Une femme trans veut faire changer la législation sur la filiation
Depuis 2014, Claire*, femme trans de 52 ans, se heurte à la justice et à un vide juridique. Mercredi 1er décembre, l'audience devant les cinq juges de la chambre civile de la Cour d'appel de Toulouse ne sera pas publique.
La cour d’appel de Toulouse examine mercredi 1er décembre un cas sans précédent, susceptible de faire évoluer la législation sur la filiation des personnes trans, et de lever un paradoxe : Claire*, pourtant parent biologique, ne figure pas sur l’acte de naissance de sa fille.
Depuis 2014, Claire, femme trans de 52 ans, se heurte à la justice et à un vide juridique.
Après avoir été reconnue femme à l’état-civil en 2011 et avant son opération de réassignation de genre, Claire a conçu un enfant avec son épouse, le troisième du couple, une fille née en 2014.
Depuis, elle réclame son inscription en tant que mère sur les registres de l’état-civil. À ce jour, seule l’épouse de Claire figure comme parent sur l’acte de naissance de leur fille qui a aujourd’hui sept ans.
Clélia Richard, son avocate, se dit « prudente, mais optimiste », en déplorant toutefois que la procédure dure depuis si longtemps.
« C’est beaucoup trop long (…) Si elle est femme à l’état-civil et si elle est parent biologique de l’enfant, c’est évident, elle doit figurer comme mère sur l’acte de naissance de l’enfant », a-t-elle déclaré à l’AFP.
Carences légales
Le parquet général de la cour d’appel de Toulouse tient un raisonnement semblable, et recommande dans ses conclusions écrites de « retranscrire le lien de filiation sur l’acte de naissance comme “ mère ” de l’enfant ».
Mais il recommande aussi que le jugement de modification de l’état civil soit mentionné sur l’acte de naissance. Objection sur ce point de Me Richard, qui y voit un facteur potentiellement « discriminant ».
« On ne lâchera pas sur l’histoire de la reconnaissance. Le lien biologique est là. Le législateur n’est pas en phase avec la réalité, et les magistrats viennent pallier les carences d’une loi incohérente », argue-t-elle.
Si la cour tranchait en faveur de Claire, « ce serait cohérent et logique, ajoute l’avocate, ce serait une première en France, et par rapport aux pays européens, on retrouverait notre rang de pays des droits humains ».
Malgré les démarches légales menées par le couple avant la naissance de leur fille, Claire ne pouvait figurer que comme père sur l’acte de naissance, lui avait alors rétorqué l’officier d’état-civil, ce qu’elle a refusé.
« Belle histoire d’amour »
Pour qu’elle soit reconnue comme mère, la justice a conseillé au couple, marié depuis 1999, de passer par une procédure d’adoption. « Inimaginable, elle ne pouvait pas adopter un enfant qu’elle avait conçu », insiste l’avocate.
Depuis 2014, Claire va de juridiction en juridiction.
En première instance en 2016, un tribunal à Montpellier avait rejeté la demande. En 2018, la cour d’appel de Montpellier lui avait accordé le statut de « parent biologique », jugement inédit cassé par la cour de cassation, selon laquelle cette catégorie n’existe pas en droit français, qui n’a que deux options : « père » ou « mère ».
Fait rare, l’épouse de Claire, et mère de leurs deux premiers enfants, a accompagné sa transition. « C’est une belle histoire d’amour, un couple très uni », dit Me Richard.
L’Association des parents gays et lesbiens (AGPL) est partie intervenante dans la procédure. Son avocat plaidera mercredi et appuiera la demande de Claire, à qui « on refuse l’application de la loi, puisque la loi devrait lui reconnaître le statut de mère en tant que parent biologique et femme à l’état civil », selon l’AGPL.
Mercredi 1er décembre, l’audience devant les cinq juges de la chambre civile de la Cour d’appel de Toulouse ne sera pas publique. La date du délibéré sera fixée à la fin de l’audience, qui devrait durer toute la matinée.
Claire et son avocate ont prévu de parler à la presse à la mi-journée, en compagnie d’un autre couple de femmes, qui vont se trouver dans le même cas de figure à la naissance de leur enfant dans les prochaines semaines.
Ce deuxième couple mise sur une décision favorable de la cour d’appel de Toulouse afin de bénéficier de la jurisprudence.
*prénom modifié
Avec l’AFP
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