Stonewall était une émeute de personnes queer racisées contre la violence policière
« Qui étaient aux avant-postes de cette émeute, la nuit du 28 juin 1969 ? Des folles, des personnes trans, une drag-ring lesbienne, la plupart des personnes racisées. »
Cela va faire maintenant près de deux semaines que les rues des plus grandes villes américaines résonnent des cris de colère des manifestant.e.s qui réclament la justice après le meurtre d’un homme noir, George Floyd, par un policier blanc.
Un mouvement massif porté par Black Lives Matter (Les vies noires comptent) qui comme le souligne le journaliste Mathieu Magnaudeix dans sa passionnante enquête sur les nouveaux activistes américains, regroupe pas mal de personnes queer et racisées.
Aux États-Unis, le mouvement des droits civiques dans les années 50 a été aussi porté par des personnes LGBT+ en particulier Bayard Rustin, un Afro-américain ouvertement gay et qui a organisé la grande marche de Washington le 28 août 1963.
Peut-être vous demandez-vous où je veux en venir et quel est le rapport avec les combats des personnes LGBT+ ici et maintenant ? Le rapport, c’est notre histoire. En juin 1969, les émeutes de Stonewall, dont on célèbre chaque année le souvenir et l’héritage, était un soulèvement de personnes LGBT+ contre la violence policière et l’homophobie d’État.
Qui étaient aux avant-postes de cette émeute, la nuit du 28 juin 1969 ? Des folles, des personnes trans, une drag-king lesbienne, la plupart des personnes racisées, dont Marsha P. Johnson, Stormé DeLarverie et Silvia Rivera.
Depuis 40 ans, par la mobilisation, par la rue, par la visibilité, les idées et les revendications des personnes LGBT+ pour l’égalité, la justice, l’émancipation, ont sous des formes diverses et en fonction des pays, obliger les états à appliquer l’égalité des droits.
« Qu’on en soit conscient ou pas, nous venons de là. »
Qu’on en soit conscient ou pas, nous venons de là. En tant que gay, je viens de là. En France, comme le rappelle les travaux de deux socioliogues de l’EHESS, Régis Schlagdenhauffen et Jérémie Gauthier, 10 000 personnes ont été condamnées pour homosexualité en France entre 1945 et 1982. La discrimination basée sur la couleur de peau et les contrôles au faciès, ça me concerne. Dans les années 70 et début des années 80, la police effectuait régulièrement des contrôles sur les lieux de drague gay. Le rejet de la différence, ça me concerne quand je me remémore les paroles des politiques décrétant l’homosexualité un « fléau social » ou quand tout près de nous, des foules descendaient dans la rue pour crier leur haine des homos avec la Manif pour tous et d’autres groupes LGBTphobes.
Privilège blanc
Je ne veux évidemment pas comparer ma situation avec celle des millions de personnes racisées qui vivent des situations beaucoup plus difficiles. Le privilège blanc est une réalité et si vous ne savez pas de quoi je parle, écoutez la lettre de Virginie Despentes diffusée cette semaine sur France Inter. Ou lisez Le Racisme est un problème de Blancs, de la journaliste britannique Reni Eddo-Lodge (aux éditions autrement). Et puis, on peut « cacher » son orientation sexuelle (au prix d’un coût personnel non négligeable) mais on ne peut pas cacher sa couleur de peau ou son genre.
Ce que j’essaie de dire, c’est qu’en tant que personne gay, je me sens encore plus concerné par ces injustices et je me dois d’agir. Car on ne lutte pas contre la discrimination si on ne lutte pas contre toutes les discriminations. Bien sûr, chacune et chacun à son niveau. Il ne s’agit pas de faire à la place de ou pour … mais commençons déjà par donner les moyens aux groupes les plus marginalisés, y compris dans les organisations LGBT+, de se faire entendre.
C’est pour cela qu’aujourd’hui, des activistes LGBT+ se mobilisent dans ce combat antiraciste. J’espère que cette année, la Marche des fiertés, virtuelle ou pas, saura prendre totalement en compte cette réalité et ces revendications de justice et d’égalité. Et que cela soit le cas aussi dans les années qui viennent car ce combat sera long.
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