Ferzan Özpetek : « Il y a plusieurs de types de familles, celle du lien du sang, et il y a des familles d’amis, que j'aime appeler les familles du cœur »

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Le réalisateur Ferzan Özpetek accorde une passionnante et très personnelle interview à Komitid, à l'occasion de la sortie, le 9 février, de son nouveau film « Pour toujours ». Une peinture à l'italienne très réussie sur ce qu'est « faire famille » aujourd'hui.

Image extraite de « Pour toujours », de Ferzan Özpetek - Destiny Films

Mercredi 9 février sort sur les écrans Pour Toujours, le nouveau film de Ferzan Özpetek. Un film italien comme on les aime avec une mise en scène de haut vol, des scènes d’ambiance, des acteurs au top (Stefano Accorsi, Edoardo Leo, Jasmine Trinca). Ferzan Ozpetek n’en est pas à son premier coup de maître et ses précédents films (Hammam, Le Premier qui l’a dit, Tableau de famille,…) ont été des succès dans son pays et en France. Avec souvent des personnages LGBT+ précis, loin des caricatures.

Pour toujours commence comme une comédie de moeurs, avec le couple formé par Arturo et Alessandro qui traverse une période de crise. Mais un jour, ils vont devoir prendre en charge les deux enfants de leur amie Annamaria, hospitalisée pour des examens. Le film bascule alors dans un drame contemporain et l’on voit comment Arturo et Alessandro vont devoir revoir leur vie et « faire famille ».

Nous avons interviewé Ferzan Özpetek à l’occasion de la sortie de Pour toujours, un grand film dont Komitid est partenaire. Il s’est beaucoup livré aussi avec de nombreuses anecdotes personnelles car on comprend que son cinéma se nourrit de sa vie. C’est sans doute ce qui le rend si attachant.

Komitid : Pourquoi avez-vous voulu raconter cette histoire ?

Ferzan Özpetek : J’ai voulu raconter cette histoire parce qu’il y a trois ans j’ai perdu un frère, décédé d’un cancer du pancréas. Mon frère avait deux enfants, deux jumeaux, un garçon et une fille, qui à l’époque étaient petits, ils avaient douze ans. Un jour ma belle-sœur m’a appelé et m’a dit : “ écoute, ton frère va mal et moi je ne me sens pas bien du tout. Nous avons des proches ici, comme ton autre frère et sa femme, mais s’il nous arrivait quelque chose nous souhaiterions que nos deux enfants grandissent avec toi et avec Simone (ndlr : mari de Ferzan), tu dois me le promettre ”. Moi j’ai répondu : “ je te le promets ”. Mais une fois que j’ai raccroché, j’ai été saisi par l’angoisse : faire venir chez moi deux enfants de douze ans, les faire grandir avec nous, dans la confusion d’une maison comme la mienne avec toutes ces momies – c’est ainsi que j’appelle mes amis et tous ces gens qui fréquentent ma maison – et puis quelle sacrée responsabilité d’accueillir deux enfants, enfin j’ai flippé, et j’ai dit à Simone : “ tu imagines, si ça nous arrive nous devons élever deux enfants ! ” Est-ce que nous pourrions nous en sortir ?

 

Ferzan Özpetek, le réalisateur de « Pour toujours » – Ghilardi

Donc l’idée du film est née dans la vraie vie ?

Enfin, l’idée est née à ce moment-là : c’est l’idée d’un couple qui, après 16-18 ans de vie commune – vous savez bien qu’après dix ans les relations de couples se transforment, n’est-ce pas ? – voilà ce que je vais faire : je prends quelque chose qui n’arrive jamais au cinéma, c’est-à-dire un couple formé de deux personnes de même sexe, qui sont déjà lasses de leur relation, sans doute parce que le feu du sexe s’est éteint et a laissé la place à un lien d’affection et… en plus je voyais Simone, comment il est dans la vie dès qu’il y a des enfants, je le voyais toujours sous un autre éclairage… et je me suis dit : voilà, je vais faire redécouvrir à ces deux personnes l’amour mais sous un autre angle. Ceci étant dit, dans mon cinéma, je n’établis jamais de catégorie, genre deux hommes, deux gays, deux femmes, un homme et une femme, alors j’ai dit à mes acteurs : pendant ce film je ne veux pas vous voir vous embrasser ou faire l’amour, mais je veux que vous vous regardiez avec amour, c’est ça l’important, vous devez nous faire ressentir, vous devez montrer que vous vous aimez avec vos yeux. Vous vous trompez l’un l’autre, d’accord, comme le font tant d’autres mais vous êtes plus sincères de cette façon. Pendant la journée ou le soir, je les regardais et je me disais : mais ceux deux-là ils semblent vraiment amoureux l’un de l’autre même sur scène. J’ai donc fait très attention avec eux, je leur ai dit : je veux un seul et unique acte très fort d’affection, que l’on voit de fait vers la fin du film. C’est ainsi que ça s’est passé. Le film est né, comme pour tous mes autres films, d’une vérité, d’une vérité née dans ma vie et qu’ensuite je transforme.

