À Mexico, une « clinique trans » publique pour des soins et contre le rejet
Sandra respire : son amie peut enfin recevoir des soins pour des complications survenues après un traitement hormonal. Rejetée d'une demi-douzaine d'hôpitaux, Ana (nom changé) a poussé la porte de la première clinique publique pour personnes trans, ouverte à Mexico le 1er octobre dernier.
« C’est de la discrimination », dénonce Sandra Montiel, une travailleuse du sexe âgée de 43 ans, au récit de leur périple à travers les centres de santé de Mexico, la capitale du plus grand pays hispanophone au monde (127 millions d’habitant·es).
La compagne de Sandra avait besoin de soins face à des complications qui pouvaient avoir une issue fatale. Même avec la mort aux trousses, « ils ne voulaient pas la toucher, ni la nettoyer » dans les autres hôpitaux, raconte Sandra à l’AFP.
C’est pour mettre fin à ce type de mise à l’écart que Mexico s’est dotée il y a six semaines de sa première « clinique trans » publique, la Unidad de Salud Integral para Personas Trans. « Les centres de santé ne sont pas tous formés ni familiarisés dans l’accueil de la communauté trans. Les patients se sentent très souvent discriminés ou redoutent des mauvais traitements », affirme Erika González, chargée de la partie médicale.
Dans la nouvelle structure, les personnes trans reçoivent un soutien psychologique en plus des traitements hormonaux.
La clinique est une promesse de campagne de la maire de Mexico, Claudia Sheinbaum, l’une des favorites du parti au pouvoir Morena pour l’élection présidentielle de 2024.
La structure médicale emploie 32 personnes, dont 11 femmes et hommes trans pour créer un climat de confiance avec les patient·es. Cette complicité permet d’éviter aux personnes trans de se sentir « violentées, exclues et discriminées », explique Oyuki Martínez, conseillère au centre de santé et activiste trans de 43 ans.
Installée dans un édifice de deux étages en centre-ville, la clinique compte également deux médecins généralistes et quatre spécialistes.
200 patients en six semaines
En six semaines de fonctionnement, la nouvelle structure a reçu environ 200 personnes, en quête de soutien psychologique avant de commencer les traitements hormonaux et d’entamer leur transition de genre. La clinique n’offre pas de service de chirurgie.
Le centre accueille aussi trois adolescent·es, comme Amelia Anorbe, 16 ans, qui vient avec sa mère. Une unité de coordination pédiatrique est également en projet. Les gens te font croire que « tu n’es pas dans le bon corps », affirme Amelia, selon qui à l’inverse c’est la « société qui se trompe » en rejetant les personnes trans.
Pour le moment, la clinique se concentre sur la capitale, sans écarter de répliquer la même formule ailleurs au Mexique.
Mexico est souvent considérée comme une bulle progressiste dans un pays où bien des États ont la réputation d’être encore très conservateurs. Seuls huit des 32 États mexicains autorisent le changement d’identité de genre, à partir de 18 ans seulement. Dans la capitale, le changement est autorisé à partir de douze ans.
Les enfants trans doivent être reconnus juridiquement « mais aussi du point de vue du droit à la santé intégrale », affirme Oyuki Martinez, la conseillère-activiste.
La communauté trans dénonce régulièrement les violences dont elle s’estime victime.
L’espérance de vie d’une personne trans dépasse à peine les 35 ans au Mexique, d’après la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH), soit moins de la moitié par rapport à la population générale (77 ans). Il y a non seulement « les problèmes de santé, mais aussi la violence », affirme Erika Gonzalez, la responsable médicale de la clinique.
Au premier semestre, 33 personnes trans ont été assassinées, et 43 en 2020, d’après l’ONG Letra S. Deuxième pays le plus peuplé d’Amérique latine après le Brésil, le Mexique est aussi le deuxième pays du continent le plus dangereux pour les personnes trans, après le Brésil.
Avec l’AFP
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