Pactes symboliques pour couples de même sexe au "Las Vegas du Venezuela"
La ville de El Tigre "offre" des voyages organisés ou des packages pour la communauté LGBTI+ avec comme point d'orgue, un contrat de mariage qui reste très symbolique, puisqu'il n'est pas enregistré par un notaire ou par l'état-civil.
Amelia et Jemmily s’embrassent et s’étreignent, émues. Elles viennent de signer un “pacte symbolique de coexistence”, un contrat privé, acte non-officiel proche du pacte civil de solidarité au Venezuela, pays conservateur où le mariage pour tou·tes n’existe pas.
Le couple a roulé six heures et 400 km depuis Caracas pour se rendre à El Tigre, petite ville de l’Est du pays, touchée de fouet par la crise pétrolière et qui voudrait devenir une sorte de “Las Vegas du Venezuela” pour les couples gays et lesbiens.
La ville “offre” des voyages organisés ou des packages pour la communauté LGBTI+ avec comme point d’orgue, ce contrat qui reste très symbolique, puisqu’il n’est pas enregistré par un notaire ou par l’état-civil.
La cérémonie avec plusieurs couples se déroule le soir dans une salle des fêtes décorée avec des drapeaux arc-en-ciel et des invités sur leur 31. Certains couples signent théâtralement, d’autres échangent des anneaux, déclenchant les applaudissements.
Jemmily Hudson, 37 ans, a été expulsée de son foyer par ses parents à l’âge de 12 ans, après leur avoir annoncé son homosexualité.
Depuis des années, elle rêve de se marier avec Amelia Morales, 47 ans. Le couple aurait aimé se marier en Colombie où le mariage pour tou·tes est légal mais n’a pas pu faute d’argent.
Le contrat symbolique à El Tigre “c’est une façon de dire aux couples dans la même situation de ne pas abandonner”, sourient les deux femmes.
“C’est une avancée personnelle mais c’est aussi une façon de donner une impulsion, pour que les choses avancent et ne restent pas en l’état (…) Tout est mis sous le tapis, et on n’avance pas”, estime Jemmily évoquant le mariage pour tous.
Le contrat signé à El Tigre cite des articles de la Constitution contre la discrimination et précise que les parties conviennent “de vivre en cohabitation, en permanence et en singularité” ou que “les biens acquis par la suite seront considérés comme des biens communs”.
Le Venezuela est à la traîne en Amérique latine en ce qui concerne les droits LGBTI. Les personnes LGBT ne peuvent ni se marier, ni adopter, ni prendre des décisions médicales concernant leur partenaire.
La Constitution vénézuélienne de 1999 stipule toujours que l’Etat “protège” le mariage “entre un homme et une femme”.
La Cour suprême a toutefois décidé en 2008 que cela “n’interdit ni ne condamne les unions de fait entre personnes du même sexe”.
“Spectacle”
C’est le maire de El Tigre, Ernesto Paraqueima, qui a mis sa commune sur la carte LGBTI en février en annonçant qu’il allait prendre un décret permettant “de célébrer et d’enregistrer les mariages sans discrimination fondée” sur “l’orientation sexuelle”, selon le texte du projet.
Mais, le décret n’a toujours pas été promulgué. Ce qui n’empêche pas la ville de proposer ses forfaits “touristiques” pour ces simili-mariages. Le prix de 400 à 800 dollars comprend le transport, l’hébergement… et la fête.
Objectif du maire : faire de sa ville une sorte de Las Vegas du mariage entre couples de même sexe et compenser ainsi le manque à gagner de la crise pétrolière dans cet ancien hub pétrolier proche des champs d’extraction aujourd’hui partiellement paralysés.
Mais le “combat” pour la légalisation des ces unions doit être mené par le mouvement LGBTI, précise-t-il, prenant quelque peu ses distances après la médiatisation de ses déclarations.
Cette attitude lui vaut quelques critiques de militants qui l’accusent de faire du “spectacle” et de profiter de la communauté LGBTI.
“Cela va être une arme très puissante d’un point de vue politique”, se défend-il. “Personne n’a fait ça dans le pays, nous avons été audacieux”.
“Face à la justice”
Les idées du maire ont suscité l’ire de certains de ses administrés. Plus de mille membres d’une cinquantaine d’églises évangéliques et catholiques d’El Tigre ont protesté contre ce qu’ils considèrent comme une politique “anti-chrétienne” et “contraire à la loi”.
“Nous n’avons aucun doute sur le fait qu’en faisant payer des personnes de même sexe pour ce prétendu pacte civil (…) pour faussement les marier, il devra faire face à la justice vénézuélienne”, a déclaré à l’AFP l’avocat Miguel Cabello, conseiller juridique de l’unité ministérielle chrétienne d’El Tigre.
Mais Ernesto Paraqueima assure que, s’agissant d’un acte symbolique, “la légalité n’est pas violée”.
“C’est un contrat privé, l’état-civil ou les notaires ne sont pas impliqués. Je ne participe pas, la municipalité n’apparait pas. Nous organisons ce qui a trait à l’événement”, précise le maire, qui n’a de fait pas assisté à la cérémonie entre Amelia et Jemmily.
Celles-ci, chacune mère de trois enfants nés de relations précédentes, retournent elles à Caracas pour une grande fête avec leur famille, qui après s’être opposée à la relation, accepte désormais de célébrer leur union.
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