L'OCLCH lance un nouveau service d'enquête national pour mieux combattre les crimes LGBTphobes
La division a été créée en août en toute discrétion au sein de l'Office central de lutte contre les crimes contre l'humanité (OCLCH) : sept enquêteur.trice.s s'y consacrent à temps plein à la lutte contre les crimes de haine, en particulier les actes anti-LGBT+, en très forte augmentation en France.
Lancé en 2013, l’OCLCH* s’est fait connaître pour sa traque des génocidaires. En mai dernier, ses hommes arrêtaient Félicien Kabuga, le financier présumé du génocide rwandais. La carte du petit pays d’Afrique centrale est d’ailleurs affichée dans le bureau de son chef, le général de brigade Jean-Philippe Reiland.
Une partie de ses enquêteurs est désormais affectée aux crimes de haine : des actes racistes, antisémites, antireligieux ou homophobes, plus largement LGBTphobes. D’un génocide aux insultes homophobes, « cela peut donner l’illusion d’un grand écart », reconnaît le général Reiland.
« Toutefois il est indispensable d’avoir une action répressive sur des infractions qui peuvent paraître moins graves mais qui, si elles ne sont pas réprimées, peuvent conduire à un enchaînement très violent : d’abord des discours de haine, puis des agressions individuelles, puis un phénomène de masse », poursuit le patron de l’OCLCH. Il faut « couper le mal à la racine ».
Les actes LGBTphobes, qui vont des injures sur les réseaux sociaux aux violences, augmentent fortement : +36 % entre 2018 et 2019, selon le ministère de l’Intérieur. En 2019, 1 870 victimes ont été recensées, contre 1 040 en 2017.
« Carences »
« Davantage de victimes déposent plainte, mais on part de très loin », note Aurélie Dey, commandante de la division « Crimes de haine ». Au cœur de sa mission : l’amélioration de la prise en compte de ces victimes. « Face à l’augmentation des comportements haineux, face aux discours haineux sur les réseaux sociaux, il faut absolument une coordination efficace de tous les acteurs ».
David Malazoué, le président de SOS homophobie, déplore d’ailleurs « très souvent des carences dans le traitement des actes anti-LGBT ». « Si on ne prend pas au sérieux le dépôt de plainte, la réponse pénale est inexistante », explique-t-il. « Souvent, il y a une minimisation des plaintes ». Et de citer les propos d’un policier à un couple de lesbiennes insultées dans la rue. « Si on prenait des plaintes pour ça, on prendrait aussi des plaintes pour des crottes de chien », leur a lancé le fonctionnaire.
Pour Nicolas Le Coz, commandant en second de l’OCLCH, la législation sur les crimes et délits anti-LGBT, qui prévoit des peines plus sévères pour punir les actes homophobes, est « adaptée, mais le problème demeure sa parfaite connaissance et son application ».
Aurélie Dey compare la situation à celle des violences intrafamiliales il y a encore quelques années. « Les enquêteurs sont maintenant plus sensibilisés sur la question. Il y a une véritable politique pénale. Le débat a été mis sur la place publique », résume-t-elle.
Étendre cet exemple aux actes homophobes et transphobes passe par la formation des enquêteurs et des magistrats, poursuit l’officier.
L’OCLCH veut « coordonner et appuyer »
« Nous avons formé des gendarmes et des policiers aux prises de plaintes. Le témoignage des victimes est essentiel, car souvent il n’y a pas de preuve ADN ou de témoin. Ils doivent demander : “ qu’est-ce qui a été dit au moment des violences physiques ? ” Ils doivent rechercher le mobile de l’agression au-delà de ce qui est visible ».
Idem pour les auteur.e.s présumé.e.s. « Il faut éviter les questions qui n’apportent rien comme “ avez-vous des problèmes avec les homosexuels ? ” car ils répondront non. Il faut les mettre face à leurs contradictions », ajoute Nicolas Le Coz.
Tous les matins, Aurélie Dey consulte les remontées de procédure des quatre coins de France portant la mention « haine ». Elle vérifie la qualification juridique retenue. Elle peut demander les auditions des victimes pour voir si elles sont suffisamment précises et, si nécessaire, demander qu’elles soient à nouveau entendues. Parfois, elle envoie les questions à poser avant une audition.
La division est encore « toute jeune », mais ambitionne de « coordonner » et « appuyer » les enquêtes sur les crimes de haine qui ont lieu dans toute la France, explique la commandante Dey. Elle peut aussi prendre la direction des enquêtes « les plus sensibles et les plus complexes », celles par exemple qui nécessitent des investigations à l’étranger.
L’une d’elles a plongé les enquêteur.trice.s dans le milieu du survivalisme, face à des provocations à la haine aussi bien contre les migrant.e.s que les gays. En plus de ses enquêtes en cosaisine, la division « crimes de haine » diligente seule quatre dossiers depuis sa création, dont certains dans l’ultra-droite.
* L’Office central de lutte contre les crimes contre l’humanité, les génocides et les crimes de guerre
Avec l’AFP
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