Espoirs et craintes d'une Pologne qui élit son président
Le second tour des présidentielles en Pologne, qui oppose le chef conservateur et LGBTphobe de l'État Andrzej Duda au maire libéral de Varsovie Rafal Trzaskowski, a lieu dimanche 12 juillet.
Apparenté au gouvernement populiste de Droit et Justice (PiS), le président sortant Andrzej Duda a promis de défendre la série des avantages sociaux lancés par ce parti et a mené une campagne polarisante attaquant particulièrement ce qu’il appelle « l’idéologie LGBT ».
Agriculteur et père de cinq enfants, Grzegorz Myszak sait clairement les raisons pour lesquelles il va soutenir le chef conservateur de l’État polonais. « Je choisirai Duda, bien sûr. Avec cinq enfants, on touche 2 500 zlotys (560 euros) par mois. C’est comme si ma femme tenait un poste mais, à la place, elle peut s’occuper de la famille », explique-t-il à l’AFP, au milieu de rangées de framboisiers, dans sa ferme du sud-est de la Pologne.
Cet homme de 41 ans travaille aussi à la mairie du village et élève des porcs pour assurer à sa famille une « vie confortable », faisant partie d’un électorat rural en pleine émancipation qui vote massivement pour Andrzej Duda.
Grzegorz Myszak craint qu’une victoire de Rafal Trzaskowski n’apporte une « cohabitation houleuse » avec le gouvernement PiS et une possible paralysie législative.
Partisan des valeurs traditionnelles, il appréhende aussi que cela ouvre la porte à l’éducation sexuelle à l’école ou aux partenariats civils pour les couples de même sexe. Il n’a connu qu’une personne qu’il croit gay mais qui a quitté le village il y a longtemps.
Dans cette province vallonnée de Lublin, beaucoup partagent ces opinions, surtout dans le village natal de Grzegorz Myszak à Godziszow, où le président Duda a obtenu au premier tour son meilleur résultat à l’échelle nationale avec 86 % des voix.
« Enfin » appréciés
Selon les sondages, Duda et Trzaskowski, tous deux âgés de 48 ans, sont au coude à coude avant le vote de dimanche.
Les analystes observent que le président sortant et ses alliés populistes ont adroitement courtisé les électeurs ruraux qui ont beaucoup bénéficié des avantages sociaux du PiS, s’ajoutant à seize ans de généreuses aides agricoles et au développement au sein de l’Union européenne.
« Nous sommes ravis que quelqu’un nous apprécie enfin, remarque nos réalisations et notre potentiel », déclare Magda Ciupak, 33 ans, enseignante d’anglais et mère de deux enfants, qui gère une ferme avec son mari et dirige le conseil communal de Godziszow. « Le PiS l’a compris, alors que les autres nous considèrent encore souvent comme des arriérés et des ignorants », estime-t-elle.
Bien que Rafal Trzaskowski se soit engagé à conserver les allocations familiales et les suppléments de retraite, les sondages montrent clairement que les électeurs ruraux considèrent Duda comme la meilleure option pour protéger leurs intérêts.
Ceci notamment dans une époque d’incertitude après la pandémie de coronavirus qui a plongé la Pologne dans sa première récession depuis la chute du communisme il y a trente ans.
De surcroît, la campagne voit dans Duda un rempart contre ce qu’ils considèrent comme une menace pour les valeurs familiales véhiculée par les élites urbaines.
Encouragées par le PiS, les autorités locales sur un tiers du pays, principalement dans les régions rurales du sud-est, se sont proclamées en 2019 des « zones libres de LGBT », en réaction à une déclaration des droits des LGBT signée à Varsovie par Rafal Trzaskowski. Amnesty International et le Parlement européen, entre autres, ont condamné la création de ces zones.
Selon des activistes, M. Duda et les partisans du PiS ont intensifié leur rhétorique homophobe à l’approche de l’élection, créant une tension qui pousse certains à envisager de quitter le pays.
Les personnes LGBT+ « en danger » en Pologne
« Si Duda gagne, les choses ne changeront pas. Je partirai plutôt que d’attendre de nouvelles attaques. En gros, ma vie est en danger. »
Iwona Serewa, une femme lesbienne de 27 ans qui dirige Wyrko, la seule discothèque LGBT+ de la ville de Lublin, ne se fait aucune illusion sur les conséquences en cas de réélection de Duda.
« S’il a son second mandat, on peut oublier de meilleures conditions pour les LGBT+ », dit-elle à l’AFP.
Hubert Liszewski, un étudiant gay de 23 ans à Lublin, considère le scrutin comme crucial pour son avenir.
Il a subi deux agressions homophobes depuis 2017 — dont une par des membres d’un groupe d’extrême droite. Il a terminé à l’hôpital avec une jambe cassée et des blessures au visage.
« Si Duda gagne, les choses ne changeront pas. Je partirai plutôt que d’attendre de nouvelles attaques. En gros, ma vie est en danger. »
Avec l’AFP
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