3 questions à Jaz du collectif queer féministe Les Mains Gauches
« Le court-métrage, c’est souvent un laboratoire d’idées et d’expérimentations qui permet de partager des regards vraiment forts, c’est une forme qui a beaucoup de sens pour nous. »
Komitid : Comment est née l’idée d’une plateforme de courts métrages queer féministes ?
Jaz du collectif Les Mains gauches* : À la fin du mois d’août, quand on ne savait pas encore quel protocole sanitaire allait être appliqué à Marseille pendant les dates du festival, on s’est demandé.e.s, comme tou.te.s les acteur.ice.s de l’événementiel : « qu’est-ce qu’on fait si c’est annulé ? ». On a eu de la chance mais l’idée a germé de créer un espace en ligne qui serait comme un festival à l’année et même plus.
On programme des films et plus particulièrement des courts métrages queers depuis quelques temps, et ça a toujours été difficile car il y a finalement assez peu d’archives qui nous permettent d’accéder à ce genre de films facilement. On passe beaucoup de temps à écumer les programmations des festivals internationaux, à éplucher les catalogues de diffuseur.euses dont la ligne éditoriale est proche de la nôtre mais cela reste compliqué sans avoir toutes les clés du fonctionnement de la diffusion du cinéma. Il y a des plateformes de cinéma LGBT+ qui existent déjà bien sûr mais on y montre principalement des longs. Or le court-métrage, c’est souvent un laboratoire d’idées et d’expérimentations qui permet de partager des regards vraiment forts, c’est une forme qui a beaucoup de sens pour nous.
L’appel à films qu’on a lancé pour le festival puis pour la plateforme nous a permis de mettre en place une veille pour voir des films queer féministes et d’en faire un partage régulier et renouvelé. Les films ne restent en ligne qu’un mois, mais nous souhaitons mettre en place un espace d’archives où toutes nos programmations seront trouvables facilement pour que les films continuent à circuler, pour qu’il y ait une trace. On trouvait aussi important que la plateforme soit accessible partout dans le monde pour que les réalisateur.ices puissent aussi partager leur film autour d’elleux par ce biais si iels le souhaitent. Donc, sauf si les réalisateur.ice.s demandent à ce que leur film soit « géobloqué », les films seront accessibles de partout dans le monde.
« La plateforme s’inscrit dans la continuité du festival au sens où on cherche à mettre en avant des formes peu produites ou auto-produites, des essais, des tentatives, des premiers films. »
Qu’est-ce qui dicte vos choix de films pour cette plateforme ?
La plateforme s’inscrit dans la continuité du festival au sens où on cherche à mettre en avant des formes peu produites ou auto-produites, des essais, des tentatives, des premiers films. On reçoit aussi des films qui font état de situations dont on entend pas ou peu parler. Même si la forme est parfois très classique, ça nous permet de donner de la visibilité à des personnes, des collectifs, des luttes importantes à porter à notre échelle. À la différence du festival, on imagine aussi pouvoir bientôt montrer sur la plateforme des formes plus web (webdoc, journal de réseaux sociaux, code art, webséries, etc).
Après, quand on sélectionne les films, il y a évidemment les coups de cœur qui jouent. Un film qui nous touche, nous bouleverse, on va chercher à le programmer, à avoir envie de le partager avec le plus de monde possible. En plus de ça, on est dans une démarche de programmation, on cherche à faire des liens entre les films, de les accompagner aux mieux pour que le public ait des clés. Donc on essaye toujours de voir comment les films se répondent entre eux, comment est-ce que, dans un même programme, on va retrouver des thèmes, des formes, des réflexions qui font écho entre elles.
L’originalité de la plateforme est aussi d’accueillir des films proposés par des cinéastes. Qui peut vous soumettre un film ?
Tout le monde à partir du moment où ça s’inscrit dans une démarche « queer féministe ». Après, à chaque personne de voir ce qu’elle met derrière, de définir comment cette expression a du sens pour elle. On ne demande pas de frais d’envoi ou d’inscription, juste quelques questions pour en savoir plus sur la démarche de réalisation. On ne demande pas non plus de date de production récente. C’est important de le préciser parce que souvent, les festivals par exemple, recherchent des films récents. Si on veut nous envoyer un film qui a été tourné il y a 10 ans, 20 ans, 30 ans etc., on le regardera avec la même attention qu’un film en première mondiale.
On examine vraiment tout ce qu’on reçoit et on passe beaucoup de temps à essayer de composer des programmations originales et qui servent les films.
On est vraiment ouvert.e.s sur les formes aussi à partir du moment où ça dure moins d’une heure. Entre le moment de l’envoi et la programmation sur la plateforme, le temps pour nous de choisir les films, ça prend entre 2 et 3 mois pour avoir une réponse. Si les lecteur.ice.s de Komitid sont des cinéastes dans l’âme, on se fera une joie de regarder leurs films !
LES MAINS GAUCHES : LA PLATEFORME from Les Films sur la Comète on Vimeo.
*Nous avons répondu collectivement : Ambre, Juliette, Lau, Younes et Jaz.
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