Tunisie : une militante féministe et LGBT+ condamnée à six mois ferme pour des insultes
Rania Amdouni, une militante féministe et LGBT+ en Tunisie a été condamnée à six mois de prison ferme jeudi 4 mars pour des insultes dans un commissariat, où elle tentait de déposer plainte contre des policiers, un jugement qui risque de « faire taire la jeunesse », selon son association.
Rania Amdouni, une militante LGBT+ et féministe de 26 ans connue pour sa présence remarquée lors des mobilisations prodémocratie, a été la cible d’une campagne de dénigrement alimentée par des syndicats policiers après avoir participé à des manifestations contre la répression policière en janvier.
Sa photo accompagnée de commentaires dégradants et d’autres données personnelles, comme son adresse, ont été diffusées sur les réseaux sociaux, alors qu’elle était déjà en plein bras de fer avec la police.
La jeune femme avait porté plainte contre des policiers après la confiscation arbitraire de sa carte d’identité et des insultes homophobes durant un contrôle qui avait dégénéré en violences en août dernier dans le centre de Tunis. Une enquête interne a été lancée par l’Inspection de police, qui a entendu Rania Amdouni fin février.
En dépit de multiples démarches devant le tribunal pénal et administratif, « personne d’autre n’a été entendu, ni témoins ni accusés, et la justice a refusé de partager les images de vidéosurveillance » qui auraient permis d’établir les faits, a déploré son avocat, Me Amine Hadiji.
« Les insultes et intimidations étaient quotidiennes, elle était à bout de nerfs », a-t-il souligné à l’AFP. Après de nouvelles insultes essuyées samedi soir, Rania Amdouni s’est rendue au commissariat où elle a été arrêtée.
Elle est condamnée à six mois de prison ferme jeudi pour outrage à un agent de l’État, ainsi que neuf dinars (trois euros) d’amende pour ivresse, et autant pour troubles à l’ordre public, a précisé à l’AFP Me Hadiji, qui va interjeter appel.
« C’est un jugement qui va museler la jeunesse », a souligné le militant Badr Baabou, de l’association de défense des droits, Damj, dont faisait partie Rania Amdouni. « C’est un message à tous ceux qui manifestent ou qui dénoncent les dépassements de la police, pour les faire taire », a-t-il déploré.
La Tunisie, sous le joug d’un régime policier jusqu’en 2011, a fait depuis d’importantes avancées en matière de liberté d’expression et libertés politiques. Mais la police, si elle ne dispose plus d’un pouvoir discrétionnaire, a été peu réformée, tout comme la justice.
Avec l’AFP
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