« C’est quelque chose qui peut faire sourire, mais moi j’ai toujours mélangé les cartes »

Souvent dans vos films il a eu des personnages LGBT. Diriez-vous que dans « pour toujours », l’homosexualité n’est plus un véritable sujet ?

Il y a cinq ou six ans, à Florence, dans une conférence de presse une journaliste m’a dit : “ Monsieur Özpetek, vous avez fait onze films, je crois, oui, onze films à l’époque et dans tous vos films, ou dans la plupart de vos films, excepté Cuore Sacro et Un Giorno perfetto, il y a toujours un élément lié à l’homosexualité ; comment l’expliquez-vous ? Pour quelle raison vous représentez, vous mettez toujours de l’homosexualité dans vos films ? ” Je lui ai répondu :  “ d’abord, moi je ne mets pas d’homosexualité dans mes films, déjà le terme homosexuel ou hétérosexuel a toujours été étranger à mon cinéma parce je vois que les choses se mélangent dans ma vie, moi, je ne mets pas d’homosexualité dans mes films, c’est plutôt les autres réalisateurs, les autres scénaristes qui les retirent : chacun d’entre nous normalement, dans la vie, connait des tas de personnes qui aiment des personnes du même sexe ; vous voyez cet immeuble ? Il y a onze, quinze appartements ? Parmi ces quinze il y en a cinq avec des personnes du même sexe qui s’aiment. Donc ce n’est pas moi qui mets, qui ajoute. Ce sont les autres qui effacent ”. Je lui ai répondu exactement de cette manière. Par conséquent, quand on me dit, quand on m’associe à – évidemment, comme j’aime Simone, on me désigne comme homosexuel – j’explique en fait que le mot homosexuel me semble peu de chose parce que la sexualité est une chose merveilleuse qui voyage à mon avis non pas en-dessous de la ceinture, mais au dessus, là où se trouvent le cœur et le cerveau. Aux Etats-Unis, lorsqu’ils ont sorti Le Premier qui l’a dit, ils l’ont assorti d’une très belle phrase : “ non sai chi amerai ” (“ tu ne sais pas qui tu aimeras ») ! Et ça c’est vrai : tu peux tomber amoureux d’une femme, d’un homme, tu peux aimer pendant toute ta vie des hommes, ou aimer toute ta vie des femmes, il n’y a pas de règles dans ma philosophie. Lorsque Tableau de famille est sorti, toujours aux Etats-Unis, il a été lancé comme un film gay ; de même qu’en France : le titre a été changé, l’affiche a été modifiée, le visuel aussi, et le film a été lancé comme un film exclusivement destiné à un public gay. Et même en Italie, il avait été prévu (la production, la distribution) de faire pareil, mais il s’est passé une chose étrange : le public a été celui des familles ! Concernant la sortie de Pour toujours, en Italie ce fut la même chose : avant qu’il y ait le confinement, j’allais de temps en temps présenter le film en salles et je voyais plein de familles et souvent plein d’enfants. Alors je demandais aux parents : “ comment ça se fait que vous emmenez vos enfants ? ”. La Warner Bros avait décidé de le sortir à Noël alors que comme tout le monde le sait, à Noël, ce sont les familles qui vont au cinéma et je me demandais si les spectateurs étaient entrés par hasard histoire de voir le dernier film d’Ozpetek mais les parents me répondaient : “ non, nous l’avons déjà vu le film, nous sommes revenus avec nos enfants pour leur montrer, pour leur faire comprendre des choses ”. Et ça, ça me faisait vraiment plaisir ! Et quand des enfants m’ont posé des questions sur le film, ça m’a fait encore plus plaisir !

Qu’est-ce que j’entends par là ? Par exemple, moi je n’ai pas du tout aimé l’affiche de Tableau de famille en France, le titre qui a été donné au film, la manière dont il a été lancé : je me souviens qu’il a été lancé comme un film destiné aux salles pour gays, alors qu’au contraire c’était un film qui mélangeait comme l’a écrit un critique de cinéma anglais : “ celui-ci est un véritable film militant car il entre dans les familles pour comprendre et faire comprendre ”. 

