Dans « Tu mérites un amour », Hafsia Herzi explore l’amour et les masculinités
Le film d’Hafsia Herzi est un petit miracle. À travers les rencontres et les égarements de Lila, la réalisatrice confesse le côté illusoire de la quête de l’homme idéal.
Elle est apparue dans le paysage du cinéma français grâce à une danse orientale hypnotique et un révélateur de talents, Abdellatif Kechiche. C’était en 2007 dans La Graine et le mulet qui lui vaudra notamment le César de l’espoir féminin.
Hafsia Herzi fait depuis des choix d’actrice exigeants : Le Roi de l’évasion avec Alain Guiraudie, L’Apollonide de Bertrand Bonello, Sex Doll de Sylvie Verheyde ou encore les deux premiers volets du Mektoub my love de Kechiche. Après un premier court en 2010 (La Rodba), et dans l’attente du financement d’un long métrage, elle a eu envie de tourner, de filmer, de raconter une histoire.
Premier long métrage
Elle a réuni de jeunes technicien.ne.s et comédien.ne.s et produit elle-même, avec très peu de moyens et en un temps record, son premier long métrage. On y suit une jeune femme, Lila qu’elle interprète, et qui va explorer le vaste territoire de la conquête amoureuse. Lila ne se remet pas de sa rupture. Rémi, elle l’aimait, elle l’avait dans la peau et il l’a trompée.
Quand celui-ci décide de partir un mois en Bolivie, elle va, aidée de ses ami.e.s, partir à la rencontre des possibles, se prendre des murs, faire des rencontres, être émue, excitée, se laisser tenter… Si l’argument est simple, ce qui fait le charme et la force du film d’Hafsia Herzi, c’est à la fois la liberté absolue qu’elle accorde à son récit et à son personnage et le regard faussement naïf qu’elle pose sur ses contemporains, et notamment sur les hommes.
C’est dans une véritable étude de caractères de la masculinité des (presque) trentenaires qu’Hafsia Herzi entraîne son personnage de Lila.
De Rémi, le beau gosse tombeur de Tinder (idéalement interprété par Jérémie Laheurte, découvert dans La Vie d’Adèle), à Charly, le jeune serveur-photographe à fleur de peau (Anthony Bajon, vu dans La Prière, extrêmement touchant) en passant par l’étrange et surprenant Jonathan (Jonathan Eap, charmeur à souhait) et beaucoup d’autres, c’est dans une véritable étude de caractères de la masculinité des (presque) trentenaires qu’Hafsia Herzi entraîne son personnage de Lila. Mais celui qui dynamite chaque scène dans laquelle il apparait c’est Djanis Bouzyani ! Dans le rôle casse-gueule d’Ali, le meilleur ami gay de l’héroïne, il est stupéfiant de drôlerie et d’intelligence.
Le film d’Hafsia Herzi est un petit miracle. À travers les rencontres et les égarements de Lila, la réalisatrice confesse, par touches diffuses, le côté illusoire de la quête de l’homme idéal, celui qui combinerait toutes les qualités d’intelligence émotionnelle décrites par Frida Kahlo dans le poème qui donne son titre au film.
Finesse salvatrice
La réalisatrice, à la façon d’une douce amazone met toujours les pieds dans le plat avec une finesse salvatrice, et évite, de fait, tous les poncifs attendus. Ni comédie romantique rose bonbon mignonne, ni mélo poussif déchirant, Tu mérites un amour, c’est le regard d’une femme libre, d’une aventurière low profile des temps modernes, sur l’amour et le romantisme à l’ère des applis de rencontres. C’est une ode à la liberté vive, explosive, moderne, touchante, drôle et, pour tout dire, totalement en phase avec son époque.
« Tu mérites un amour », de Hafsia Herzi
Avec Hafsia Herzi, Anthony Bajon, Djanis Bouzyani, Jérémie Laheur, …
Sortie le 11 septembre 2019
- Quatre romans LGBT+ à lire cet automne
- Cinéma : « Trois kilomètres jusqu'à la fin du monde » ou l'homophobie en Roumanie
- Almodovar, le réalisateur qui a donné des couleurs au cinéma espagnol
- James Bond peut attendre : Daniel Craig se déconstruit dans « Queer »
- Grand acteur et grand réactionnaire, Alain Delon s'est éteint