Pour la communauté LGBTI+ étatsunienne, la lutte contre le sida comme leçon face au Covid

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« La stigmatisation et la discrimination auxquelles les gens qui ont eu le Covid font face (...) est totalement analogue à la réponse face au VIH », affirme Eric Sawyer, un ancien militant d'Act Up New York.

Un joggeur devant une affiche pour le masque, en 2020, à New York - Jennifer M. Mason / Shutterstock

Au début de la pandémie de Covid-19, quand la peur et l’isolement se sont répandus, Dave Perruzza a tout de suite fait un parallèle : « Pour moi, c’était comme l’épidémie de sida à nouveau, comment personne ne prenait ça au sérieux ».

Cet Américain qui possède deux bars LGBTI+ à Washington s’est dit : « eh bien nous, nous allons prendre cela sérieusement ».

Avec la propagation du variant Omicron à travers le monde et de nouvelles restrictions qui l’accompagnent, certains membres plus âgés de la communauté LGBTI+ affirment que leur expérience partagée de l’épidémie de sida dans les années 1980 leur a donné une longueur d’avance tout au long de la pandémie.

Dès juillet 2021, Dave Perruzza a exigé de ses clients qu’ils montrent leur carte de vaccination pour entrer dans ses bars, prisés par la communauté homosexuelle de la capitale américaine. Il est devenu ainsi l’un des premiers à Washington à mettre en place une telle règle, plusieurs mois avant que la municipalité ne prenne une mesure allant dans ce sens.

« Je pense que ma génération est la dernière à avoir vu des gens mourir du sida », affirme à l’AFP Dave Perruzza, 43 ans, dont le premier petit ami est décédé des suites du sida. « Je ne vais pas laisser l’histoire se répéter ».

L’épidémie de VIH/sida a fait rage pendant plus de 20 ans aux Etats-Unis après l’identification des premiers cas dans le pays en 1981. En 2019, elle a encore coûté la vie à près de 16 000 personnes aux Etats-Unis.

Les principaux touchés : les hommes gays et bis, les hommes noirs et latinos, et les femmes trans.

La crise née de la propagation du VIH n’a été déclarée priorité nationale par le président d’alors, Ronald Reagan, qu’en 1985, et le premier traitement a été développé en 1987. A la fin 2000, plus de 450 000 personnes étaient mortes du sida, selon les données gouvernementales.

La même « hystérie »

La pandémie de Covid-19 a aussi rappelé des souvenirs douloureux à Eric Sawyer, l’un des membres fondateurs de l’association de lutte contre le sida Act Up New York, qui a également perdu un compagnon à cause de la maladie.

« La désinformation, l’hystérie, la propagation de purs mensonges et les tentatives de certains individus d’y répondre faisaient partie du problème », selon Eric Sawyer, qui a également travaillé pour le programme des Nations unies Onusida.

« La stigmatisation et la discrimination auxquelles les gens qui ont eu le Covid font face (…) est totalement analogue à la réponse face au VIH », dit-il.

Mais certaines leçons ont été apprises entre les deux crises sanitaires. « L’épidémie de VIH nous a appris que la pédagogie, le dépistage, et l’accès aux méthodes de prévention » peuvent être efficaces, note Eric Sawyer.

Malgré l’engagement de la communauté LGBT dans la lutte contre le Covid-19, la pandémie a affecté la lutte contre le sida.

Selon des études menées par l’Onusida et le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, la pandémie a causé une chute de 22 % dans le dépistage en 2020, notamment en raison des confinements qui ont provoqué la fermeture de certains services de santé.

« Pas peur de la science »

Des militants LGBT se sont organisés au début de la pandémie pour trouver de l’aide financière et un logement sûr aux personnes séropositives. Ils ont également mis en place des opérations de dépistage du Covid dans des centres de santé sexuelle et lors d’évènements LGBT.

« Grâce aux quatre décennies d’expérience de notre communauté face au VIH, nous comprenons les essais thérapeutiques, nous comprenons les antiviraux », explique à l’AFP Chris Beyrer, épidémiologiste à l’université Johns Hopkins. « Nous n’avons pas peur de la science », dit-il.

« En tant que communauté, nous sommes très solidaires », ajoute-t-il, soulignant que beaucoup de personnes séropositives sont immunodéprimées et ont besoin d’un soutien supplémentaire.

Et si beaucoup de bars gays à travers les Etats-Unis ont commencé à exiger des preuves de vaccination à l’entrée, bien avant que certains Etats n’emboitent le pas, c’est parce que « les bars LGBTQ sont différents, un peu comme des maisons de quartier », affirme Ed Bailey.

Co-propriétaire des bars Trade et Number 9 de Washington, M. Bailey, 55 ans, souligne que les bars gays distribuent de la documentation sur le VIH et des préservatifs depuis plusieurs décennies.

« Nos bars sont parfois le seul endroit où certains de nos clients peuvent aller et se sentir suffisamment à l’aise pour être eux-mêmes », ajoute-t-il. « Cela crée un niveau totalement différent de responsabilité. »