« Ne croyez surtout pas que je hurle », de Frank Beauvais : un journal intime en forme de bombe à fragmentations

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« Ne croyez surtout pas que je hurle», de Frank Beauvais, est un chef d’œuvre intime et politique, une bombe d’émotions, un geste déchirant.

« Ne croyez surtout pas que je hurle », de Frank Beauvais - Capricci

Réalisateur, gay, précaire, Frank Beauvais raconte un an de sa vie dans un premier long métrage saisissant. Voix off blanche et mots déchirants de sincérité épousent des plans courts, des fragments issus de près de 400 films parmi les milliers visionnés par le cinéaste cinéphile, isolé dans un petit village alsacien après une rupture amoureuse. Un chef d’œuvre intime et politique, une bombe d’émotions, un geste déchirant.

« J’ai quarante-cinq ans. Je vis depuis six ans, en appartement, dans un minuscule et pittoresque village d’Alsace Bossue, situé à une cinquantaine de kilomètres de Strasbourg, au cœur du Parc Régional des Vosges du Nord. Je me suis séparé, il y a de cela sept mois, du compagnon avec lequel nous avions décidé de nous installer là, dans le but de vivre à proximité de la nature et de nous loger plus confortablement que nos revenus ne nous l’autorisaient à Paris… ».
C’est avec ces mots que s’ouvre Ne croyez surtout pas que je hurle, premier long métrage de Frank Beauvais, et, soyez prévenu.e.s, vous n’en sortirez pas indemnes ! Réalisateur de courts métrages qui a bourlingué dans la création audiovisuelle, Franck Beauvais est accro au cinéma, aux images.

Fardeau salvateur

Contradictoire, cette addiction agit comme un fardeau salvateur car cette dépendance sera son salut. C’est à partir des images composites vues en 2016 que le film se construit : des plans brefs qui se succèdent à un rythme soutenu pendant que la voix du réalisateur raconte une année de sa vie, 2016, une année particulière, une année pour sortir de la dépression. Mais jamais le récit d’une dépression n’a été aussi revigorant et porteur d’espoir que ce journal en images évocatrices qu’offre au monde Frank Beauvais.

L’auteur-réalisateur, qui se décrit avec humour comme un « Vernon Subutex des sous-bois », évoque ses problématiques personnelles, l’éloignement, l’isolement, la difficulté de vivre après une rupture, la mort de son père, ses problèmes de santé et ses addictions mais également ce qui le retient de quitter son écran, les images qui l’absorbent et l’empêchent de reprendre une place dans une société dont la violence l’effraie et le révolte.

Le monde de 2016, ce sont déjà des réfugiés morts en Méditerranée mais aussi l’attentat homophobe d’Orlando, l’état d’urgence, les Nuits Debout, la loi travail ou la mort de Prince. La force du film, c’est la façon dont les images et le texte coexistent, dialoguent, se répondent et se nuancent mutuellement créant une matière inédite faite de recul, d’humour, de résistance, de remise en question et de pudeur.

Plus qu’un film, « Ne croyez surtout pas que je hurle » agit comme une bombe à fragmentations.

Plus qu’un film, Ne croyez surtout pas que je hurle agit comme une bombe à fragmentations. Ce n’est qu’après coup qu’on réalise à quel point chaque seconde, chaque mot, chaque image, s’est glissé imperceptiblement au plus profond de nos chairs et qu’on a de la chance d’être encore en vie. On sort le cœur lourd, l’œil humide, la gorge nouée mais avec une folle envie de croire à nouveau en l’humanité.


Ne Croyez surtout pas que je hurle
Journal intime – 1h5
Réalisation : Frank Beauvais
En salles le 24 septembre 2019