PMA au temps du confinement : entre rêves en pause et rêves brisés
La mise en place du confinement et l'arrêt de très nombreuses activités pour plusieurs mois sonne le glas de nombreux projets de PMA. Enquête et témoignages.
« Si je ne faisais pas l’insémination le 16 mars, cela repoussait à je ne sais combien de temps. C’était un mini-risque à prendre mais je l’ai pris. » Pour Marion, une femme célibataire de 43 ans, l’envie de commencer son parcours de FIV dans une clinique madrilène a été plus forte que la peur du coronavirus. « Tout le monde me conseillait d’annuler mais mon corps était préparé avec les médicaments depuis trois semaines et j’attendais ce moment depuis six mois », explique-t-elle à Komitid.
Équipée de gants et d’un masque, elle ne s’est déplacée qu’en taxi. « C’était dur de me dire qu’à un jour près, ça ne le faisait pas, ajoute-t-elle. J’ai préféré l’amour à la peur ». Le lendemain, la France était en confinement. D’autres ont préféré ne pas prendre ce risque ou n’ont pas eu le choix. C’est le cas de Daphné, une ingénieure de 31 ans. Le 13 mars dernier, elle devait commencer des injections d’hormones en vue d’une ponction de ses ovocytes dans le cadre, elle aussi, d’une FIV en Espagne. « Nous avons contacté notre gynécologue en France et la clinique espagnole. Tous nous ont conseillé de reporter cette intervention », explique-t-elle dans un mail. Leur crainte : que Daphné commence la stimulation et ne puisse se rendre en Espagne dix jours plus tard pour être ponctionnée. « J’aurais alors dû être suivie de près par ma gynécologue en France pour vérifier que j’élimine correctement l’ensemble des follicules développés sans qu’ils ne se transforment en kystes », continue-t-elle.
PMA suspendues
Personne ne sait quand les PMA en Belgique et en Espagne pourront reprendre ou quand les banques de sperme danoises enverront de nouveau des gamètes en France. Célia et sa compagne s’accommodent plutôt bien de cette suspension. « La première tentative d’insémination devait se faire en juin. Elle risque fort d’être reportée. Rien de très grave en somme pour nous. il faut juste faire preuve de patience », explique-t-elle. C’est en effet plus facile quand on en est au début du processus, plus difficile quand on a déjà plusieurs échecs derrière soi.
Pour Daphné, c’est plus compliquée. Son projet de FIV fait suite à trois tentatives ratées d’insémination avec donneur (IAD). « Nous nous préparons à cette FIV depuis plusieurs mois, c’est un processus stressant et très impliquant et je parvenais enfin à m’y projeter un peu plus sereinement », explique-t-elle. Au stress de l’épidémie et de l’incertitude du futur s’ajoute le stress de devoir réorganiser la FIV. Obtenir du temps libre pour pouvoir effectuer sa ponction avait demandé des mois de négociation avec son employeur, des négociations qu’il va falloir reprendre dans un contexte tendu où il faudra rattraper le temps perdu. Si elles ne peuvent pas reprogrammer cette FIV avant le mois d’août, elles devront refaire l’ensemble des examens préalables à l’intervention, qui ne sont pas tous remboursés.
« Nous avons le sentiment d’être dans un parcours du combattant depuis déjà longtemps et de devoir sans cesse repousser une hypothétique grossesse »,
Au-delà du coût financier et logistique, il y a le coût psychologique. « Ce qui est difficile pour nous en ce moment, c’est de continuer à voir via les réseaux sociaux des annonces de grossesse et de naissance, et d’entendre toutes ces plaisanteries sur un éventuel “ baby boom ” du confinement… On entend aussi les parents se plaindre continuellement d’être confinés avec leurs enfants. On a même entendu : “ vous avez de la chance, vous n’avez pas d’enfant(s) ”. Plutôt malvenu », déplore Daphné.
Les deux femmes n’ont pas de regret. Cela aurait été déraisonnable, voire dangereux de lancer la FIV dans ces conditions. « Malgré tout, cela génère un sentiment de fatalité, nous avons le sentiment d’être dans un parcours du combattant depuis déjà longtemps et de devoir sans cesse repousser une hypothétique grossesse », ajoute-t-elle.
PMA stoppées
Pour de nombreuses femmes, cette pause forcée sonne le glas de projets qui durent parfois depuis des années. Séverine essaie d’avoir un deuxième enfant depuis 2 ans et demi. « On pensait que ça se passerait aussi vite et bien que la première fois mais les années ont passé et ça n’a pas été le cas », explique-t-elle.
Après plusieurs inséminations et FIV infructueuses, la jeune quadragénaire a changé de clinique, refait une batterie d’examens, subit une petite opération et entamé un nouveau protocole début mars. « On a appris la fermeture de la clinique en allant sur leur site internet. Je ne savais pas du tout quoi faire, s’il fallait arrêter le traitement ou pas. Et notre gynécologue en France ne répondait plus », se rappelle-t-elle. Les infirmières qui constituaient la permanence de la clinique lui ont conseillé d’arrêter le traitement et de parler à son gynécologue en cas de problème, le fameux gynécologue qui ne répondait plus.
« C’était le protocole de la dernière chance. J’ai conscience qu’il pourrait y avoir un deuil à faire mais j’essaie de ne pas y penser avant l’heure fatidique. »
Heureusement, l’arrêt des hormones s’est bien passé, mais la déception est grande. « Je ne crois pas que les cliniques vont rouvrir avant l’automne et elles seront alors après submergées de demandes. Je crains que ça décale notre FIV de six mois à un an ce qui pourrait signifier la fin du projet », confie-t-elle. Elle se rapprochera alors des 43 ans, l’âge limite en Belgique, et une fertilité encore plus basse que maintenant. « C’était le protocole de la dernière chance, ajoute-t-elle. J’ai conscience qu’il pourrait y avoir un deuil à faire mais j’essaie de ne pas y penser avant l’heure fatidique. On verra bien. »
Si la PMA avait été autorisée et remboursée pour les couples de femmes et les femmes célibataires, Séverine aurait pu commencer son projet plus rapidement et n’aurait pas rencontré tous ces problèmes. Mais aujourd’hui, la légalisation de la PMA pour toutes, que l’on pensait prochaine il y a deux semaines, est de nouveau mise en suspens. « On ignore ce qu’il adviendra du projet de loi sur l’ouverture de la PMA, qui devait arriver en deuxième lecture à l’Assemblée nationale en avril, puis revenir au Sénat en mai, et qui sera évidemment repoussée. Notre crainte est qu’il passe totalement à la trappe », estime Daphné. Après sept ans de débats et de reports, difficile à accepter.
Mais il y a tout de même des bonnes nouvelles. Les résultats des PMA de dernière minute sont tombés. Marion est enceinte ! Quand son enfant naîtra mi-décembre, le confinement nous semblera peut-être comme un lointain mauvais rêve.
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