Benjamin Griveaux, « revenge porn » et débat démocratique : a-t-on changé d'ère ?
Il faut s'interroger sur la manière dont des réseaux sociaux et d'obscurs sites internet peuvent, en quelques heures, nouer le sort politique d'un.e candidat.e.
Alors que l’annonce du retrait de candidature de Benjamin Griveaux à la Mairie de Paris fait la une des médias, il faut prendre le temps de réfléchir à ce que cette affaire dit de notre époque. Soulignons d’emblée que Benjamin Griveaux (dont on peut apprécier ou pas les idées politiques), n’a rien fait d’illégal et selon les informations disponibles, qu’il n’y a pas eu de plainte, d’agression, de violence. Ce qu’il s’est passé l’a été entre adultes consentants.
Ce matin, beaucoup de commentateur.rice.s parlent « d’américanisation » de la vie politique. Peut-on faire le parallèle cependant avec le outing ? Aux États-Unis, et je pense en particulier aux problématiques LGBT+, des personnalités ont été dénoncées car elles menaient des politiques ouvertement LGBTphobes ou tenaient des propos hostiles aux personnes LGBT+ tout en ayant dans leur vie privée une sexualité homosexuelle. Dans ce cas, il s’agissait de dénoncer l’hypocrisie, le double langage et l’absence de probité.
Utiliser la vie privée comme argument politique massif est dangereux. Il faut s’interroger sur la manière dont des réseaux sociaux et d’obscurs sites internet peuvent, en quelques heures, nouer le sort politique d’un.e candidat.e. Non seulement, on ne parle plus de programme, on ne se bat plus pour des idées, mais on va chercher dans la vie privée des candidat.e.s ce qui pourrait leur nuire.
Nous apprenons que c’est un opposant russe qui a diffusé ces vidéos et ces messages intimes à caractère sexuel et que des rédactions ont été contactées. Il y a donc bien manipulation politique et volonté de nuire. Des hommes politiques ont aussi relayé ces boules puantes, et en particulier le député ex-LREM Joachim Son-Forget, connu pour ces positions sexistes et homophobes.
Dans le retrait de Benjamin Griveaux, une des choses que l’on peut retenir, c’est que la divulgation de la vie privée, ce revenge porn à grande échelle, va priver les électeurs et les électrices de discuter des projets et de choisir les candidats en toute liberté. Dans deux ans, que va-t-il se passer pour la présidentielle ? Est-ce que désormais, il faut se dire que tous les coups sont permis ?
La démocratie est attaquée. Les réseaux sociaux et internet sont de nature à être utilisés pour manipuler l’opinion. On l’a vu dans la campagne américaine, où des millions de dollars ont été utilisés pour diffuser des fake news. La vie publique mérite mieux que cela. Et du côté des médias, il faut aussi questionner cette course au clic et à l’audience.
Dans le torrent de réactions ce matin, nous avons voulu retenir ce qu’en dit l’actrice et réalisatrice Ovidie : « L’idée qu’une vidéo de revenge porn soit disqualifiante dans un contexte professionnel est problématique. J’aurais préféré qu’il réponde « Oui c’est bien ma bite, je me trouve à mon avantage sur cette vidéo, une autre question ? ». Et qu’il porte plainte en parallèle. »
Cette époque ne sent pas bon.
- Pourquoi le mea culpa de Gérald Darmanin sur le mariage pour tous·tes sonne creux
- Suicide de Lucas : tout ce que nous avons obtenu n'aurait servi à rien ?
- Et vous, que retiendrez-vous de l'année 2022 ?
- Mondial 2022 : rien ne va dans cette Coupe du monde
- Un ambassadeur aux droits LGBT+, c'est bien. Mais avec quelle volonté politique et quels moyens ?