« Cobayes » effacés de l'histoire, les personnes intersexes contre leur invisibilisation
Bien qu'omniprésentes dans de nombreux protocoles médicaux, les personnes intersexes sont nommées surtout lorsqu'il s'agit de les « corriger ». Mais les choses changent peu à peu grâce au militantisme intersexe. Décryptage.
Au XIXème siècle, la première insémination artificielle a été réalisée sur un couple hétérosexuel dont l’homme, hypospade, était intersexué. En 2019, les premières greffes d’utérus en vue de grossesses en France se font sur des femmes ayant le syndrome MRKH (absence d’utérus mais aussi parfois absence de vagin ou vagin dit « court »), qui se trouve sur le spectre de l’intersexuation. Pourtant, les déclarations des médecins et les articles de la presse généralistes ne mentionnent pas cette information. Pourquoi cette invisibilisation ? D’après Vincent Guillot, activiste intersexe qui a co-fondé l’Organisation Internationale des Intersexués en 2003, rencontré en mars 2019 à Paris, il s’agit de maintenir « le vieux pouvoir », celui qui « réitère l’hétérosexualité », en place.
Intersexuation, l’éléphant dans les amphis de médecine ?
Si l’on met en parallèle les revendications des militant.e.s intersexes et le langage distant du corps médical quant aux progrès réalisés grâce à une patientèle intersexuée, impossible de ne pas hausser au moins un sourcil. D’un côté, certains chirurgiens et endocrinologues préfèrent toujours se passer du consentement des jeunes intersexes, malgré notamment un rappel à l'ordre de la France par l'ONU en 2016, car il s’agit de « corriger » leurs corps. De l’autre, lorsque des personnes intersexes sont au cœur d’un nouveau protocole, les praticiens semblent vouloir éviter d’utiliser ce mot pour vanter leurs découvertes et prouesses. Un double discours hypocrite, pour Vincent Guillot. « Si les personnes trans peuvent avoir accès à de bonnes chirurgies et à de bons traitements hormonaux, c'est que depuis les années 30, on fait les frais de ça », explique le militant. « Dans la littérature médicale, ça ressort en permanence, et les médecins sont tous très fiers, lors de conflits armés par exemple, de pouvoir refaire un pénis à un homme qui l'aurait perdu en marchant sur une mine. »
« Enfant, c'était de la testostérone de porc qu'on m'injectait. On est tous cobayes ! »
Une réalité que Vincent connaît hélas trop bien : « Si les hommes qui bandent mou peuvent aujourd’hui accéder à la testostérone, c'est aussi grâce à ce qui a été testé sur les personnes intersexes », poursuit-il. « Enfant, c'était de la testostérone de porc qu'on m'injectait. On est tous cobayes ! »
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