Plaque pour Suzanne Leclézio et Yvonne Ziegler : la difficile évocation publique de l'homosexualité d'un couple de résistantes
Suzanne Leclézio et Yvonne Ziegler, un couple de résistantes déportées, ont depuis le 8 mars dernier une plaque à leur nom dans le 18ème arrondissement de la capitale. Toutefois, le texte de la plaque passe sous silence leur relation amoureuse.
Tout avait pourtant bien commencé. Sur l’invitation de la mairie de Paris, Komitid s’est rendu au 22, rue Marcadet dans la matinée du 8 mars pour assister à l’hommage rendu à un couple de résistantes.
A l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, et grâce au projet « Constellations brisées » du collectif Queercode, la mairie de Paris inaugurait ce jour-là une plaque en hommage à Suzanne Leclézio et Yvonne Ziegler.
En face d’une magnifique photographie en noir et blanc du couple, une quarantaine de personnes s’étaient réunies pour assister au dévoilement de la plaque pour ses « deux inséparables ».
Rendre visible les “héroïnes” du XXème siècle
Les différents intervenants racontent alors le destin de ces « héroïnes » qui « connurent l’horreur des camps de concentration ». Dans son discours, le maire du 18ème arrondissement rappelle l’importance de toutes les femmes qui, à l’instar de Suzanne et Yvonne, ont marqué l’histoire du XXème siècle, en ajoutant vouloir lutter contre « l’invisibilisation des femmes et des couples lesbiens ».
D’ailleurs, en décembre 2020, lorsque le Conseil de Paris avait délibéré sur le texte de la plaque, le choix avait été fait d’utiliser le terme « compagne », pour qualifier la relation entre les femmes. C’est ce qu’avait en effet publié Laurent Thévenet, à l’origine de cette demande il y a quelques années.
Un couple lesbien invisibilisé
Pourtant, lorsque la plaque est dévoilée, le texte a été modifié. A la place de « compagne », se trouvait désormais les mots « amie bénévole ».
Selon nos informations, il semblerait qu’un membre de la famille d’une des deux résistantes a changé d’avis concernant la formulation initialement approuvée. Il n’aurait pas souhaité que l’orientation sexuelle des deux femmes soit révélée dans le texte de la plaque.
Il existe pourtant déjà à Paris des plaques mentionnant l’orientation sexuelle des personnes mises à l’honneur comme en témoigne le jardin Monique Wittig. Sur la plaque consacrée à la philosophe française est écrit « écrivaine, militante lesbienne féministe ».
Un demi-siècle d’amour
L’histoire d’amour entre Suzanne et Yvonne avait débuté dans les années 30. Alors que la première grandit à l’Ile Maurice et suit des études d’infirmières, la seconde passe son enfance en métropole et décide de devenir peintre. Ces deux personnalités, si différentes, se rencontrent alors que Suzanne travaille au centre social de la SNCF.
Pendant la guerre, elles deviennent résistantes et aident à sauver une famille juive. Finalement arrêtées par la Gestapo et déportées au camp de Ravensbruck, elles parviendront à s’évader lors des marches de la mort.
De retour à Paris, elles continueront de vivre dans le 18ème arrondissement avant de partir passer leur retraite ensemble en Normandie. Suzanne s’éteint en mai 1987 et Yvonne décède quelques mois plus tard, en janvier 1988.
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