De même, en Italie et dans d’autres pays, Tableau de famille est un film qui quelque part a changé les mœurs : ici, en Italie, dans les universités on étudie ce film car on estime qu’il a changé le regard sur le monde gay. Je vous donne un autre exemple : mon avocat de l’époque, les siens ignoraient qu’il était gay : ils regardent en famille Tableau de famille, je leur avais offert le DVD, et la mère à la fin du film est très heureuse ; alors son fils lui dit : “ maman, écoute, je dois te dire une chose, je suis gay ”, et sa mère répond : “ mais ça me fait vraiment plaisir, regarde dans quel monde merveilleux on peut vivre ”. C’est quelque chose qui peut faire sourire, mais moi j’ai toujours mélangé les cartes, je suis impatient de voir si un jour le monde ne sera pas un monde seulement pour les LGBT, un monde seulement pour les homosexuels, un monde pour les garçons, un monde pour les filles… Dans le monde tout doit pouvoir se mélanger. C’est ce que nous apprennent l’Empire Romain, le monde grec, du moins dans ma manière de voir les choses : ils nous apprennent qu’il faut mélanger sentiments et sexualité. Lorsque je suis allé à New York, je suis parti chercher le dvd de Hammam, le bain turc : le DVD était dans le rayon gay, et j’ai demandé : mais pourquoi ? Parce que, on m’a répondu, nous avons cette habitude, lorsqu’un film porte sur un sujet gay nous le mettons dans le rayon gay. Aujourd’hui on ne fait plus comme ça, aujourd’hui on mélange les choses, et ça c’est très important : ce que j’aime par dessus tout c’est de ne pas être catégorisé, placé dans une catégorie, parce qu’il faut que les choses se mélangent. Combien de fois je rencontre des personnes qui me racontent : je me suis marié, je suis sorti avec, et moi je ne sais jamais si c’est avec un homme ou avec une femme, je ne le sais pas, et ça j’adore, ça me fait vraiment plaisir.

Quelles sont vos principales influences cinématographiques ?

Quand dans ma jeunesse j’étais à Istanbul je regardais trois films par semaine et j’aimais beaucoup le cinéma turc d’une certaine époque et les films italiens, ou les films de Michael Powell (Les Chaussons rouges, Le Narcisse noir), aussi bien que tous les films de Vittorio de Sica, je trouve que c’est un très grand réalisateur, beaucoup de ses films m’ont influencé. J’aimais aussi des réalisateurs français comme Claude Lelouch et François Truffaut, beaucoup de réalisateurs français et américains, il y a énormément de films et réalisateurs qui m’ont influencé. Ma vie c’est le cinéma et c’est très difficile pour moi de dire ceci est mon film préféré ou celui-là c’est mon réalisateur préféré. Par exemple souvent on fait le parallèle entre moi et Almodóvar, en disant que je suis le Almodóvar italien. Nous avons probablement une façon de voir les choses similaires. Une fois Il y a très longtemps je l’ai rencontré à Los Angeles. Il avait vu mon film Hammam, le bain turc  et il l’avait beaucoup aimé et quand je lui ai parlé de mon prochain film Tableau de famille, il a dit qu’avec ce titre le film allait certainement être un succès. On s’est vu aussi il y a deux ans à Venise, et il m’a dit qu’il attendait de voir Pour toujours en Espagne, qu’il aimait mes films et qu’il m’adorait en tout point. Il s’agit probablement d’une façon de voir les choses, moi par exemple je choisis toujours d’aller où me porte mon cœur. 

Un des personnages principaux de « Pour toujours » est interprété de Stefano Accorsi, acteur déjà présent dans « Tableau de famille » et « Saturno Contro ». Pourquoi ce choix ? 

On me dit souvent que je fais des films avec les mêmes acteurs, par exemple j’ai tourné trois films avec Margherita Buy. Mais avec Stefano Accorsi il y vraiment une entente particulière, il me comprend tout de suite est c’est un peu mon alter ego. Nous avons une amitié, une entente très forte. Je suis aussi très apprécié dans le panorama du cinéma italien car j’ai fait découvrir des acteurs comme Luca Argentero, Ambra Angiolini. On peut dire que j’ai un lien très fort avec les acteurs. Donc quand j’écris un scénario je pense souvent au visage de l’acteur que j’ai en tête. Avec Stefano en particulier, mais il y a eu aussi une très bonne entente avec Edoardo Leo, Jasmine Trinca et Kasia Smutniak. Avec Jasmine Trinca on se retrouve toujours au même café parce qu’on habite le même quartier. Et elle me disait toujours qu’elle voulait tourner un film avec moi. Et donc l’occasion s’est présentée et elle a remporté de nombreux prix pour le film.

