3 questions à Timothée du collectif Queer Education
« Être queer, c’est une forme de dissidence, aller à l’encontre d’une forme d’autorité, ne pas se satisfaire de nos conditions de travail et des programmes ».
Queer Education est un groupe réunissant des personnels de l’Education nationale désirant la « queeriser » notamment en partageant leurs initiatives pédagogiques. Timothée, qui a participé à la création de Queer Education, nous explique leurs projets.
Plusieurs membres de l’Education nationale (enseignants, CPE, AED…) se sont regroupés depuis septembre 2019 dans un groupe Facebook intitulé Queer Education.
Celui-ci compte désormais plus de 650 membres. Ce groupe se veut être à la fois un outil de discussion sur leur expérience queer du monde enseignant mais aussi un outil de réflexion afin de mettre en œuvre des pédagogies queer. Après deux réunions, ce collectif lancera son association le 15 mars prochain lors d’une journée d’échanges et de présentation de leurs projets.
Komitid : D’où vient l’idée de créer Queer Education ?
Timothée : En tant que membres du personnel de l’Education nationale LGBTQIA+, nous étions plusieurs à faire le constat que cela nous procurait une autre expérience de l’enseignement face à nos classes, car nous avions un discours face aux élèves qui n’était pas normatif. Ceux-ci pouvaient ainsi être amenés à nous poser des questions sur notre orientation ou expression de genre. Nous nous sommes aussi rendus compte que si dans certains établissements des ateliers sont parfois menés par des associations, cela reste souvent une initiative unique dans l’année, elle ne s’inscrit pas dans la durée. Certains d’entre nous menaient déjà des initiatives personnelles, alors nous nous sommes dit que ce serait bien de mutualiser les bonnes pratiques, ne plus être isolés. Celles-ci sont diverses, cela peut être faire une séquence de cours consacrée à la question du genre en littérature, un travail sur les émotions, des mini-clubs baby queer organisés par des surveillants, des cours d’éducation sexuelle non hétéronormés ou encore questionner l’adversité et le virilisme dans le sport.
« Être queer, c’est une forme de dissidence, aller à l’encontre d’une forme d’autorité, ne pas se satisfaire de nos conditions de travail et des programmes »
Pour vous, que faudrait-il changer dans l’Education nationale pour la « queeriser » davantage ?
Lors de notre première rencontre en octobre 2019, nous avons échangé sur notre vécu, ce qui n’allait pas dans l’Education nationale, ce qui fallait faire pour aller vers une école qui serait plus queer. Nous avons échangé autour des pédagogies critiques, sur lesquelles s’appuient les pédagogies queer, pour s’interroger sur comment enseigner de manière queer à l’école. Cela questionne la posture des enseignants par rapport aux élèves, mais aussi le rapport au corps. L’école d’aujourd’hui formate et gomme les particularités des élèves mais aussi des professeurs, qui sont dans l’automatisme car surchargés de travail. Être queer, c’est une forme de dissidence, aller à l’encontre d’une forme d’autorité, ne pas se satisfaire de nos conditions de travail et des programmes, repenser l’école comme un vecteur d’émancipation, qu’elle soit plus inventive et empathique. Pour beaucoup de personnes LGBTQIA+, l’école a été un lieu de souffrance. Nous aimerions refaire de l’école un lieu de liberté, liberté d’expression de genre mais aussi intellectuelle et physique.
Quelles actions comptez-vous mener ?
Nous allons d’abord réaliser une grande collecte de ressources, qui seront accessibles sur notre futur site Internet. L’idée est de partager nos initiatives, outils pédagogiques et théoriques. Nous travaillerons aussi avec le Centre LGBT et le Collectif archives LGBTQI+ pour partager nos vécus de membres de l’Education nationale queers. À travers les questions du rapport au corps se posera aussi la question des violences sexuelles faites aux enfants, sur laquelle nous voulons également travailler, être un soutien juridique.
Le 15 mars 2020, nous présenterons une série d’ateliers qui se produiront de manière régulière : droits et devoirs du personnel éducatif, histoire des luttes, comment queeriser l’éducation, un club de lecture pédagogique queer… Nous aimerions à terme également pouvoir proposer aux établissements une semaine queer clés en mains, avec un panel d’activités diverses (sport, histoire, art…). Nous espérons aussi organiser plus tard un colloque qui actualise les pédagogies queers en France.
Les réunions de Queer Education ne se tiennent pas en non-mixité, il n’est pas nécessaire non plus d’appartenir à l’Education nationale ou de travailler dans l’éducation pour rejoindre le projet.
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