« Carnets de profs » : des professeur.e.s face à des élèves aux propos homophobes « récurrents »
Depuis des années, de nombreux profs le disent : ils sont « en première ligne ». En première ligne et parfois démunis, dans leur salle de classe, pour accompagner leurs élèves. L'AFP a interrogé des professeur.e.s en collège, sur les notions de genre et de transidentité.
Après le suicide en décembre d’une lycéenne trans à Lille, l’AFP a interrogé ses correspondants réguliers, professeur.e.s en collège, sur les notions de genre et de transidentité. Voici leurs témoignages :
« Du mieux ces dernières années »
Céline, 45 ans, professeure d’histoire-géographie d’un collège REP+ du Haut-Rhin :
« Le collège est vraiment la période où ils prennent conscience de leur identité sexuelle.
Sur la transidentité, on est certainement très insuffisamment formé. Si j’étais confrontée à un élève se questionnant sur son identité sexuelle, je demanderais à mon chef d’établissement à qui en parler, quelles démarches mettre en place. On se tournerait peut-être vers des associations.
Concernant l’homosexualité, on est souvent obligé de poser des limites claires à propos de ce qu’on entend en classe. Les élèves comprennent le racisme, l’antisémitisme, mais ils ont beaucoup de mal à comprendre l’homophobie. Une fois, un élève m’a dit : “ Je ne comprends pas qu’on soit raciste, mais je n’aime pas les homosexuels, et c’est comme ça ”. Il a bien compris que c’était une forme d’exclusion mais pour lui c’était acceptable.
Le contexte familial est le plus important. On ne pèse pas aussi lourd que les grands frères, les responsables religieux…
En tout cas sur ces sujets, transidentité, homophobie, il y a du mieux ces dernières années : tous les débats autour du Mariage pour tous (loi votée en 2013, ndlr) ont été positifs. Les élèves comprennent qu’on en parle en classe, alors qu’il y a 15 ans, c’était tabou. »
Argument religieux
« Je pense que l’Éducation nationale ne fait rien pour intégrer des élèves trans »
Camille, 39 ans, enseigne l’histoire-géographie dans un collège classé REP+ des Yvelines : « Je pense que l’Éducation nationale ne fait rien pour intégrer des élèves trans. En même temps, je n’ai jamais été confrontée à cette situation.
En revanche, les propos homophobes sont assez récurrents. Dans certaines classes, les élèves ont même l’air de penser qu’être homophobe est la norme. Ils avancent toujours les mêmes arguments : ce n’est pas naturel, c’est contre la religion…
En ce qui me concerne, le sujet est abordé lorsque j’évoque la loi sur le Mariage pour tous. J’ai très souvent des réactions théâtrales de rejet. Je peux mettre rapidement un terme à un débat non constructif en rappelant le sens de cette loi et le principe d’égalité.
Néanmoins, j’ai eu des élèves qui assumaient leur homosexualité.
Ce fut le cas d’un élève de troisième. On sentait que cela troublait ses camarades. Cet élève faisait fi des provocations. Il a fait partie des lauréats du concours d’éloquence. Il est arrivé habillé de manière très colorée sur scène et a commencé à lire son texte. C’était un texte lumineux, sincère, dans lequel il expliquait qu’avant sa vie était en noir et blanc, mais que désormais, il s’acceptait, et que sa vie était très colorée.
Il démontait l’argument religieux en expliquant que, si Dieu l’avait créé ainsi, c’est qu’il ne devait pas être totalement contre et que de toute manière, seul lui était en droit de le juger. C’était aussi fort qu’émouvant et l’ensemble de la salle s’est levée pour l’acclamer. »
« Je ne veux pas m’en mêler »
Philippe, 54 ans, enseigne l’histoire-géographie dans un village du Puy-de-Dôme :
« Le thème du genre est devenu “ à la mode’ ”au cours des dernières années dans notre pays, mais dans ma classe ce n’est pas le cas. Pourquoi ? C’est un sujet très personnel, donc l’enseignant que je suis ne veut pas s’en mêler.
Au cours de ma carrière désormais longue, j’ai eu quelques élèves dont on voyait qu’ils se cherchaient sur le plan de leur identité sexuelle.
De mon point de vue, les quelques élèves qui semblaient être homosexuels n’ont pas subi de rejet. Pourtant, dans une cour de récréation, les propos homophobes de type “ pédé ” sont utilisés, mais pas forcément parce que l’élève visé le serait. Je crains que cela ne fasse partie d’un certain langage courant. »
Avec l’AFP
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