« Il y a plusieurs de types de familles, celle du lien du sang, et il y a des familles d’amis, que j’aime appeler les familles du cœur »

Vos films se déroulent souvent autour d’un noyau très fort construit autour d’une famille choisie. Ces portraits des groupes, cette solidarité est très forte dans votre cinéma…

Je pense qu’il y a plusieurs de types de familles, celle du lien du sang, et il y a des familles d’amis. J’aime les appeler les familles du cœur. Je ne pense pas que les liens de sang soient nécessairement plus forts que les liens entre une famille élue. Je pense qu’on a beaucoup d’avantages quand on peut choisir sa famille avec ses amis.

Mais j’ai aussi un très fort attachement à mon frère Asaf, que j’ai perdu il y a quelques années qui était une personne très belle. C’était aussi un ami pour moi que je portais dans mon cœur. Voici ce qui est le plus important pour moi : les liens du cœur. Ma mère a été essentielle dans ma vie. J’en parle aussi dans mon premier livre qui n’a pas été édité en France où elle figure sur la couverture. Elle était une mère, mais aussi une amie très proche. Souvent on parle de Simone comme de mon mari, mais pour moi les femmes ont des maris, moi je préfère le définir comme un compagnon de voyage dans la vie. Il m’est déjà arrivé   d’organiser un dîner durant lequel, sur huit personnes présentes, je retrouve 5 de mes ex ! Ça m’arrive car je ne coupe jamais les ponts avec mes ex. Je ne termine jamais les relations. Je ne comprends pas comment on puisse arriver à faire cela. Si on est marié pendant des années comment peut-on divorcer et ne plus se voir ? Moi je pense toujours qu’il faut ajouter et ne pas enlever de sa vie. 

Souvent vous montrez des personnages bis dans vos films. Ce n’est pas si commun au cinéma   ? 

Absolument oui, j’aime beaucoup voir une personne mariée, qu’elle puisse avoir une aventure homosexuelle car elle a suivi son cœur et son instinct. Oui j’aime la fluidité sexuelle. Je pense que nous sommes tous fluides, je suis sûr que s’il n’y avait pas eu le VIH, le monde serait très différent aujourd’hui malgré la religion. Dans l’Antiquité, la sexualité, le monde était beaucoup plus fluide. Je suis sûr que ça va revenir. Moi j’ai beaucoup aimé les femmes et les hommes, j’ai aimé les romantiques, les rebelles et tous ceux qui vont à contrecourant. J’aime les personnes qui ne craignent pas de faire face et s’ouvrir au même sexe, même en allant contre ses idées préconçues.

« Dans certains moments très tragiques, nous devons trouver la force de sourire et rire, mais même à l’inverse parfois dans le rire on retrouve un trait tragique »

Le film trouve son équilibre entre drame, tragédie, mélodrame et comédie de moeurs ? On remarque une certaine fluidité cinématographique…

La vie n’est pas ainsi : ce n’est pas si net soit la comédie soit le drame. Les sentiments se mélangent. Dans certains moments très tragiques, nous devons trouver la force de sourire et rire, mais même à l’inverse parfois dans le rire on retrouve un trait tragique. Je mélange ces sentiments.

Une fois une amie m’a appelé de Paris. Elle sortait du cinéma où elle avait vu Le Premier qui l’a dit dans une salle des Champs Élysées et elle m’a raconté qu’à la fin il y avait eu des applaudissements, chose très rare au cinéma à Paris. Cela m’a fait extrêmement plaisir.

J’ai participé plusieurs fois aux Festivals de Cannes, de Berlin, mais maintenant je ne pense jamais aux stratégies de festivals, ni aux prix. J’ai reçu pas mal de récompenses mais pour moi le prix le plus important c’est la relation que j’entretiens avec les spectateurs. Quand je découvre que des spectateurs ont vu quatre ou cinq fois certains de mes films, pour moi c’est la chose la plus belle.

Vous avez beaucoup travaillé avec Gianni Romoli, il a écrit le scénario de plusieurs de vos films. Avez-vous tendance à être fidèle par rapport à son travail ?

