Pédocriminalité : opération vérité du cardinal de Cologne pour désamorcer la crise
Soupçonné de vouloir dissimuler l'ampleur des violences sexuelles dans son diocèse, le cardinal de Cologne publie jeudi 18 mars un rapport censé faire toute la lumière et atténuer la crise dans laquelle il a plongé l'Église catholique allemande.
Commandé par l’ecclésiastique, cette étude indépendante sera dévoilée à 09h00 GMT (10h00) et devrait donner un aperçu de l’ampleur des allégations d’abus sexuels contre mineurs dans le plus grand diocèse d’Allemagne, livrer les noms de suspects, ou de ceux qui les ont couverts. Le cardinal de Cologne Rainer Maria Woelki, un conservateur au sein de l’Église, n’a pas exclu de démissionner s’il était mis en cause.
Il avait provoqué un tollé l’an passé en refusant de rendre public un premier rapport portant sur la période de 1975 à 2018, invoquant des manquements et problèmes de protections des données. La décision a suscité l’exaspération des victimes, la fuite en masse de fidèles dans son diocèse, et l’incompréhension de ses pairs. Si bien que le cardinal a demandé ce nouveau rapport que présentera un avocat de Cologne, Björn Gercke.
La communication de Mgr Woelki est « un désastre », avait jugé fin février le chef de l’assemblée des évêques Georg Bätzing, dans une critique inhabituellement sévère. C’est « la plus grande crise que l’Église a jamais vécu », a estimé Tim Kurzbach, président du conseil diocésain de Cologne, qui rassemble ecclésiastiques et laïcs.
« Seule la vérité nous libère »
Selon des informations de médias, les auteur·es du nouveau rapport, qui ont utilisé des éléments de l’étude de Munich et des archives de l’Église, ont identifié quelque 200 responsables d’abus sexuels sur mineurs – prêtres et laïcs – et environ 300 victimes, soit deux fois plus que supposé jusqu’à présent.
Dans le journal local Rheinische Post, Björn Gercke a évoqué dans plusieurs cas « des manquements graves » de responsables, y compris à un niveau hiérarchique élevé.
Mgr Woelki a prévenu début mars qu’il suspendrait « provisoirement, s’il le faut, les personnes citées dans le rapport » avant de tirer des conséquences concrètes le 23 mars. Il a réaffirmé sa volonté sans faille d’éclaircir les faits : « seule la vérité peut nous libérer des ombres du passé », a-t-il dit.
La polémique est intervenue à un moment où l’Église catholique avait réalisé quelques progrès dans la reconnaissance de sa faute et l’indemnisation des victimes. « La tragédie de Cologne autour du rapport et du cardinal ont masqué un peu cet aspect », a récemment regretté le commissaire du gouvernement pour les questions d’agressions sexuelles, Johannes-Wilhelm Rörig.
En 2018, un rapport commandé par l’Église allemande avait dévoilé que 3 677 enfants ou adolescents avaient été abusés sexuellement par plus d’un millier des membres du clergé depuis 1946, dont la plupart n’avaient pas été sanctionnés.
Faute d’avoir eu accès à toutes les archives, les auteurs de l’étude avaient prevenu que le nombre des victimes était probablement plus élevé.
Fuite des fidèles
Après s’être officiellement excusés, les évêques avaient fixé un dédommagement — jugé insuffisant par les victimes — « pouvant aller jusqu’à 50 000 euros » par personne, contre 5 000 euros jusqu’ici. Et chaque diocèse a entamé une enquête locale supplémentaire sous la surveillance d’une commission mixte.
L’affaire de Cologne fragilise en outre les chances de modernisation de l’Église actuellement en discussion dans le cadre d’un synode. Il s’agit aussi de retenir les fidèles, qui paient un impôt en Allemagne et contribuent à financer notamment les associations caritatives. Les membres de l’Église catholique, qui reste la plus grande confession du pays, sont tombés à 22,6 millions en 2019, soit 2 millions de moins qu’en 2010, année de révélation des scandales de pédocriminalité.
Parmi les grands thèmes du synode, vu d’un oeil méfiant par Mgr Woelki et le Vatican : le célibat, les prêtres mariés, une place plus grande réservée aux laïcs et aux femmes.
Mais toute avancée devra recevoir la bénédiction du pape. Or mardi, ses services ont réaffirmé que l’homosexualité était « un péché » et confirmé l’impossibilité pour les couples de même sexe de recevoir les sacrements du mariage. Cette communication n’est pas un hasard, a estimé Thomas Sternberg, président du puissant comité central des catholiques, qui y voit une façon pour Rome « de perturber » le processus de réforme en Allemagne.
Avec l’AFP
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