« Désirs martyrisés », l'édifiant combat des « ex-gays, lesbiennes ou trans » sur fond de thérapie de conversion
À voir sur Netflix. La réalisatrice Kristine Stolakis part à la rencontre de ces « ex-gays » et « ex-lesbiennes », qui ont fait de la « conversion » vers l'hétérosexualité le combat d'une vie.
Au début du documentaire Pray Away (titre original préférable à Désirs martyrisés, en français), on suit Jeffrey, voix douce et look de bear. Il interpelle les clients d’un supermarché en leur montrant une photo de lui « avant » : maquillage et perruque. Et il explique que c’est Jésus qui lui a montré la voie et l’a sorti de son identité trans. Le décor est planté. Sans jugement, pendant une heure quarante intenses, la réalisatrice Kristine Stolakis part à la rencontre de ces « ex-gays » et « ex-lesbiennes », qui ont fait de la « conversion » vers l’hétérosexualité le combat d’une vie.
Ampleur considérable
Aux États-Unis, ce phénomène a pris une ampleur considérable au milieu des années 70, avec la création d’Exodus International, une organisation chrétienne (proche des milieux évangélistes) visant à changer l’orientation sexuelle et de genre des personnes LGBTI+. Pendant 37 ans, cette organisation a multiplié les réunions, les séances collectives de « renaissance », et s’est appuyée sur quelques personnalités très médiatiques. Dont Joan Paulk, un temps président du CA d’Exodus, et qui est devenu le chouchou des médias, après avoir annoncé qu’il renonçait à son « mode de vie » gay et qu’il s’est marié… avec une ex-lesbienne.
Ou encore l’histoire d’Yvette Cantu, une « ex-lesbienne », dont les interventions médiatiques font un tabac dans les milieux conservateurs. Elle rejoindra d’ailleurs l’organisation chrétienne de droite Family Research Council pour en devenir une des porte paroles. C’est là où le combat des « ex-gays » et « ex-lesbiennes » devient encore plus politique. Leur but est de lutter contre l’avancée des droits des personnes LGBTI+ à grands renforts de publicité dans les journaux et pour cela, ces organisations peuvent compter sur les fonds illimités des mega churcs états-uniennes.
Mais les choses vont dérailler et en 2013, l’organisation Exodus International sera dissoute. Ses dirigeant·es d’alors vont s’excuser pour le mal qu’ils ont fait. Entre temps, la presse s’est régalée de ses révélations sur des « ex-gays » vus dans des bars gays. À commencer par John Paulk lui-même.
Le documentaire fait la part belle aux témoignages de ces dirigeant·es d’Exodus, qui pendant des années ont fait leur carrière sur l’homophobie la plus crasse et qui s’en tirent avec quelques larmes. Et certains, comme Jeffrey, continue d’affirmer que l’ont peut changer. Comme l’explique la réalisatrice Kristine Stolakis à PinkNews, les thérapies de conversion sont encore monnaie courante : « Aux États-Unis en particulier, lorsque vous voyez qu’une interdiction a été adoptée contre la thérapie de conversion, cela n’interdit généralement que les thérapeutes agréés qui la pratiquent sur des mineurs », explique-t-elle. « Nous avons des protections de la liberté religieuse vraiment solides qui exemptent les organisations et pratiques religieuses, et c’est un problème. »
On estime qu’aux États-Unis seulement, 700 000 personnes ont subi une forme ou une autre de thérapie de conversion.
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