Christopher Wylie : « On risque de créer un placard numérique pour tout le monde »
Christopher Wylie est data scientist et lanceur d'alerte suite au scandale Cambridge Analytica. Il est l'auteur de « Mindfuck : le complot Cambridge Analytica pour s'emparer de nos cerveaux ». Il a répondu aux questions de Komitid.
Des phrases qui marquent, un discours résolument queer et un style hors norme. Christopher Wylie, 31 ans, est devenu depuis 2018 le visage de la révélation du scandale Cambridge Analytica (CA), une entreprise anglaise accusée d’avoir utilisé les données de dizaines de millions d’Américains pour favoriser l’élection de Donald Trump en 2016.
De 2013 à 2014, le data-scientist y officie comme directeur de la recherche. En 2018, il devient lanceur d’alerte et fournit au Guardian et au New York Times de nombreuses informations sur son ancienne entreprise. Il multiplie depuis les prises de parole pour dénoncer et informer sur les enjeux des données aujourd’hui. Pour Komitid, il revient sur son expérience au sein de l’entreprise et surtout sur les enjeux queers soulevés par le scandale CA, enjeux qu’il évoque dans son livre Mindfuck : le complot Cambridge Analytica pour s'emparer de nos cerveaux, un ouvrage paru en mars dernier chez Grasset.
Komitid : Avant de rejoindre Cambridge Analytica, vous avez d’abord travaillé pour le Parti libéral Canadien et les libéraux-démocrates anglais, deux formations classées à gauche. Vous revendiquez par ailleurs votre identité gay. Comment vous êtes vous retrouvé à travailler pour une entreprise au service de l’extrême droite américaine ?
Christopher Wylie : Quand je rejoins Cambridge Analytica en 2014, elle n’est pas l’entreprise que tout le monde connaît aujourd’hui. Elle a l’air d’un sous-traitant de l’armée anglaise. Notre client principal était le ministère de la Défense et nos autres partenariats ne me semblaient ni étranges, ni douteux.
Ma mission portait sur la radicalisation. Je devais identifier les profils susceptibles d’être influencés par la propagande terroriste pour développer des outils de contre-propagande. Ce travail, le fait que nous combattions une idéologie homophobe me donnait l’impression de combattre dans le camp du bien, de défendre les valeurs de la démocratie. J’étais aussi, très probablement, aveuglé par la puissance de l’outil que nous développions.
Ce n’est que plus tard, quand l’entreprise a été rachetée et reprise en main par Robert Mercer, un milliardaire conservateur américain et Steve Bannon (figure de d’extrême-droite Américaine, il devient en 2016 directeur exécutif de la campagne de Donald Trump, ndlr) que nos recherches ont été utilisées sur des citoyens américains, non pas pour les empêcher de se radicaliser mais, pour les faire adhérer aux idées de l’alt-right.
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