Francis Carrier : « La communauté LGBT n’a pas encore réalisé que les vieux et les vieilles de cette communauté existaient…»
Alors que le livre « Les Fossoyeurs » sur les dérives des maisons de retraite, notamment celles gérées par le groupe privé Orpéa, fait grand bruit, Komitid détaille avec Francis Carrier, fondateur de Grey Pride, les objectifs du Conseil National auto-proclamé de la Vieillesse qu'il a rejoint aux côtés de nombreuses personnalités.
Alors que le livre Les Fossoyeurs de Victor Castanet (éditions Fayard) sur les dérives des maisons de retraite, notamment celles gérées par le groupe privé Orpéa, fait grand bruit, Komitid détaille avec Francis Carrier, fondateur de Grey Pride, sur les objectifs du Conseil National auto-proclamé de la Vieillesse qu’il a rejoint aux côtés de nombreuses personnalités.
Komitid : Quels sont les objectifs du Cnav et qui peut être membre ?
Le Conseil National auto-proclamé de la Vieillesse est un mouvement citoyen qui est parti du constat que la parole des vieux (futurs vieux) n’existe pas. Tous les choix, concernant l’accompagnement de la vieillesse, se sont fait sans l’avis des personnes concernées et même contre leur opinion ! Quatre-vingt pour cent des personnes interrogées ne souhaitent pas finir leur vie dans un Ehpad. Seuls les professionnels, les politiques et les lobbys qui gèrent ces établissements définissent ce qui sera bien pour nous. Si on regarde d’une façon plus générale dans la société, la vieillesse est mise de côté, ignorée, et les vieux réduits peu à peu à des objets de soin à protéger. Pourtant la vieillesse est un enjeu majeur de notre société. Nous vieillissons de plus en plus longtemps et nous sommes de plus en plus nombreux. Il est urgent d’inventer des solutions qui permettent de bien vieillir et qui soient soutenables en terme d’effort financier. Pour répondre à ta question sur qui peut rejoindre le CNaV : tous ceux et toutes celles qui ont envie de participer aux décisions qui vont impacter leur vieillesse.
Mais pour cela, il faut déjà accepter sa vieillesse… La vieillesse colle à la perte d’autonomie, à la dépendance… Il n’y a rien de plus faux. Nous sommes confrontés à la vieillesse très tôt, dès le départ à la retraite je dirais… La vieillesse ne signifie pas que l’on est incapable de continuer à vivre normalement, d’avoir des projets… Au contraire c’est une période de notre vie dans laquelle on est libre de son temps, de ses engagements ; une période que l’on peut utiliser pour transmettre aux autres générations, réparer ce que l’on n’a pas su faire avant, s’engager dans les causes qui nous tiennent à cœur…
Mais l’image de la vieillesse dans la société est tellement négative que l’on préfère faire semblant d’être toujours jeune ou continuer comme avant.
Qui n’a pas entendu pour nous rassurer : « Oh mais toi, tu ne fais pas ton âge, tu n’es pas vieux ! » Mais peu à peu, c’est dans le regard des autres que nous devenons vieux ou vieille. Jusqu’au moment où l’on n’entend plus nos choix et où on va décider de notre vie à notre place.
« Nous revendiquons aussi le droit de pouvoir vieillir dans l’habitat de son choix et de pouvoir vivre/vieillir avec une famille affinitaire »
Quelles sont les principales revendications en ce qui concerne les personnes âgées LGBT et comment comptez-vous faire valoir ces revendications spécifiques notamment ?
Il n’y a pas de revendications spécifiques pour les LGBT puisque tout le monde en vieillissant perd son identité et donc son orientation sexuelle ou son identité de genre. Les besoins affectifs et la sexualité des hétéros n’est pas plus favorisée. On devient des objets asexualisés, réputés n’ayant plus de désirs et plus d’histoire. Un vieux monsieur qui exprime un désir d’ordre sexuel sera taxé de « vieux libidineux » et pour les femmes c’est pire, on dira que ce sont de »vieilles folles ». Par contre ce qui est spécifique de la population LGBT c’est une plus grande précarité en terme de revenus et de liens sociaux/familliaux. La communauté LGBT n’a pas encore réalisé que les vieux et les vieilles de cette communauté existaient… Dès l’instant où l’on revendique le droit de pouvoir vieillir en étant soi jusqu’à la fin de sa vie, on intègre bien sûr tous les vieux/vieilles LGBT dans ce principe.
Nous revendiquons aussi le droit de pouvoir vieillir dans l’habitat de son choix et de pouvoir vivre/vieillir avec une famille affinitaire.
Le concept d’affinité prend le pas sur celui de communauté, comme tout au long de notre vie. Tout au long de notre vie on choisit avec qui on vit, on rit, on part en vacances… On ne sélectionne pas notre entourage sur le seul critère de notre orientation sexuelle ou d’identité de genre.
Par contre si certain-e-s souhaitent se retrouver « entre eux » cela doit être possible. On ne veut plus d’accompagnement standardisé, de lieux identiques, mais des lieux de vie qui ressemblent à ceux/celles qui y vivent et qu’ils choisissent.
Allez-vous intervenir dans les campagnes présidentielle et législatives ?
Une des premières tâches du CNaV est de préparer une lettre pour exprimer nos positions que l’on peut résumer à #RienPourLesVieuxSansLesVieux. Nous voulons que la parole des vieux soit entendue au niveau le plus haut de l’Etat pour que les vieux soient préalablement consultés sur toutes les décisions qui auront un impact sur leur vie (comme pour les personnes handicapées).
Nous voulons que les vieux soient traités comme des citoyens comme les autres et qu’ils ne ne sentent pas progressivement exclus, relégués dans une salle d’attente. Le tout numérique est par exemple un facteur d’exclusion et d’accès à ses droits fondamentaux.
Nous voulons que la vieillesse ne soit plus vue par le prisme du médical avec comme seul objectif de nous faire vieillir le plus longtemps possible mais sans tenir compte de notre qualité de vie.
Nous voulons que la perte d’autonomie soit traitée différemment et nous ne voulons plus de lieux dans lequel on nous enferme, en nous amputant peu à peu de ce qui fait notre singularité.
L’interpellation des candidats à l’élection présidentielle n’est que le début de nos actions. Nous devons convaincre, les vieux eux-même qui pour beaucoup se soumettent à une situation présentée comme une fatalité, les familles qui doivent entendre les choix de leurs vieux mais aussi tous les travailleurs de ce secteur qui sont aussi dans une grande souffrance.
Le travail est vaste, mais ce changement de société pour pouvoir vieillir dans le respect de ce que nous sommes est une nécessité.
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