. C’est le cas de 59 % des ouvrières et 70 % de celles dont le niveau d’étude est inférieur au bac. Un résultat qui explose pour les lesbiennes et bies racisées (73 %).
Sylvie Meisel, de l’Autre Cercle et co-responsable du projet VOILAT, a présenté aussi les résultats de l’enquête qualitative qui porte sur 88 entretiens. L’invisibilité subie s’explique notamment par la peur d’être cataloguée comme la « lesbienne de service » ; les femmes interrogées craignent en effet d’être étiquetées en tant que lesbiennes, plutôt qu’en tant que professionnelles.
Nous avons demandé lors de la conférence de presse s’il y avait des différences significatives en fonction de l’âge et de l’origine géographique. Les femmes plus âgées et celles qui vivent en dehors des grandes villes sont en effet encore moins visibles.
Selon le projet VOILAT, la pression exercée dans le monde du travail impacte fortement les femmes lesbiennes et bies tant sur leur évolution de carrière que sur leur état de santé. Ainsi, plus de quatre lesbiennes ou bisexuelles sur dix déclarent avoir eu des idées suicidaires suite à des discriminations et elles sont 34 % à avoir quitté leur emploi pour ces mêmes raisons.
Financé par la Dilcrah, cette enquête vient encore renforcer la détermination de l’Autre Cercle à faire avancer les droits des personnes LGBT en entreprise et à lutter contre la lesbophobie mais aussi le sexisme. Catherine Tripon précise : « Marqueur d’une politique volontariste pour un employeur, la place des femmes dans une organisation se heurte, pour les femmes lesbiennes et bisexuelles, à des freins culturels, structurels et conjoncturels. Il y a nécessité à croiser les engagements et les actions pour lever ces freins ».
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