Tunisie : procédure en cassation pour abroger la loi sur l'homosexualité
Il s'agit du tout premier pourvoi en cassation contre la loi sur l'homosexualité dont ses promoteurs espèrent qu'il sera suivi d'autres qui feront jurisprudence.
« Un moment historique pour la Tunisie ». Un groupe d’avocats, militants des droits humains et de la communauté LGBT ont déposé jeudi 16 décembre un pourvoi en cassation pour faire annuler deux condamnations pour homosexualité, dans un pays où elle est encore punie de peines de prison.
Il s’agit du tout premier pourvoi en cassation contre la loi sur l’homosexualité (punissable jusqu’à trois ans de prison) dont ses promoteurs espèrent qu’il sera suivi d’autres qui feront jurisprudence.
Deux hommes, qui ont purgé un an de prison ferme après leur condamnation en juillet 2020, vont en cassation pour s’opposer à « une sentence cruelle et qui va à l’encontre des standards internationaux », a expliqué leur avocate, Hassina Darraji.
« Notre but c’est faire tomber l’article 230 (du code pénal datant de l’époque coloniale qui criminalise l’homosexualité, ndlr). Il s’agit d’une bataille judiciaire et humaine », a-t-elle dit. Même si cela pourrait prendre « plusieurs mois », ses clients veulent « créer un précédent en faisant annuler leur condamnation ».
A propos de « l’affaire du Kef », région du nord-ouest où se sont produits les faits, Mme Darraji a fustigé un « dossier complètement vide » et a dénoncé une condamnation prononcée à cause de leur refus de se voir pratiquer un test anal, ce qui a été considéré comme une preuve de leur culpabilité.
L’avocat Lotfi Ezzedine, un responsable de l’Instance nationale pour la prévention de la torture (INPT), a apporté le soutien de cet organisme indépendant, au recours en Cassation.
« Notre position claire et ferme est le refus du test anal et sa condamnation comme une forme de torture », a-t-il dit, rappelant que la Tunisie s’est engagée en 2017 à l’abolir devant le Conseil des droits de l’homme de l’ONU.
En soutenant le pourvoi en cassation, l’INPT souhaite « l’ouverture d’un débat », et à terme, l’abolition de l’article 230 qui criminalise « un choix sexuel entre adultes ». « Le jour où nous aurons un Parlement, ce sera un des premiers points à réviser », a-t-il dit, notant qu’un projet de réforme du code pénal existe « depuis cinq ans ».
Badr Baabou, président de Damj, association qui défend la communauté LGBT depuis 20 ans, s’est dit « très ému de ce moment historique » et a salué « le courage des deux hommes » qui, à cause du procès, « ont perdu leur vie, n’ont plus ni travail, ni logement ».
Selon M. Baabou citant des statistiques officielles, « il y a 150 personnes qui sont incarcérées pour homosexualité » et « les chiffres réels sont sans doute plus élevés ».
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