3 questions à Alexandre Carril du collectif La Toilette, membre de l’Union des collectifs festifs LGBTQ+
« Nous avons décidé de nous unir, pour débattre et défendre les causes LGBTQ+, défendre nos métiers qui fédèrent de la vie, des rencontres, du lien social, du soutien psychologique, de l'amitié et de l'amour. »
Samedi 16 janvier à Paris, l’Union des collectifs festifs LGBTQ+ et d’autres groupes appellent à la mobilisation pour soutenir la culture et défendre les libertés, dans le cadre de la Marche des Libertés contre la Loi Sécurité globale et les cortèges de soutien à la rave réprimée par les forces de l’ordre près de Rennes. Alexandre Carril, membre du collectif La Toilette, répond aux questions de Komitid.
Komitid : Comment est née l’Union des collectifs festifs LGBTQ+ ?
Alexandre Carril : On part d’un triste constat : nos collectifs sont réduits au silence depuis le premier confinement. Certains ont réussi à exister en faisant des podcasts, des streams ou en organisant des open air cet été mais c’est une minorité. Nos publics LGBTQ+ se retrouvent privés d’espaces de rencontre et d’émancipation qui sont essentiels voire vitaux. On a eu envie de travailler ensemble à maintenir un lien social entre nos collectifs et nos publics et à organiser des actions pour porter nos revendications auprès des institutions : nos communautés minoritaires devraient être prioritaires pour se retrouver dans des lieux mis à disposition ou autorisés afin de sortir de cet isolement. Nous sommes évidemment prêts à discuter et à mettre en place des protocoles sanitaires stricts.
Lors de la première réunion de notre Union où le SOCLE (Syndicat des Organisateurs Culturels Libres et Engagés) était présent, nous avons aussi émis la nécessité de nous mobiliser contre les projets de lois liberticides du gouvernement en rejoignant les Marches des libertés contre la loi sécurité globale, ce que nous allons faire ce samedi à Paris. A aussi émergé la volonté commune de fédérer les différents domaines de la culture afin de défendre nos métiers face à la menace que fait peser la fermeture prolongée de l’ensemble des lieux culturels (voir « L’Appel de la culture pour la défense des libertés ».
Il est aussi important de revenir sur des événements qui ont marqué nos collectifs la semaine précédant cette première réunion. Mi-septembre 2020, des descentes de police – avec policiers armés et cagoulés façon opération anti-émeute ou anti-terroriste – dans trois soirées LGBTQ+ et alternatives ayant entrainé leur arrêt et la saisie du matériel ont choqué l’ensemble de notre milieu. Ces fêtes en plein air avaient reçu la validation d’un protocole sanitaire et à cette même période Disneyland Paris et Le Puy du Fou accueillaient encore 5000 personnes !
C’est entre autres pour ces raisons que nous avons décidé de nous unir, pour débattre et défendre les causes LGBTQ+, défendre nos métiers qui fédèrent de la vie, des rencontres, du lien social, du soutien psychologique, de l’amitié et de l’amour.
« La totalité des clubs LGBTQ+ n’ont pas pu réouvrir du tout et de nombreux clubs ont aujourd’hui mis la clef sous la porte. C’est triste à mourir ! »
Quels seront les mots d’ordre de la manifestation de samedi 16 janvier et que demandez-vous aux pouvoirs publics ?
Nous exigeons la libération immédiate de l’un des organisateurs présumés de la Maskarade – la free party de Lieuron réprimée par les forces de l’ordre le 31 décembre dernier – et l’arrêt de toutes les poursuites judiciaires démesurées contre les organisateurs et organisatrices de soirées, de free party et de fêtes alternatives. Nous demandons que les autorités cessent de criminaliser le mouvement des free party – nous pensons à la mort du jeune Steve Maia Caniço à Nantes en juin 2019 – et reconnaissent enfin leur place pleine et entière dans le monde de la culture. Nous demandons l’abandon total des projets de lois liberticides dont la Loi Sécurité Globale. Nous portons une attention particulière à l’article 25 qui permettra à des agents de police de pénétrer armés dans des établissements recevant du public (ERP) en dehors de leur service. Nous jugeons cette mesure extrêmement dangereuse pour nos publics et nous-mêmes. Nous demandons aussi l’abandon du projet de loi de « Gestion pérenne des urgences sanitaires » qui intégrerait l’état d’urgence sanitaire dans le droit commun et constituerait une grave atteinte à nos libertés individuelles et collectives fondamentales. Une fois cette loi votée, la France entrerait dans un état d’urgence sanitaire permanent, ce qui suspendrait aux décisions du Premier Ministre l’ensemble de nos libertés fondamentales : la liberté de se rassembler, la liberté de réunion, la liberté d’entreprendre, la liberté de se déplacer, etc.
On connaît la situation très difficile de certains établissements LGBT+. Qu’en est-il des personnes qui comme vous travaillent dans ce secteur ?
Certains reçoivent des aides comme le Fonds de solidarité, d’autres n’en reçoivent pas. La majorité des techniciens et artistes avec lesquels nous travaillons n’ont plus aucune ressource, leur statut n’entre pas dans les cases adéquates pour solliciter les aides du gouvernement. La totalité des clubs LGBTQ+ n’ont pas pu réouvrir du tout et de nombreux clubs ont aujourd’hui mis la clef sous la porte. C’est triste à mourir ! Regardez le Tango, ce club/bar mythique du Marais ! C’est toute notre culture qui est menacée si nous ne faisons rien.
Ce qui est magnifique en ce moment, c’est la solidarité qui ressort de ce sinistre paysage. Nous étions fort.e.s lorsque nous dansions séparé.e.s, nous nous retrouvons invincibles lorsque la menace de ne plus pouvoir danser nous a tout.e.s réuni.e.s. La mobilisation du 16 janvier, où nous serons rassemblé.e.s pour réfléchir, nous politiser en dansant sera un splendide moment de retrouvailles.
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