3 questions à la rédaction de « PD La Revue »
« Dans un monde mauvais, où l’État reste le premier homophobe, les transpédégouines se demandent quelle est leur place, voire s’ielles en ont une ».
Il est beau, il est frais. PD La Revue est un nouveau magazine qui parle des identités et des vies homosexuelles, par et pour les pédales et tapettes en tout genre, avec rage et tendresse à la fois. Entre revendications et empuissancement communautaire, la multiplicité des identités homos et les contradictions qu’elles charrient y sont abordées sans peur.
L’énergique palanquée de fabuleux pédés qui édite cette flamboyante parution « aléatoiromadaire » a porté ce projet pendant près d’un an avant de lui donner le jour pour l’hiver 2018-2019, et planche déjà sur ses prochaines éditions. Pour Komitid, Alix, Camille, Rififi et Loulou ont accepté de passer de l’autre côté du clavier pour nous dévoiler l’engagement et la magie qui animent l’arrière-salle de cette rédaction…
Komitid : Le numéro 0 de PD La Revue est sorti pour la saison froide. D’où est venue cette envie de sortir un média communautaire, papier, en 2018 ?
PD La Revue : Dans un monde mauvais, où l’État reste le premier homophobe, les transpédégouines se demandent quelle est leur place, voire s’ielles en ont une, par exemple dans les mouvements sociaux comme celui des Gilets Jaunes. Les gays, les pédés, ont du mal à s’unir, sans doute précisément parce qu’ils ne sont pas forcément conscients de ce qui les unit au-delà de leur pluralité. PD La Revue essaie de rendre compte de ce qui unit, voire de ce qui peut faire rupture afin de montrer cette pluralité, visible dès la couverture magnifiquement illustrée par A4 putevie.
« Une démarche mili-tante »
Cette revue est le fruit d’une démarche mili-tante. Le but n’est pas de faire de l’argent, de viser les aides à la presse ou de choisir entre contenu et publicité. Considérant les liens entre LGBTIphobies, patriarcat, racisme et capitalisme, et le fait que tous les pédés n’ont pas les moyens de mettre 7 euros dans une revue qui s’adresse à eux, les bénévoles contributeurs ont choisi le positionnement anti-commercial d’une vente à prix libre. Le choix du papier est lié à l’idée tout aussi engagée de communauté. C’est un objet physique qui permet de créer et d’entretenir un lien avec le lectorat lors des rencontres en centres LGBTQI+ de province, tout comme les liens intra-communautaires par le prêt ou le don.
Les présentations lors de soirées Queer foods mais surtout dans les centres ont donné lieu à de beaux moments de lectures, suivis d’échanges et de réflexion avec les auditoires. Voilà pourquoi le papier restera le support essentiel. Du reste, à terme, les articles seront publiés sur le blog de la revue afin d’élargir encore la diffusion aux personnes les plus éloignées des lieux de rencontres, et à celles aveugles ou malvoyantes par le biais d’un podcast.
Pourquoi le choix de « PD » en titre ?
« Au commencement, il y a l’insulte ». L’incipit des Réflexions sur la question gay de Didier Eribon insiste sur ce qui constitue le fondement d’une identité gay, malgré les gays. Elle les constitue en une classe sexuelle en soi. « PD », entendu ad nauseam, des milliers de fois dans la vie d’un gay, pèse sur le moral et peut conduire à des tentatives de suicide malheureusement parfois réussies. Mais la vie est aussi faite de révoltes contre un ordre et une norme hétéro et cisgenre.
Inspirés des luttes antiracistes, les homosexuels se sont réappropriés l’insulte, sur les modèles du « Nègre », de l’« indigène ». C’est une manière d’en ôter la connotation négative, de la rendre supportable, la transformant en une charge positive, politique : les pédés veulent devenir une classe sexuelle pour soi, affirmative ! Pour reprendre un texte puissant du n°0, on est pédé « au prix fort d’une revendication politique : n’est pas pédé qui veut ».
« Il y a une « gayphilie » d’État qui coexiste avec les homophobies d’État »
Nous nous situons contre l’identité gay telle qu’elle est vue par le marketing et l’État. Car il y a une « gayphilie » d’État qui coexiste avec les homophobies d’État comme les questions de la PMA, du changement d’état civil, du don du sang, des mutilations imposées aux personnes intersexes, des déportations de personnes réfugiées… Elle est particulièrement visible dans les pince-fesses institutionnels, rassemblements où sont favorisées la présence et la participation de cisgays bien peu solidaires des LBTQI+. Et pour quels résultats ? La remise en cause du mariage pour tou.te.s par des consultations ou le pinkwashing de passages piétons piétinés. Quel symbole !
Comment fonctionne cette rédaction « mili-tante » ?
Les principaux contributeurs du magazine travaillent ensemble lors de week-ends et après-midis pédés en non-mixité, ils sont une dizaine. Mais les participants, réguliers ou occasionnels, qui écrivent ou prennent des photos pour PD La Revue sont, eux, beaucoup plus nombreux. C’est ce qui permet d’offrir aussi des contributions faisant place aux subjectivités, à la beauté, à l’humour, aux désirs, à tout ce qui peut être politique sans le paraître.
Après avoir réfléchi à ce qui peut constituer un « nous », voulu ou subi, et ce qui s’y oppose, nous cherchons à composer la prochaine édition de PD La Revue autour d’une interrogation adjacente : (dés)intégrer. Les thèmes suivants sont prévus, et canons, mais restent secrets pour le moment ! Les Komitidonautes sont, quant à elleux, les bienvenu.e.s. Qu’ielles se sentent libres de nous écrire !