Nées par GPA, Maya et Paula bloquées en Afrique du Sud
Rien ne semble perturber les siestes et les biberons de Maya et Paula, un mois, dans cette paisible maison de Johannesburg. Pourtant, filles d'un couple gay de Namibie et nées d'une mère porteuse sud-africaine, la question de leur citoyenneté agite.
Depuis leur naissance mi-mars en Afrique du Sud, leurs pères, Phillip Lühl, Namibien de 38 ans, et son compagnon mexicain Guillermo Delgado, 36 ans, tous deux architectes installés dans la capitale namibienne Windhoek, ne peuvent pas ramener les jumelles à la maison : les autorités namibiennes réclament que le couple justifie de leur filiation biologique.
Le couple a saisi la justice. Lundi 19 avril, le tribunal de Windhoek devrait trancher. Phillip Lühl espère obtenir au moins des documents temporaires pour retourner à Windhoek et rejoindre son compagnon ainsi que leur fils Yona, deux ans. Avant la naissance des jumelles, le couple avait demandé aux autorités namibiennes des documents de voyage pour elles, pour s’assurer qu’ils pourraient tous ensemble rentrer « chez eux ». Mais « à notre grande surprise, cette demande innocente a été refusée », raconte à l’AFP Phillip Lühl.
Du coup, « je suis ici en Afrique du Sud avec les filles et je ne peux pas voyager, je ne peux pas rentrer en Namibie », explique-t-il à l’AFP. Sa mère Frauke, 70 ans, la grand-mère des petites filles, donne le biberon à l’une pendant que l’autre dort paisiblement.
Pour le couple de parents, il n’existe aucune base légale pour exiger un test ADN. Pour eux, il s’agit de « discrimination » en raison de leur homosexualité. « Cette demande n’aurait jamais été faite à un couple hétérosexuel (ou) à une mère célibataire namibienne qui aurait accouché en Afrique du Sud », s’indigne le couple. De même, les parents d’enfants adoptés ne seraient pas soumis à cette exigence, ajoute-t-il.
Le gouvernement namibien a nié toute discrimination.
En Namibie, l’homosexualité est encore illégale, même si dans les faits, la loi sur la sodomie de 1927 (qui ne s’applique pas aux lesbiennes et aux hétérosexuels) est aujourd’hui rarement appliquée.
« Homophobie de l’État »
Le ministre namibien de l’Intérieur, Frans Kapofi, « n’a pas accédé à la demande de délivrance de documents de voyage pour les jumelles, car leur droit à la citoyenneté namibienne par filiation n’a pas été déterminé », a déclaré le gouvernement dans un communiqué le mois dernier, lorsque l’affaire a été portée devant les tribunaux.
Dans le pays, le cas des jumelles a suscité une vague de soutien. Des manifestations ont eu lieu devant le tribunal, lorsque le couple a fait appel à la justice pour obtenir les documents de voyage. Le cas de leur fils aîné, également né d’une mère porteuse, pour obtenir la nationalité namibienne, n’a toujours pas été tranché par la justice.
Alors avec les jumelles, le couple s’attendait aussi à des turbulences : « Nous étions préparés… Mais pas à ce rejet catégorique de la part du gouvernement », avoue Phillip Lühl. Pourtant, il reste « confiant », assure-t-il en déposant de petits baisers sur la tête des bébés.
Pour lui, le refus du gouvernement d’autoriser ses filles à voyager reflète une « homophobie de l’État encore très présente ». Dans un murmure, Phillip Lühl promet que plus tard, il racontera aux jumelles la bataille juridique menée pour les ramener à la maison, alors qu’elles n’étaient encore que de tout petits bébés.
L’Afrique du Sud est depuis 2006 le seul pays africain à autoriser le mariage pour tou·tes. De nombreux pays voisins comme le Botswana, le Mozambique, l’Angola, ont dépénalisé l’homosexualité.
Avec l’AFP
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