« Matthias et Maxime », de Xavier Dolan : vivant, foisonnant, drôle et grave
Deux amis de toujours vont se confronter à des sentiments mouvants et insoupçonnés, conséquences directes d’un baiser de cinéma. Matthias et Maxime sont à des moments charnières de leurs vies quand leur relation se fracasse contre ce changement de paradigme insidieux.
Le nouveau film de Xavier Dolan (le huitième !), est vivant, foisonnant, drôle et grave, comme un adieu à une adolescence prolongée qu’on a pu croire éternelle l’espace d’un instant.
Qu’il fut long le chemin qui mène à Matthias et Maxime dans la carrière du réalisateur québécois. Quatre ans d’une aventure intense et bousculée, faire de hauts et de bas, pour accoucher en mars 2019 de Ma Vie avec John F. Donovan, grand film au souffle incomparable qui dissimule en son sein un brûlot politique, une saga romantique et l’ombre fantomatique d’un film de super-héros en creux.
C’était le bon moment pour prendre le contrepied : faire juste avant l’âge de raison, un ultime film de l’immaturité
Des affirmations, des déceptions et des regrets aussi. Et puis, Xavier Dolan a eu 30 ans et, même quand on façonne, avec l’opiniâtreté qu’on lui connait, le(s) film(s) de sa vie, il y a là un passage forcément signifiant, important. C’était le bon moment pour prendre le contrepied : faire juste avant l’âge de raison, un ultime film de l’immaturité. Celui qui marque de son sceau la fin de l’adolescence. Et affirme que les valeurs du groupe, de la fête et des sentiments exacerbés, propres au jeune âge, ne seront jamais réduites à l’idée d’un passage ou d’une transition. Mais bel et bien une richesse accumulée pour mieux affronter, le moment venu, l’inéluctable sentiment de solitude qu’engendre la vie.
Matthias et Maxime sont des garçons qui doutent. Un sentiment peu propice à être partagé au sein d’un groupe de potes, à la vie, à la mort.
Une histoire simple
L’histoire est simple : lors d’un week-end entre mecs, la petite sœur de l’un des garçons de la bande cherche deux acteurs-cobayes capables d’échanger un baiser pour le court métrage qu’elle réalise. Matthias et Maxime vont s’embrasser et, partant, voir leur relation amicale prendre des contours nouveaux, ceux d’un romantisme, excitant et terrifiant, à l’âge des décisions qu’on est sommé de prendre sur l’adulte qu’on croit pouvoir décider de devenir.
À base de vannes savoureuses et érigées en discipline olympique de l’amitié (la langue québécoise et ses expressions nouvelles, imagées comme cryptiques aidant), la vie du groupe va gagner en gravité, en distance, et les remises en question individuelles prendre le pas, petit à petit, sur l’insouciance joyeuse.
Amour ou amitié
Et puis ce n’est pas rien que de faire d’un baiser de cinéma le déclencheur de ce doute, de cet amour qui ne se reconnait plus dans le miroir et se tait. Pendant ces dix années et presque autant de films, Dolan a fait copain-copain avec le cinéma et cherche peut-être encore à savoir si c’est de l’amour ou de l’amitié. Les films (qu’on les fasse, qu’on les aime) deviennent avec le temps des moments de nos vies qu’on aurait pu vivre, qu’on a peut-être vécu, qui permettent d’échapper au quotidien, aux injonctions, et d’alléger les poids cumulés des héritages familiaux, des sentiments imprévisibles et des nécessaires mises à nu.
Xavier Dolan a 30 ans. Avec ce film, il fait le point et sa caméra n’a jamais été aussi mobile comme si elle ne tenait plus en place, n’avait plus le temps d’attendre. Tout est dit.
« Matthias et Maxime »
Comédie/Drame – Canada – 1h59
Réalisation : Xavier Dolan
Distribution : Avec Gabriel D’Almeida Freitas, Xavier Dolan, Pier-Luc Funk, Anne Dorval
En salles le 16 octobre 2019
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