Je ne comprends pas le concept de fidélité, je préfère la passion, même dans un couple. Gianni est un ami depuis 38 ans. Il fait partie de ma vie. J’ai souvent travaillé avec lui, mais aussi sans lui, tout comme il a fait des films sans moi. Il est toujours un point de repère pour moi. Je lui demande toujours conseils, même s’il n’est pas directement impliqué.

J’ai monté Le Premier qui l’a dit au théâtre, ça a été un énorme succès. Et le spectacle sera aussi mis en scène en Espagne et je serais également très content si le spectacle était monté en France. Comme toujours, à cette occasion je lui ai demandé conseil. Il intervient toujours en tant qu’ami, car j’aime beaucoup son regard.

Comment le film « Pour toujours » a t-il été accueilli en Italie ? 

J’aime beaucoup travailler avec Warner. Quand ils ont distribué Napoli Velata, ils ont enlevé mon prénom Ferzan de l’affiche et je leur ai demandé pourquoi. Ils m’ont dit qu’ils voulaient que Özpetek devienne une sorte de marque. Pour la sortie de Pour toujours, ils ont décidé de le sortir pendant les fêtes de Noël. Et je leur ai dit que l’histoire de deux hommes à Noël en Italie ne me semblait pas très adaptée. Mais ils avaient absolument raison. Le film a très bien marché. Il a encaissé en salles neuf millions d’euros, il a aussi très bien fonctionné en VOD et a très bien fonctionné au box-office (plus d’un million de spectateurs). Même les critiques ont été très favorables au film. La chose qui m’intéresse le plus c’est la réponse du public, et non par rapport aux billets vendu et l’argent qu’il a généré, mais surtout pour la relation avec le public et de savoir qu’il y a une vraie rencontre et entente, dans l’échange avec le public. C’est vraiment cela qui m’intéresse le plus.

Quand l’un de mes films sort, il y a un public qui l’attend vraiment, qui veut le voir en premier. Cela me fait toujours plaisir, un vrai fan club ! Je suis très suivi aussi sur les réseaux sociaux. Quand j’entends des personnes parler de moi dans la rue ou quand ils veulent faire un selfie et quand il me semble qu’il ne parle pas de moi Ferzan, là il s’agit bien de Özpetek.

L’Italie reste en retard par rapport à certaines thématiques telle que la parité de droits quand il s’agit de mariage, de l’adoption ou de la PMA…

Oui vous avez raison. Quand il y a eu la loi sur l’union civile (PACS) cela me semblait déjà un triomphe. Les choses s’améliorent avec le temps.

La thématique qui me semble essentielle est la question de l’adoption, il y a beaucoup d’enfants qui grandissent sans parent. Il serait merveilleux de voir les choses avancer. À mon avis la politique italienne est très loin de la société, qui est beaucoup plus ouverte.

Ils ont essayé de faire une loi pour pénaliser les insultes homophobes. Mais elle n’est pas passée. En Italie la chose la plus importante c’est le consentement. Un argument que je préfère ne pas toucher. Mais j’ai l’impression qu’en Italie les chosent commencent à bouger. Les lois sont importantes bien sûr, mais les changements culturels sont encore plus importants. Il faudrait déjà changer les mentalités à partir de l’école.

Quand mes neveux, des jumeaux de onze ans, ont découvert que nous étions homosexuels, mon frère Asaf était encore vivant. Ils ont posé la question à mon frère : “ Mais oncle Ferzan et oncle Simone sont gays ? Car nous avons vu sur internet qu’ils sont même mariés ”. Et mon frère a répondu : “ oui, ils sont pacsés. ” “ Et pourquoi vous nous ne l’avez pas dit ? ”  Et mon frère a répondu : “ Et pourquoi aurais-je dû vous le dire. ” Et ils ont répondu : « Car nous aussi on veut comprendre les choses de la vie. Alors ce soir pendant le diner on fait une réunion pour en parler. ” Et donc mon frère Asaf m’a appelé pour me raconter que le soir-même il y aurait une réunion à notre sujet.  Cela m’a plu énormément, c’est nous qui abîmons les enfants avec nos peurs et nos idées. Les enfants sont beaucoup plus ouverts face a beaucoup de chose dans la vie. L’important dans la vie c’est d’être heureux et de vivre bien, c’est ça la seule chose qui compte.

« Pour toujours », de Ferzan Özpetek, avec Stefano Accorsi, Edoardo Leo, Jasmine Trinca, en salles le 9 février