En Andalousie, Passion religieuse mais discrétion obligatoire pour la communauté gay

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Bijoutiers, brodeurs, stylistes : en Andalousie, des membres de la communauté gay ont toujours joué un rôle central dans la tradition religieuse de la Semaine sainte, en échange de leur silence sur leur orientation sexuelle.

Procession à Séville
Procession à Séville - Antonio Ciero Reina / Shutterstock

Bijoutiers, brodeurs, stylistes : en Andalousie, des membres de la communauté gay ont toujours joué un rôle central dans la tradition religieuse de la Semaine sainte, en échange de leur silence sur leur orientation sexuelle. Un tabou que certains veulent désormais briser.

“Depuis la fin du XIXe siècle, les homosexuels sont présents” dans l’organisation des processions à Séville. “C’est quelque chose de connu, ce n’est pas quelque chose de caché”, assure à l’AFP Rafael Cáceres, anthropologue à l’Université Pablo Olavide de la capitale andalouse (sud de l’Espagne).

Séville se prépare à commémorer la Passion puis la résurrection du Christ à partir de dimanche, lorsque débutera une semaine de processions rassemblant des foules énormes.

Mais depuis des jours, fidèles et touristes parcourent déjà les églises de la ville pour apercevoir les statues du Christ ou la Vierge que des passionnés finissent de préparer avant qu’elles ne soient exhibées dans la rue, portées par les confréries.

Dans ces associations, où le travail est bénévole, il y a “le fleuriste, le brodeur, le bijoutier, l’habilleur”, qui sont “à 90-95 %” gays, assure Pedro Pablo Pérez Ochavo, secrétaire d’Ichtys Cristian@s LGBT+H, organisation de croyants militant pour l’égalité dans l’Église.

Moyen d’intégration

Avec leur rôle dans les confréries, les hommes gays ont trouvé “un moyen de s’intégrer” et un espace dans lequel “leur travail artistique et leur personne étaient valorisés”, explique le danseur et transformiste de Cordoue, Carlos Carvento, 26 ans.

Mais “le contrat tacite, c’était qu’ils sont chargés de vêtir les statues de la Vierge mais sans dire qu’ils sont homosexuels. Et qu’ils respectent dans leur vie publique une certaine discrétion pour ne pas ternir l’image de la confrérie”, précise-t-il.

Pour Jesús Pascual, qui a abordé la relation entre communauté homosexuelle et Semaine Sainte dans le documentaire Dolores, guapa !, “l’attitude de l’Église est de laisser faire à condition qu’il n’y ait rien de scandaleux”.

“Si vous n’êtes pas en couple, si vous vivez seul et ne dites rien, alors vous n’avez pas de problèmes”, confirme Antonio Muñoz Tapia.

Ce chef d’entreprise de 50 ans, qui a fondé une confrérie dans un village près de Cordoue – dont il est devenu le “grand frère”, soit la plus haute autorité – a commencé à avoir des problèmes après avoir épousé son compagnon, David, en 2016.

Après son mariage, les sollicitations pour qu’il prononce le discours lançant la Semaine sainte dans son village ont pris fin. Et récemment, l’Église a réimprimé un magazine annuel publié par les confréries… sans l’article qu’il avait écrit pour demander l’égalité pour la communauté LGBT.

“Je ne comprends pas” ces décisions, déplore-t-il alors que l’Espagne est pourtant un pays très tolérant envers la communauté LGBT.

Vie chrétienne

L’archidiocèse de Séville assure à l’AFP qu’“il n’existe pas de registre précisant l’identité sexuelle” des fidèles et que “quiconque veut vivre profondément la Semaine sainte à Séville et en profiter peut le faire”.

Cependant, les normes diocésaines stipulent que les personnes occupant de hautes fonctions dans les confréries doivent “se distinguer par leur vie chrétienne personnelle, familiale et sociale”. Une règle souvent utilisée contre les personnes LGBT ou les divorcés, selon Ichtys.

José Víctor Rodríguez Caro et José Luis Medina, couple de créateurs connu sous le nom de “Victorio et Lucchino”, assurent avoir fait les frais de cette discrimination après leur mariage en 2007. Le courrier d’un lecteur publié par un journal sévillan critique alors le fait qu’ils soient autorisés à habiller la Vierge.

“Nous menons une vie plus droite et plus morale que beaucoup d’autres”, s’agace M. Medina, qui évoque une attaque “ignoble”.

Voilà trois ans, le danseur Carlos Carvento a lui décidé de vivre la Semaine sainte comme il le souhaitait, se promenant dans les rues de Cordoue, habillé en femme, avec une jupe, des talons et la mantille noire de sa grand-mère – un tissu brodé couvrant la tête et les épaules.

Il met alors sur Instagram une photo de sa procession que le réseau social retire après diverses plaintes, avant de finalement la republier. “Souvent on dit que [les personnes homosexuelles] se réapproprient” cette tradition. “Je ne me la réapproprie pas, parce que c’est aussi la mienne !”, dit-il.

Notre-Dame-des-Douleurs, La Vierge du Carmen ou Esperanza Macarena, protagonistes de la Semaine sainte, sont particulièrement vénérées par la communauté gay andalouse. “A Barcelone, les gays sont fans de Lady Gaga et de Rosalía. Mais ici, nous sommes fans de la Vierge de la Macarena, de la Glorieuse Assomption et de Notre-Dame-des-Douleurs”, assure-t-il.

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