L'association Basiliade lance avec Paris un programme d'hébergement pour des migrant.e.s LGBT+
Lundi 7 septembre était inauguré le premier d'une série de quatre logements destinés à des demandeur.se.s. d'asile ou des réfugié.e.s LGBT+. Reportage.
Le logement est clair, vaste, calme, avec trois chambres et une petite terrasse. Il est niché au cœur d’un ensemble immobilier flambant neuf, dans le quartier de Belleville.
C’est ici que trois jeunes hommes, dont deux sont demandeurs d’asile et le troisième réfugié, sont résidents depuis près de deux mois. Pour les accompagner, l’association Basiliade, qui œuvre depuis près de 30 ans auprès des personnes LGBT+ vulnérables, et en particulier celles atteintes par le VIH. « L’aide aux personnes LGBT, c’est dans l’ADN de Basiliade depuis sa création en 1993 », explique son fondateur et président Didier Arthaud, devant les officiels venus inaugurer le lieu.
Recherche-action
Tout est parti d’une recherche action, menée par Noémie pour Basiliade auprès des publics LGBT+ migrants. Depuis plusieurs mois, elle a mené 67 entretiens avec 37 personnes migrantes et la question du logement est apparue comme centrale, à côté des problématiques d’accès aux soins et aux droits.
Ce logement, et trois autres qui vont suivre, sont un des aboutissements concrets de cette action qui a permis d’identifier les besoins d’une population particulièrement vulnérable. Il est financé, jusqu’en décembre par la Fondation Abbé Pierre.
« Je ne savais pas où aller »
Parmi les trois résidents, il y a ce jeune homme qui souhaite rester anonyme. Il a fui le Sénégal en raison des persécutions contre les personnes LGBT+. « C’est un pays démocratique mais ce n’est pas la réalité », dit-il. Il nous confie qu’il est enfin heureux de pouvoir souffler. « Je ne savais pas où aller », explique-t-il. Comme de très nombreux demandeurs d’asile, cet homme est confronté au manque de places dans les structures d’hébergement dont l’État à la charge pour accueillir les demandeurs et demandeuses d’asile. Beaucoup dorment à la rue à leur arrivée en France, une situation dangereuse, et encore plus quand on est gay, lesbienne, bi ou trans.
Cette situation, Ian Brossat, l’adjoint à la Maire chargé du logement, et depuis juillet
de l’hébergement d’urgence et de la protection des réfugié.e.s, la connaît bien.
Il y a deux ans, il avait mis en place, avec l’Ardhis et Adoma (un organisme d’hébergement), une convention pour loger 10 réfugié.e.s dans des appartements relais. Aujourd’hui, la Ville soutient ce projet de colocation. Et comme l’avait annoncé Anne Hidalgo durant sa campagne, il nous confirme que dans le centre de Paris devrait être bientôt proposer 18 logements pour des réfugié.e.s. Il précise : « Des réfugiés LGBT dans un centre d’hébergement généraliste, ça peut très mal se passer. Paris est fière de mener des initiatives afin de les accueillir favorablement. »
Contactée, Aude Le Moullec-Rieu, la présidente de l’Ardhis, spécialisée dans l’accompagnement des demandeurs d’asile (et des couples bi-nationaux), affirme que cette action va dans le bon sens.
« C’est très bien que la Ville de Paris s’engage pour l’accueil de ces personnes, explique-t-elle à Komitid. L’État est défaillant et je me félicite que la ville se positionne là-dessus. C’est difficile pour les demandeurs d’asile et réfugiés LGBT d’obtenir une prise en charge spécifique. En 2019, nous avons accompagné 800 personnes. La plupart du temps des hommes de 30 à 40 ans, qui sont exclus des dispositifs pour personnes vulnérables. Nous estimons que 70 % ne sont pas logés. »
C’est d’ailleurs aussi en réaction à cette inauguration que Les Dégommeuses ont tweeté pour dire qu’il ne fallait pas oublier les femmes lesbiennes réfugiées.
Venu également saluer l’ouverture de ce logement, géré par Élogie-Siemp, 3e bailleur social de la Ville de Paris, Jean-Luc Romero, désormais adjoint à la Maire en charge des droits humains, de l’intégration et de la lutte contre les discriminations, compte bien profiter de ce mandat pour rendre concrète la promesse de Paris, « une ville refuge ». « Il faut apporter des réponses spécifiques pour les personnes LGBT et ce logement en est une », affirme-t-il.
Durant notre visite, William, un jeune Ivoirien demandeur d’asile également résident, tient à nous montrer sa chambre, puis la cuisine. Il est plus de 19h30 et il a un petit creux. Il a préparé un poulet en sauce avec du riz et une bonne odeur envahit la pièce.
Quand je lui pose des questions sur son parcours, il lance : « Je suis ému, les mots me manquent. ». Pour lui, ce logement « change beaucoup de choses ». Il est reconnaissant à l’association de leur apporter une aide concrète et de les accompagner dans leurs démarches administratives et de santé. Il peut déjà se projeter dans l’après. « J’aimerai travailler dans le cinéma, être acteur », confie-t-il. C’est tout ce qu’on lui souhaite.
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