Une cérémonie des Oscars 2019 sous le signe de l’antiracisme et de la visibilité LGBT+
Trois des quatre acteur.trice.s récompensé.e.s le sont pour leurs interprétations de personnages LGBT+.
On gardera de cette 91ème cérémonie une belle avancée en termes de représentation des talents non blancs (remettants comme lauréats), les nombreux Oscars récompensant des films portés par un propos sur le « vivre ensemble » (Black Panther, Green Book, Roma, BlacKkKlanxman et Si Beale Street pouvait parler), le fait que trois des quatre acteur.trice.s récompensé.e.s le sont pour leurs interprétations de personnages queer et le couronnement musical du duo Lady Gaga-Bradley Cooper, seul moment artistiquement fort de cette soirée.
Bohemian Rhapsody domine le palmarès
Au numéraire et d’une courte tête avec quatre statuettes, c’est Bohemian Rhapsody, le biopic, mensonger, plutôt raté et sans réalisateur (mais gros succès public) consacré à Queen et à Freddie Mercury qui domine le palmarès annuel du cinéma américain qui se déroulait cette nuit. Mais avec un seul Oscar majeur, celui du meilleur acteur décerné à un Rami Malek, visiblement ému, qui a pris soin de rappeler que Mercury qu’il incarne à l’écran était « un homme gay » (ce qu’il avait eu du mal à dire pendant la promotion du film) et issu de l’immigration, insistant au passage sur ses propres racines égyptiennes.
La meilleure actrice, la britannique Olivia Colman, qui arrache l’Oscar pour son rôle de reine lesbienne dans La Favorite (grand perdant de la soirée puisqu’il partait, comme Roma, avec 10 nominations), était, comme Rami Malek, nommée pour la première fois et révélée par une série télévisée (Broadchurch pour elle, Mr Robot pour lui). Sa victoire a laissé Glenn Close pantoise devant ce septième échec pour l’Oscar de la meilleure actrice !
Duo Lady Gaga et Bradley Cooper
Lady Gaga, l’icône bi, nommée également dans cette catégorie pour son rôle d’Ally dans A Star is Born, s’est consolée avec l’archi-mérité Oscar de la chanson originale qui a donné lieu à un duo très fort (et en plan séquence) avec son réalisateur et partenaire dans le film Bradley Cooper. Un moment musical qui surpassait de loin l’ouverture relativement poussive de la cérémonie, un combo We will rock you / We are the champions sagement exécuté par les musiciens de Queen avec le chanteur, ouvertement gay, Adam Lambert, révélé par l’émission American Idol et qui les accompagne sporadiquement sur scène depuis 2011.
Le décrié Green Book (certains à Hollywood accusent le film de gommer l’homosexualité et de faire la part belle au personnage blanc) repart avec l’Oscar de meilleur film de l’année, ainsi que celui du meilleur scénario original et permet à son comédien l’excellent Mahershala Ali d’obtenir son deuxième Oscar du second rôle masculin, pour son interprétation du pianiste noir et gay Dr Don Shirley, deux ans après celui qu’il recevait pour Moonlight de Barry Jenkins.
« Faisons un choix moral entre l’amour et la haine »
C’est également une actrice noire, Régina King, qui obtient l’Oscar du second rôle féminin pour son interprétation dans Si Beale Street pouvait parler, deuxième opus du réalisateur de Moonlight. Elle l’a remercié dans la même phrase que l’auteur du roman, gay et noir : « Être ici devant vous pour représenter un des plus grands artistes de notre ère, James Baldwin et son fils spirituel le réalisateur Barry Jenkins, est un peu surréaliste ». Si le fait que Black Panther, le premier film de super héros majoritairement interprétés par des acteur.trice.s Africain.e.s-Américain.e.s de Marvel, obtienne trois Oscars (costumes, décors et musique originale) est un symbole fort, le premier Oscar décerné de toute sa carrière à Spike Lee, pour le scénario adapté de BlacKkKlansman, était carrément une révolution ! Le réalisateur a d’ailleurs délivré le discours le plus politique de la soirée, rendant hommage, 400 ans après les premières déportations d’Africains aux États-Unis, à ses ancêtres esclaves « qui ont bâti cette nation » et incitant les électeur.trice.s à faire le bon choix, lors des prochaines élections en 2020 : « Mobilisons-nous tous ! Soyons du bon côté de l’Histoire. Faisons un choix moral entre l’amour et la haine ». « Let’s do the right thing ! », a-t-il conclu, paraphrasant le titre de son quatrième film, le premier pour lequel, en 1990, il reçut deux nominations.
Symbolique encore la victoire dans la catégorie du film d’animation du premier Spiderman noir et latino, Spiderman : New Generation. Et preuve ultime qu’Hollywood a des messages à adresser à Trump et que l’industrie du cinéma n’est pas prête d’accepter qu’un mur sépare son pays du Mexique voisin, Roma repart avec trois statuettes majeures : celle de la meilleure photo, du meilleur film étranger et du meilleur réalisateur, Alfonso Cuarón succédant ainsi à son compatriote et meilleur pote Guillermo Del Toro, sacré l’année dernière pour La Forme de l’eau.
« Je ne suis pas une drag queen, je suis un homme en robe »
Pour finir par une note fashion et queer, le comédien de la série Pose, Billy Porter a clairement gagné l’Oscar du style sur le red carpet du Dolby Theatre avec un smoking-robe complètement dingue dont les photos ont fait le tour du monde en un clin d’œil. « Maintenant que (…), étant dans Pose, je suis invité sur les tapis rouge, j’ai quelque chose à dire à travers les vêtements. Mon but est d’être une pièce d’art politique ambulante à chaque fois que je me montre. (…) Qu’est-ce que la masculinité ? Qu’est-ce que cela signifie ? (…) Je ne suis pas une drag queen, je suis un homme en robe », a-t-il déclaré à Vogue, en coulisses, car, malheureusement, le comédien dont la voix scande les balls de la série de Ryan Murphy ne faisait pas partie de la liste des remettants. On prend les paris pour l’année prochaine ?
- « A Star is born », un remake inégal mais un écrin pour l’actrice Lady Gaga
- « Avant l'aurore », un film porté à bout de bras : Nathan Nicholovitch, réalisateur, et David D'Ingéo, comédien, reviennent sur leurs aventures cambodgiennes
- « Avec "Fiertés", on a fait une série qu'on aurait pu regarder il y a 15 ans, et nous dire "c'est cool, on existe" »
- « Call me by your name », un film gay ? Le réalisateur répond
- « Climax » : la descente aux enfers selon Gaspar Noé
-
chrisandqueens
“une pièce d’art” ? si dans le texte c’est piece of art, la traduction est œuvre d’art /: