Christophe Broqua : « Je voulais aussi montrer l'implication des femmes lesbiennes dans la lutte contre l'épidémie »

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Le socio-anthropologue Christophe Broqua est un des commissaires de l'expo évènement du Mucem, « VIH/sida, l'épidémie n'est pas finie ! ». Son implication dans la recherche sur les mobilisations contre l'épidémie a commencé il y a plus de 25 ans ! Raison de plus pour l'interviewer sur Komitid.

Christophe Broqua est un des commissaires de l'expo sur le VIH/sida au Mucem - DR
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[Modifié le 21 janvier 2022] Ajout de photos

Christophe Broqua est socio-anthropologue, chargé de recherche au CNRS, membre de l’Institut des mondes africains (IMAF). Pendant dix ans, de 1994 à 2003 il consacre ses recherches aux mobilisations collectives contre le VIH/sida et sur l'homosexualité en France, en particulier au sein de l'association activiste Act Up-Paris. Puis il a mené une enquête de longue durée toujours sur la lutte contre le VIH/sida et l'homosexualité dans trois pays d’Afrique de l’Ouest francophone (Côte d’Ivoire, Mali, Sénégal). Ses recherches actuelles portent plus spécifiquement sur la migration d’homosexuels sénégalais cherchant à obtenir l’asile à l’étranger.

Il a notamment publié Agir pour ne pas mourir ! Act Up, les homosexuels et le sida (Presses de Sciences Po, 2006) et il a dirigé ou codirigé plusieurs ouvrages collectifs, dont Se mobiliser contre le sida en Afrique (L’Harmattan, 2018), et de nombreux numéros de revues, parmi lesquels « Face au VIH/sida » (L’Année du Maghreb, n° 25, 2021).

Il fait partie des huit commissaires de l'exposition évènement au Mucem, à Marseille : « VIH/sida, l'épidémie n'est pas finie ! »

Pour lui, cette histoire commence il y a plus de 25 ans. Il nous semblait donc très important de l'interviewer pour Komitid.

 

Komitid : Pouvez-vous nous parler de votre propre implication dans cette exposition ?

Tout a démarré dans les années 90. En 1994, Françoise Loux, du Musée national des arts et traditions populaires (MNATP), organise un déploiement du Patchwork des Noms le 1er décembre.

J'avais commencé ma thèse sur Act Up-Paris et le Patchwork des Noms. J'ai rencontré Françoise Loux et Stéphane Abriol et à partir de là, on a commencé à collaborer étroitement, à travers des rencontres organisées par le musée en collaboration avec le CRIPS, notamment sur les questions de mémoire et de témoignages. On s'est interrogé sur ce qu'un musée de société un peu en crise d'identité peut faire face à une question brûlante.

En 1998, j'obtiens une bourse de thèse, pour trois ans que j'ai passées au MNATP et j'ai poursuivi ma participation à ce travail de réflexion collectif sur ce que peut faire le musée. Concernant les archives des associations de lutte contre le sida, on a constaté que la situation était catastrophique. Aides s'était occupée d'un dépôt aux Archives nationales. Mais tout un tas d'autres associations n'avaient rien fait. Ça a renforcé l'idée que la mémoire du VIH se perdait.

C'est ce qui a donné lieu à partir de 2002 à la collecte qu'ont réalisé Françoise Loux et Stéphane Abriol. Ils ont collecté plus de 12000 objets en Europe. C'est cette décennie de réflexion et ces quatre années de collecte qui ont permis de penser, lorsque le Mucem a ouvert ses portes en 2013, à la réalisation d'une expo sur le sida.

« L’exposition a été réalisée non seulement par huit commissaires, mais par près d’une centaine de personnes qui y ont participé »

Quand commence vraiment le travail sur ce projet d'exposition ?

J'ai été invité à faire partie du comité scientifique, en 2016. Il y avait Florent Molle, Renaud Chantraine, Françoise Loux, Stéphane Abriol et Sandrine Musso. Je voudrais insister sur la personne clef de ce comité, Sandrine Musso (anthropologue et maître de conférence à l'université d'Aix Marseille), décédée en août dernier. Elle avait fait une thèse sur le sida dans les minorités postcoloniales – les migrants –, elle avait une approche de recherche très engagée. Sandrine a participé au groupe jusqu'en juillet. Elle a travaillé sur les projets qui lui tenaient à cœur jusqu'au bout.

En 2016, il avait été décidé de créer un comité de suivi, dans la lignée de l'éthique de la lutte contre le sida : faire avec les personnes et pas pour elles. C'est vraiment grâce à Sandrine que ces choses-là ont pu se faire. Elle connaissait parfaitement bien tout le milieu de la lutte contre le sida marseillais, c'est ce qui a rendu possible la confiance de beaucoup de personnes pour participer au comité de suivi. Six journées d'étude ont été organisées avec des intervenants, puis il y a eu des réunions du comité de suivi, plus des échanges informels. C'est la particularité majeure de cette exposition car un gros musée n'est pas habitué à travailler de cette façon-là. Ça a été une richesse, une originalité et une difficulté car l'institution n'est pas adaptée à ce type de fonctionnement. L’exposition a été réalisée non seulement par huit commissaires, mais par près d’une centaine de personnes qui y ont participé.

Quelle est l'idée maîtresse de cette exposition ?

L'idée c'était de faire une expo qui soit un acte politique, une sorte de manifeste politique, qui promeut un message permettant de rappeler au public que cette épidémie existe encore.

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