Florence Thune, directrice générale de Sidaction : « Si on oublie le VIH, il y a un risque de se reprendre l'épidémie de plein fouet »

Publié le

À l'heure où le nombre de nouveaux cas de séropositivité repart à la hausse, comment continue-t-on à mobiliser contre le VIH et à susciter de nouveaux dons pour combattre l'épidémie et lutter contre l'exclusion ? Éléments de réponse avec la militante Florence Thune.

Sidaction 2017 - © Vincent Isoré
Sidaction 2017 - © Vincent Isoré
Article Prémium

Les derniers chiffres de la séropositivité en France sont tombés ce matin et ils ne sont pas bons. Après une relative stabilisation, les déclarations de nouveaux cas sont repartis à la hausse, avec près de 6400 nouvelles personnes qui ont appris leur séropositivité en 2017. La plupart des expert.e.s tablaient sur une courbe descendante mais ce n'est toujours pas le cas. Il semble bien que l'introduction du traitement préventif (PrEP) n'a pas encore l'impact escompté. En 2017, les HSH, incluant les gays et les bis, sont toujours très touchés puisqu'ils représentent 41% des découvertes de séropositivité (2600). Et parmi les HSH, des disparités existent entre ceux nés en France, où le nombre de nouveaux cas reste stable et ceux nés à l'étranger où ce nombre augmente, passant de 400 cas en 2011 (18 % des découvertes chez les HSH) à 675 en 2017 (26 %). Parmi les découvertes de séropositivité chez les hétérosexuels, 75 % concernent des personnes nées à l’étranger.

Maillon faible

Le maillon faible de la politique de lutte contre le sida reste le dépistage. Si le nombre de tests effectués a augmenté de 12% entre 2010 et 2017, Santé Publique France reconnait que cette hausse n'a que « peu bénéficié aux populations les plus exposées au VIH. » Un comble alors qu'on sait depuis de très nombreuses années que le VIH touche de façon disproportionnée les Hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes et les personnes migrantes, en particulier les femmes originaires d'Afrique subsaharienne.

Près d’un tiers des découvertes de séropositivité sont toujours trop tardives : 30% des personnes ont été diagnostiquées en 2017 à un stade avancé de l’infection à VIH, parfois au stade sida. La moitié des découvertes de séropositivité (52 %) ont concerné des personnes déclarant n’avoir jamais été testées auparavant. Dans les populations où un dépistage régulier est recommandé, hétérosexuel.le.s né.e.s à l’étranger et HSH, cette proportion est respectivement de 68% et 33%. Cela signifie qu'un tiers des HSH dépistés positifs n'avait jamais fait le test. Un constat assez déprimant.

Sidaction a 25 ans

Ces chiffres sortent une semaine avant la nouvelle campagne d'appel à dons de Sidaction sur les médias télé et radio sous le slogan « N’oublions pas que le virus du sida est toujours là ». Le principal bailleur de fonds de la lutte contre le sida, qui a soutenu en 2017 des centaines d'actions en France et à l'étranger pour un montant de 11,8 millions, célèbre cette année ses 25 ans. Nous avons rencontré la directrice générale de l'association, Florence Thune, qui témoigne depuis des années en tant que femme hétérosexuelle et séropositive. Lors de notre entretien, réalisé le 22 mars dernier, les chiffres de séropositivité venaient d'être dévoilés par Libération. L'inlassable militante a réagi à ces données et explique aussi pourquoi il est toujours aussi important de soutenir le combat contre l'épidémie.

Komitid : Je me souviens assez précisément de la toute première réunion des principales associations de lutte contre le sida au local d’Act Up-Paris, en 1993, et qui a mené à la création de Sidaction. Vingt cinq ans après, la flamme est-elle toujours là ?

Florence Thune : Oui elle est toujours là, cette flamme est là pour la plupart des personnes convaincues mais on a besoin de faire de plus en plus d’efforts pour qu’elle ne s’éteigne pas aux yeux du grand public. Si on était face à une situation dramatique à l’époque, on l’est toujours aujourd’hui, dans certains pays. Bien sûr, c’est loin, ça prend peut-être moins aux tripes. Mais on peut aussi écarquiller les yeux quand on voit qu’en France, plus de 6000 personnes apprennent leur séropositivité et pour un quart d’entre elles, elles l’apprennent alors qu’elles sont au stade sida ou très immunodéprimées. Qu’est-ce qui fait qu’elles arrivent à ce stade-là ? Les médecins ont-ils pensé à en parler ? Il y a beaucoup à faire pour que la flamme reste.

Florence Thune, directrice générale de Sidaction - Facebook

Florence Thune, directrice générale de Sidaction - Facebook

Pour continuer la lecture de cet article :

Vous avez déjà un accès ?

Identifiez-vous

  • phil86

    L’indétectailité et la prep devraient être au coeur des campagnes de prévention car elles rendent le dépistage beaucoup moins lourd et menaçant et aident à lutter contre les discriminations. Or pas un mot dans cet article !

  • phil86

    Et les séropos indétectables et donc NON CONTAMINANTS quand est-ce que les pouvoirs publics en parlent ? Parce que c’est une vraie révolution. Nous ne transmettons plus le virus. Or 9 mecs sur 10 l’ignorent et les discriminations perdurent alors que c’est justement en nous evinçant de leurs rapports sexuels bien souvent sans capote que ces mêmes mecs prennent des risques avec des mecs dont ils ne peuvent être sûrs de rien.