À Mexico, Kenya Cuevas est une combattante trans sur tous les fronts
Survivante de la rue et de la prison, Kenya Cuevas est une militante au premier rang de la bataille pour les droits des personnes trans au Mexique. D'une effroyable tragédie, elle a tiré l'engagement qui l'a vue fonder un foyer et mener une lutte politique qui pourrait bien déboucher sur une précédent juridique : la reconnaissance du « transféminicide ». Reportage.
« Ahorita ». Le mot espagnol, utilisé à tout instant de la vie quotidienne au Mexique, est un concept à lui tout seul, un « petit maintenant » qui signifie en fait... « On verra plus tard ». C'est ce que répond du tac au tac Kenya Cuevas à un policier masqué et tatillon quand celui-ci vient de lui demander ses papiers, alors qu'elle a les mains plongées dans deux énormes marmites d'où elle tire les repas destinés à plus de 150 sans-abris du centre de Mexico ce midi.
L'uniforme bleu n'y reviendra pas. C'est que Kenya a bien d'autres urgences, elle qui mène depuis 46 ans une existence écorchée entre la rue, la prison, l'entraide et les luttes. Elle est une rescapée permanente, qui vit sous la vigilance, 24 heures sur 24, d'un garde du corps, depuis qu'elle a dénoncé l'assassin de sa meilleure amie et réclame, depuis quatre ans, son arrestation et son jugement.
Dans le deuxième pays le plus dangereux du monde pour les personnes trans, après le Brésil, Kenya Cuevas brave les menaces et refuse toutes les discriminations. Comme ce premier lundi de juin, sur la place de l'arche de la Révolution. Officiellement, le premier jour de retour progressif à la normalité au Mexique, après presque deux mois et demi de confinement.
« Le gouvernement nous a ordonné de rester à la maison, mais il ne l'a fait en prenant en compte que les privilégiés de ce pays, dénonce-t-elle. Il ne s'est jamais soucié des plus vulnérables, des gens à la rue, des personnes accros aux drogues, des travailleuses du sexe... Quand j'ai vu ça, j'ai cherché un cuisinier généreux et on a commencé à agir. »
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