50 ans après les émeutes de Stonewall, quelle place pour la police dans les marches des fiertés ?
Chaque année, la présence (ou non) des forces de police aux marches des fiertés divise. À l’occasion des 50 ans de Stonewall, la question se fait d’autant plus pressante. Enquête et témoignages.
Fin juin 1969, New York, le harcèlement et les violences homophobes de la police conduisent les client.e.s d'un bar de Greenwich Village à se rebeller, souvent les talons à la main. Les émeutes de Stonewall, fondatrices des luttes LGBT+ contemporaines, dureront six jours, sous l’impulsion notamment des désormais iconiques Marsha Johnson et Sylvia Rivera. Une année plus tard, à l’initiative de la militante bisexuelle Brenda Howard, dite « Mother of Pride », la première commémoration des événements du Stonewall Inn a lieu… Et c’est ainsi que sont nées les marches des fiertés.
Cinq décennies après Stonewall, la présence de la police visible en tant que telle dans ces manifestations continue, d'après les nombreux témoignages que nous avons recueillis, de paraître impensable pour les un.e.s et indispensable pour les autres, dans de nombreux pays. On fait le point.
Arc-en-ciel n’est pas uniforme
Alors que les associations de policier.e.s LGBT+ prennent de l’ampleur et collaborent les unes avec les autres à l’international (notamment l’European LGBT Police Association, qui a tenu sa conférence à Paris en juin 2018), la maréchaussée a cordialement été invitée à ne pas défiler en uniforme dans plusieurs villes. À Londres et à Toronto, c’est le cas pour la seconde année consécutives et en 2019, plusieurs autres grandes villes dont Sacramento, ont donné une consigne similaire. Pour Mickaël Bucheron, président du Flag!, exclure la police de la marche est « contre-productif ». « Il vaut mieux avoir toutes les forces de police et de justice en allié.e.s plutôt qu'en opposition », affirme-t-il.
Clémence Zamora-Cruz, porte parole de l’Inter-LGBT, comprend qu’historiquement, ce point soit soulevé et estime que la décision appartient aux organisations qui mettent sur pied leurs prides locales. Mais pour elle, « il ne faut pas se tromper de cible », car « la marche des fiertés se doit de représenter les actrices et acteurs du mouvement LGBTIQ dans son ensemble ».
Quoi qu’il en soit, la militante rappelle que la question ne se pose pas à Paris. « Dans le cortège de la Marche des fiertés de Paris - Île-de-France, il n’y a pas de policier.e.s qui défilent en uniforme pour représenter leur ministère de tutelle », assène Clémence Zamora Cruz, visiblement agacée par ce débat récurrent. « Il ne s’agit pas de leur uniforme de service mais d’un code vestimentaire », conclut-elle en parlant des membres du Flag!.
« Reconnaître les violences policières mais aussi les violences politiques et institutionnelles envers notre communauté »
Malgré les excuses publiques de la police de New York lors du briefing de sécurité en amont de la marche dans la ville, la Reclaim Pride Coalition, elle, n’en démord pas : les partenaires commerciaux et les forces de la police n’ont rien à faire dans les marches des fiertés ! Pour Clémence Zamora Cruz, ces excuses sont « une reconnaissance officielle de la responsabilité de l’institution policière locale, en grande partie à l’origine des émeutes de Stonewall ». D’après la porte parole de l’Inter-LGBT, ce « symbole fort » serait une inspiration indispensable pour l’Hexagone, afin de reconnaître « les violences policières mais aussi les violences politiques et institutionnelles envers notre communauté ». Les plus ancien.ne.s militant.e.s LGBT+ se souviennent encore d’avoir été pris.e.s en photo par les RG dans les manifestations et sur les lieux de drague avant la destruction du fichier en 1982, entre autres joyeusetés. « Au-delà d’excuses publiques, il est aussi nécessaire que l’histoire de nos luttes soit intégrée dans les programmes scolaires », ajoute-t-elle.
D’autres activistes ne voient pas les excuses, ni même l’exclusion de la police en uniforme, d’un si bon œil. « Les policiers font partie d'un système large, dont ils sont le bras armé. Ils pourront s'excuser autant qu'ils veulent. C'est de l'image. Aucune excuse valable sinon la chute du patriarcat ! ». Pour Luce, militante trans et anarchiste, il s’agit de « pinkwashing », tout simplement. « Interdire la marche aux flics en uniforme, c'est apaiser en créant un faux-semblant de consensus social alors qu'il y a toujours une oppression à l'extérieur de cette fête », explique-t-elle. « On donne juste un simulacre de liberté, d'espace non-surveillé, mais ils sont quand même là dans des buts de contrôle, sur les côtés. Ils défilent avec nous qu'on le veuille ou non, en fait. » D’ailleurs là, les effectifs policiers sont bel et bien en uniforme, souligne Clémence Zamora Cruz.
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