Davis Mac-lyalla : « Il y a eu une augmentation de la violence contre les personnes LGBTIQ au Ghana »

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Au Ghana, la situation des personnes LGBTI+ s'est considérablement dégradée depuis le début de l'année. Komitid a interviewé lors de son séjour à Paris Davis Mac-lyalla, un activiste LGBT ghanéen qui exhorte la communauté internationale à agir.

Davis Mac-lyalla - DR
Au Ghana, pays d’Afrique de l’Ouest qui compte plus de 30 millions d’habitants, la situation des personnes LGBTI+ s’est considérablement dégradée depuis le début de l’année. Fin février, deux mois à peine après son ouverture, le centre LGBTI+, créé par l’association LGBT+ Rights Ghana, est fermé par la police. Le 21 mai, quelques jours après la Journée IDAHOT, 21 militant·es LGBTQI+ sont arrêtées à Ho, une ville de la région de la Volta, alors qu’ils et elles « participaient à une conférence visant à promouvoir leurs activités ». Ils et elles seront libérées quelques jours plus tard et le tribunal les a acquittés en août dernier.
Cette aggravation de la situation n’est pas due au hasard selon Davis Mac-lyalla, un activiste LGBT ghanéen que nous avons interviewé lors de son séjour à Paris, à l’invitation de Solidarité Internationale LGBT et d’Amnesty International France. Comme dans d’autres pays du continent africain, l’influence de groupes évangélistes américains ultra conservateurs et aux moyens illimités conduit des politiques à se servir de la question de l’homosexualité, toujours assez taboue dans de nombreux pays, pour promouvoir un agenda conservateur et homophobe.
Ça a été le cas en Ouganda dans la dernière décennie, avec la loi appelée « Kill the gays » (peine de mort pour des actes homosexuels). Aujourd’hui, au Ghana, une proposition de loi est en discussion. Intitulée « Promotion of Proper Human Sexual Rights and Ghanaian Family Values Bill », elle devrait renforcer la pénalisation et la criminalisation de l’homosexualité, elle rendra aussi illégal le fait de faire du plaidoyer ou des actions au bénéfice des personnes LGBTI+. Elle fait aussi la promotion des« thérapies de conversion » et veut empêcher aux personnes trans l’accès aux procédures de réassignation de genre.
Lors de leur séjour en France, mi-octobre, Daniel Uchechukwu, militant du tout nouveau mouvement intersexe du Ghana et Davis Mac-lyalla ont pu rencontrer plusieurs personnalités dont Delphine Borione, ambassadrice en charge des droits de l’homme, Jean Luc Romero-Michel, adjoint à la maire de Paris, ainsi que des parlementaires (Bastien Lachaud, Mélanie Vogel) et des journalistes.
Davis Mac-lyalla est directeur exécutif de l’organisme Interfaith Diversity Network of West Africa qui milite pour l’inclusion de toutes les personnes en particulier LGBT, un organisme qu’il a fondé en 2016 au service de 11 pays occidentaux en Afrique.

 

Komitid : Quelle est la situation actuelle au Ghana ?

Davis Mac-lyalla : La vie est plus difficile pour les personnes LGBT au Ghana depuis le début de l’année. Le centre LGBTIQ a été perquisitionné et fermé, puis 21 personnes arrêtées en mai et en juillet, un projet de loi a été déposé au Parlement pour criminaliser les personnes LGBT. La vie n’est pas facile pour les personnes LGBT, leurs familles et leurs amis.

Comment expliquez-vous cette montée de l’homophobie et ce projet de loi ?

Le Ghana a été une société très tolérante jusqu’en 2019, lorsque l’organisation américaine World Congress of Families a ciblé le Ghana pour sa tolérance et son statut de pays pacifique. Ses membres sont venus au Ghana, ils ont rencontré des députés, ainsi que l’ancien président de la République et ils ont commencé à semer cette idée que partout où ils vont c’est ce genre de projet de loi qui devrait être mis en œuvre. Les problèmes que nous avons au Ghana sont importés, pas l’homosexualité ou les personnes LGBT. Sans la venue de la World Congress of Families au Ghana, je ne pense pas que nous aurions eu ce genre de projet de loi.

Pouvez-vous décrire ce groupe ?

Ce groupe est un groupe basé aux États-Unis avec un lien avec la Russie et ils promeuvent leur propre compréhension de la famille, ou de la vie, d’un point de vue conservateur très strict.

« Nous soutenons que ce projet de loi ne correspond pas aux valeurs ghanéennes »

Que faites-vous pour faire pression sur le gouvernement ?

Le projet de loi n’a pas encore été adopté. Nous avons soumis un mémorandum. Nous soutenons que ce projet de loi n’est pas un projet de loi qui correspond aux valeurs ghanéennes, nous faisons du lobbying auprès des députés, des chefs religieux même si la majorité des chefs religieux, en particulier les chefs catholiques ou anglicans et protestants sont en faveur de ce projet de loi. Nous discutons avec les chefs traditionnels, des hauts gradés de la police, pour trouver le moyen de protéger notre communauté. Nous faisons tout notre possible pour que ce projet de loi ne soit pas adopté. Sur le plan international, nous recherchons la solidarité internationale et c’est pourquoi nous sommes en France en ce moment pour parler et nous soutenir.

Qu’attendez-vous de la communauté LGBT mondiale dans le monde ?

Nous avons besoin de solidarité en termes d’échange. L’année prochaine, la fierté arrive et nous pouvons faire un plaidoyer pour la communauté LGBT du Ghana et inviter et avoir des gens du Ghana à venir parler.

Comment vivent les personnes LGBTI+ maintenant ? Les gens peuvent-ils encore se rencontrer ?

Oui et non. Le projet de loi n’a pas encore été adopté et des gens comme moi ou notre organisation peuvent trouver la liberté de continuer à faire ce que nous avons à faire. Mais il faut multiplier les moyens pour assurer notre sécurité, parce que notre local peut être pillé à tout moment. En discutant de ce projet de loi, les gens commencent à faire justice, il y a eu une augmentation de la violence contre les personnes LGBTIQ, leurs familles et leurs communautés. Les personnes LGBTIQ ne sont donc pas en sécurité au Ghana. Mais nous ne voulons pas tous fuir le pays pour finir comme réfugiés et demandeurs d’asile car, vous savez, que ce n’est pas une option simple et très claire. Nous discutons avec le gouvernement français pour assurer la sécurité des personnes LGBTQI sur place plutôt que l’option de l’asile qui devrait être la dernière option.

Quelles sont les prochaines étapes pour votre organisation et le mouvement LGBTI au Ghana ?

Nous continuerons de résister à ce projet de loi. Si ce projet de loi est adopté, nous aurons besoin d’aide pour aller devant les tribunaux et en contester la légalité. Mais actuellement notre personnel travaille bénévolement et nous avons besoin d’un soutien financier, technique et logistique afin de contester ce projet de loi qui est une violation des droits humains non seulement des LGBTIQ mais aussi de tout le monde. Nous voulons continuer la conversation avec les politiciens et les hommes d’affaires ici en France car ils ont également des contacts au Ghana pour voir comment ils vont utiliser leur voix pour nous soutenir et nous aider. Nous avons besoin de l’aide la communauté LGBTIQ. Mais les restrictions de visa rendent très difficile pour les militants la possibilité de voyager.

Pour en savoir plus, consulter le site internet de Interfaith Diversity Network of West Africa.