« 5 Guys Chillin’ », une pièce au cœur d’une partouze « chemsex »
Le texte est percutant, certains des comédiens emportent le jeu et la mise en scène est hyper-inventive mais écrite à partir de témoignages, « 5 Guys Chillin‘ » sacrifie un peu la dramaturgie sur l’autel de la vérité.
Au Théâtre Clavel, cinq comédiens recréent le temps d’une pièce de théâtre, l’ambiance d’une partouze gay sous chemsex. Si le propos ose n’éviter aucun sujet scabreux avec une réelle liberté et la mise en scène parvient à donner cet effet de temps accéléré, la pièce se heurte à la limite de l’exercice : écrite à partir de témoignages, 5 Guys Chillin‘ sacrifie un peu la dramaturgie sur l’autel de la vérité.
Dès l’ouverture des portes, le spectateur est en immersion. Sur scène, un garçon s’affaire en écoutant de la musique afin de préparer son salon à la folle nuit qu’ils vont traverser.
Un par un, les quatre invités de ce « plan chems » arrivent, s’embrassent, se déshabillent et prennent les choses en main tout en racontant, par bribes, leur relation au sexe, aux drogues, aux applications de drague, leurs meilleurs et leurs pires souvenirs de partouze, tout en questionnant la notion même de couple.
On est saisi, dès l’entrée en matière, de la frontalité de la mise en scène et du propos. Il fallait oser faire de ce salon une sorte de ronde du sexe, autour de laquelle les cinq protagonistes passeront par toutes les positions et toutes les émotions. Sans temps mort, on sent via ce ballet incessant des corps, une énergie vibrante et une urgence. L’urgence au cours de ce plan cul chimique, sera surtout de se raconter, de façon totalement désinhibée, d’oser exposer aux autres les tréfonds de sa psyché, de détailler les fantasmes qu’on croyait inavouables. Les moments de vie, anecdotes et considérations se succèdent, dressant des portraits nuancés et sensibles de ces cinq accros au chemsex. Sans temps mort, les mots et les actes s’enchaînent sur scène dans une frénésie impressionnante.
Mais l’exercice a ses limites. La pièce a été écrite par l’auteur anglais Peter Darney sur la base de témoignages recueillis auprès de garçons ayant ou ayant eu ce style de pratiques. Elle a eu un succès fou dans toutes les grandes villes anglo-saxonnes dans lesquelles elle a été montée depuis sa création à Londres en 2015 et l’auteur travaille actuellement à son adaptation au cinéma. La démarche du recueil de témoignages pour créer une pièce de théâtre (qu’a démocratisé Eve Ensler avec Les Monologues du vagin) permet de toucher à une matière extrêmement réaliste mais tue dans l’œuf toute idée de dramaturgie. On aurait aimé un peu plus d’écriture, de construction des relations entre les personnages, d’évolution propre à créer l’empathie.
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Là, on a plutôt l’impression d’assister à une version gay, hot et trash des Brèves de comptoir, des moments qui se succèdent, sans lien, sans progression d’une histoire. On pense aussi aux Garçons de la bande, pièce de théâtre américaine pionnière du genre qui mettaient en scène, dès la fin des années 60, les retrouvailles, pour un anniversaire, d’un groupe hétéroclite d’amis gays (adaptée au cinéma par William Friedkin en 1970). Le texte est percutant, certains des comédiens emportent le jeu et la mise en scène hyper-inventive sert au mieux son propos, mais le parti pris intéressant et tout à fait défendable du réalisme et du témoignage laisse un peu le spectateur sur sa faim en matière d’émotion.
5 guys Chillin’, de Peter Darney. Mise en scène : Christophe Garro. Avec : Jonathan Louis, Vincent Vilain, François Guliana Graffe, Lionel Rousselot, Charlie Dumortier. Les mardis et mercredis à 19 h 30, au Théâtre Clavel, à Paris.
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