« Les Charbons ardents » : un état des lieux passionnant de la masculinité d’aujourd’hui
La réalisatrice Hélène Milano est partie à la rencontre des garçons qui ont rarement la parole, ceux qui apprennent très tôt un métier.
La réalisatrice Hélène Milano aime prendre le pouls de la jeunesse. Surtout de celles et de ceux qu’on n’entend jamais. Pour le film Les Roses noires en 2012, elle avait interrogé des jeunes filles de banlieue sur leur vision de leur condition. Ici, avec Les Charbons ardents, elle est partie à la rencontre des garçons qui ont rarement la parole, ceux qui apprennent très tôt un métier. Ce portrait de groupes à multiples entrées permet de dresser un état des lieux passionnant de la masculinité d’aujourd’hui, de ses contours, de ses attendus, mais aussi de ses évolutions récentes et à venir.
« Ce n’est pas si facile »
Ils s’appellent Aymen, Bamba, Sabri, Yacine, Willem, Elton, Patrick, Seidou, Salim, Ethan, William, Théodore, Emmanuel, Maxence et Lucas, ils ont entre 16 et 19 ans et sont en classe de première spécialisée, de la mécanique automobile à la plasturgie en passant pas la maintenance des équipements industriels. C’est en présentant son film précédent dédiée à la parole féminine que l’idée d’enquêter du côté des garçons est apparue à Hélène Milano comme une évidence car face au film, certains jeunes hommes lui répondaient souvent que pour eux, « ce n’est pas si facile ».
À travers les témoignages de ces 15 adolescents qui se sont vus orientés dans des sections professionnelles par vocation ou par hasard, et souvent, par défaut, c’est tout un pan de la construction de la masculinité actuelle qui s’offre à nous avec pudeur, retenue mais sans éviter les sujets plus sensibles, notamment dans le rapport à l’autre.
Apparait, au fil des témoignages, le poids prégnant des attendus sociétaux et familiaux au regard de ce qu’est être un homme aujourd’hui.
Attributs de genre
En saisissant leur parole mais aussi les moments collectifs de leurs vies quotidiennes, dans les ateliers, en classe, au sport ou dans la rue, Hélène Milano documente avec intelligence et un sens inné du respect de la parole un moment charnière dans l’évolution des notions et des attributs de genre. Les garçons interviewés évoquent leurs origines, leurs pères, leurs difficultés, la peur du chômage, l’attrait de l’argent comme les mentalités de quartiers. Et, apparait, au fil des témoignages, le poids prégnant des attendus sociétaux et familiaux au regard de ce qu’est être un homme aujourd’hui.
Bien sûr on peut aller jusqu’à critiquer ceux qui sont trop « machos » mais comprendre également que l’insulte suprême, c’est de se faire traiter de « tapette », de « PD », qui correspond plus ou moins à l’idée que certains se font du manque de courage ou de virilité.
Notion de fragilité
Cette notion de fragilité impossible à associer à la figure masculine a certes du plomb dans l’aile en tête à tête mais joue encore son rôle dès que la notion de groupes sociaux réapparaît : Comment être amoureux sans se faire « afficher » ? Comment vivre sa sexualité malgré la religion, la famille ? Comment respecter les femmes comme on respecte sa mère ou sa sœur ?
Ces questions de fond poussent les garçons à envisager leur rôle dans la société sous un jour nouveau. Si rien n’est gagné sur le terrain majeur de l’égalité entre les femmes et les hommes dans ces milieux codifiés loin de cercles privilégiés, on sent que le changement de paradigme est proche, presque atteignable du bout des doigts. Le film propose, par les propos qu’il recueille en face à face, un état des lieux passionnant qui est également encourageant par les remises en cause constantes d’une certaine norme qui semble avoir fait son temps.
Les Charbons ardents
Réalisé par Hélène Milano – Documentaire – 1h26
En salles le 23 octobre 2019
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