« Deux », une histoire d'amour entre deux femmes lesbiennes septuagénaires pour défendre la France aux Oscars
Filippo Meneghetti se dit le premier surpris de ce choix, alors qu'il avait sur son chemin des poids lourds comme « ADN » de Maïwenn et « Été 85 » de François Ozon.
Un réalisateur italien dont c’est le premier long-métrage, une histoire d’amour entre deux lesbiennes septuagénaires dont l’une est jouée par une actrice allemande : la France a fait un pari audacieux en désignant Deux pour la représenter cette année aux Oscars.
Filippo Meneghetti se dit le premier surpris de ce choix, alors qu’il avait sur son chemin des poids lourds comme ADN de Maïwenn et Été 85 de François Ozon. « Je ne m’y attendais certainement pas ! », assure le jeune réalisateur, dont le film, original et subtil, a été bien accueilli par la critique à sa sortie en France en février 2020 mais avait fait moins de 50.000 entrées.
Son atout pour les Oscars ? Les retours des spectateurs ont montré que le film parle à un public « très large », répond-il modestement. « Les gens ont très bien réagi dans différents pays, à différents âges. Nous avons reçu des prix décernés par des jurys d’étudiants alors que le film parle de deux femmes âgées (…) Je pense qu’il a quelque chose d’un peu universel », dit Filippo Meneghetti à l’AFP.
Deux, qui fait ses débuts aux États-Unis cette semaine, raconte l’histoire de deux retraitées, Nina (Barbara Sukowa) et Madeleine (Martine Chevallier), qui vivent une histoire d’amour aussi secrète que passionnée depuis des décennies. Elles sont voisines de palier dans une petite ville française où tout le monde, y compris la fille de Madeleine jouée par Léa Drucker, ignore leur idylle.
Les deux femmes ont l’air heureuses mais vivent à l’abri des regards, ce que Nina a de plus en plus de mal à accepter. Madeleine ne peut se résoudre à tout avouer à sa famille. Elles envisagent de tout quitter pour s’installer à Rome lorsque Madeleine fait un AVC et se retrouve mutique et physiquement diminuée. Impuissante, Nina est soudainement reléguée au rang de simple voisine un peu trop intrusive…
La Manif pour tous
Deux, qui oscille intelligemment entre drame amoureux, film intimiste et thriller, est avant tout une “oeuvre sur l’autocensure, sur l’exclusion, sur la façon dont on façonne le regard que nous portons sur nous-mêmes” sous la pression sociale et familiale, explique Filippo Meneghetti.
« Je pense que tout le monde peut s’identifier au combat des deux personnages (…) particulièrement quand on est adolescent. C’est ce qu’on vit : “ Qui vais-je devenir ? Quels sont mes choix ? ” Le film parle de ça et je pense que ça parle aux gens de différents horizons », estime le réalisateur.
« Et aussi aux gens de différentes régions du monde, de gens qui sont dans des pays où l’on ne peut pas vivre sa sexualité librement », renchérit Barbara Sukowa, primée à Cannes en 1986 pour sa performance dans Rosa Luxemburg de Margarethe von Trotta.
L’égérie du réalisateur gay Fassbinder, qui a également tourné récemment dans une série américaine (12 Monkeys), dit avoir été séduite par le projet de mettre en scène « deux femmes âgées dans une relation homosexuelle, un regard que je n’avais jamais vu jusqu’alors ».
« C’était un choix courageux de la part de Filippo car il aurait pu avoir des financements bien plus tôt s’il avait deux jeunes actrices sexy », affirme-t-elle. Il aura fallu cinq ans au réalisateur pour boucler son trop maigre budget.
Pour Barbara Sukowa, Deux parle de l’amour en tant que tel, « pas tellement de l’orientation sexuelle. C’est juste deux personnes qui s’aiment et qui sont restées ensemble pendant très longtemps », analyse l’actrice.
L’histoire de Nina et Mado a été inspirée à Filippo Meneghetti par « deux personnes très importantes » pour lui car elles lui ont transmis « la passion du cinéma » lorsqu’il n’était encore qu’un adolescent.
Mais il insiste sur le fait que c’est une « pure invention », « un collage de différentes choses ».
« Le film a été écrit au moment de “ La Manif pour tous ” », en 2013. Et je me disais toujours : “ Vraiment ? Il y a des milliers de personnes qui s’embêtent à prendre le car pour venir à Paris un dimanche rien que pour dire aux gens qu’ils ne peuvent pas épouser d’autres personnes ” » du même sexe, se souvient le réalisateur.
« C’était très motivant ! » pour le scénario, sourit-il.
Avec l’AFP
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