Comores : un safe space homo pour « ne pas mourir socialement »
La criminalisation de l'homosexualité aux Comores pousse les premier.es concerné.es à organiser leur propre « safe space » à domicile. Loin des regards, l'amour entre personnes du même sexe n'est plus un sujet tabou... le temps d'une soirée. Reportage.
« Nous vivons sur une petite île et les histoires circulent vite. Il faut rester discret. Ici tout se sait. » À l'est de l'île Grande Comore, l'île la plus peuplée de l'Union des Comores, dans un lieu que nous ne décrirons pas plus pour ne pas mettre quiconque en danger, un groupe d'hommes arrive la nuit tombée au domicile d'un ami. Nous sommes chez Mohammed, 33 ans, ou plutôt dans l'une de ses propriétés. L'ambiance est chaleureuse et les convives accueillants. Autour d'une table, hommes et femmes enchaînent les anecdotes comme les cigarettes. « Ici, la plupart sont soit homos, soit bis. Mais il y a aussi des hétéros pour qui ces questions ne posent pas de problème », explique-t-il entouré de ses amis.
Âgée de 20 à 35 ans, l'assemblée est complice et bienveillante. « On se réunit quasiment toutes les semaines pour échanger, rire, passer un mot sans se prendre la tête », résume le maître des lieux. Seule condition pour être présent : « Il faut se faire confiance. Ce qui se passe et se dit entre ces murs n'en sort pas ». Acquiescement général.
Mohammed est homosexuel, « à 100% », insiste-t-il. Il y a plus d'une dizaine d'années pourtant, le jeune homme s'est marié avec une femme. Il explique : « Passé un certain âge, c'est quasiment obligatoire aux Comores ». Trois enfants plus tard, son orientation sexuelle demeure toujours secrète pour sa famille.
« Mes parents sont décédés sans le savoir. Nous ne parlons pas de ce sujet avec ma femme, même si je me doute qu'elle est au courant ». La raison de ce silence : « Nous vivons dans un pays musulman où les traditions sont importantes. Beaucoup de Comoriens sont comme nous, mais ils ont peur de dire la vérité ». À l'autre bout de la table, Bakar 27 ans résume les enjeux : « Tu peux te faire insulter et agresser physiquement. Mais le plus gros risque, c'est l'exclusion de la société voire même de ta propre famille ». Il conclut d'une formule lapidaire mais parlante : « Tu peux mourir socialement ».
Une pénalisation rarement appliquée
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