La circulaire Blanquer sur l'accueil des enfants trans à l'école fera-t-elle vraiment la différence ?
Sur le papier, les intentions semblent bonnes. Mais sans moyens supplémentaires et sans caractère impératif, la circulaire de Jean-Michel Blanquer sur l'accueil des enfants trans à l'école n'est-elle qu'un coup de com'?
Nous n’allons pas, en ouverture de cet édito, répondre à la énième provoc d’un polémiste condamné pour provocation à la haine et qui a atteint son point de Godwin en critiquant la circulaire Blanquer sur l’accueil des enfants trans à l’école.
Parlons du fond. Cette circulaire (« Pour une meilleure prise en compte des questions relatives à l’identité de genre en milieu scolaire »), que dit-elle exactement ? Elle comporte trois grands chapitres intitulés : « Comprendre les réalités et la diversité des situations de transidentités » ; « Savoir répondre à la situation des élèves transgenres » ; Prévenir la transphobie : mettre en place des mesures générales et préventives.
Sur le papier, les intentions semblent bonnes. On y évoque bien sûr la nécessité de « protéger les élèves transgenres contre toutes formes de discriminations, de harcèlement et de violences ». Il faut aussi veiller à respecter le « prénom d’usage » des élèves trans, tout comme les tenues vestimentaires. On y décrit également les situations, qui peuvent être très discriminantes, liées à l’usage des espaces d’intimité ((toilettes, vestiaires, dortoirs).
Il y a urgence à diffuser au maximum des informations et des recommandations auprès du personnel éducatif. Les exemples sont nombreux d’un personnel peu soucieux du respect des enfants trans et le suicide en décembre dernier d’une lycéenne trans de 16 ans, à Lille, a mis en lumière les discriminations auxquelles sont confrontées les enfants trans à l’école. Tout comme Petite Fille, le documentaire lumineux et touchant de Sébastien Lifshitz sur le combat de Sacha, une très jeune enfant trans et sa famille.
Interviewé sur BFM TV hier, Arnaud Allessandrin, docteur en sociologie et qui a rédigé plusieurs ouvrages sur la transidentité, affirmait que 85 % des élèves trans avaient déclarer subir la discrimination à l’école.
Les associations LGBTI+, celles des parents d’élèves, sont régulièrement sollicitées par des parents ou des enfants sur ces questions.
Mais une circulaire peut-elle suffire ? D’autres se posent des questions sur certaines dispositions de ce texte. Dans une longue analyse de la circulaire Blanquer sur le site The Conversation, la sociologue du genre Université Paris-Est Créteil Val de Marne) s’interroge en particulier sur la place des parents dans le dispositif. Sur la question du prénom d’usage, celui-ci ne peut être valablement utilisé que si les deux parents ont donné leur accord. Dans d’autres pays, explique Gabrielle Richard, ceci n’est pas un préalable. Et on sait que souvent, les enfants trans sont confrontés à la discrimination intra-familiale, l’école pouvant dans ce cas jouer un rôle majeur.
Surtout, et même si elle détaille des principes louables, la circulaire n’implique pas des moyens supplémentaires et reste beaucoup moins contraignante. Cette circulaire n’a pas de caractère impératif, il s’agit de recommandations et d’un rappel de bonne pratiques. Pourtant, si l’on veut réellement lutter contre les discriminations et faire en sorte que le bien-être des enfants trans passe au premier plan des considérations, il faut des moyens financiers pour en particulier des formations à l’école.
On peut surtout se demander si cette circulaire n’arrive pas à point nommé, tout comme la proposition de loi votée opportunément cette semaine à l’Assemblée nationale et visant à interdire les thérapies de conversion. Quelques mois avant l’élection présidentielle et alors que sur le terrain des avancées sociétales, le bilan d’Emmanuel Macron reste mince.
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